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27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 08:45
J'ai ouvert le blog où est publié cet article au début de l'année 2009, pour promouvoir la réimplantation de tigres sauvages au coeur de l'Europe, après des siècles d'absence, et une présence largement ignorée pendant les temps médiévaux.
Ceci fut fait en suite logique à la mise en place du site "4 continents pour les tigres" à l'été 2007, à la recherche de formules originales permettant un avenir solide aux grands félins.
Je donnerai sur ce sujet une conférence au Museum d'Histoire Naturelle de Paris le 23 Janvier 2010, intitulée "Le retour des grands félins au coeur de l'Europe : renaissance du Dragon Vert".
Entièrement absorbé par cette tâche, je n'avais plus transmis depuis cette période, de contribution écrite à la revue de la Fédération Allier Nature, à laquelle j'avais fourni des articles régulièrement depuis 2001.
Je souhaite donc que ce texte, publié sur mon blog le 27 octobre 2009, puisse servir à la nécessaire harmonisation des luttes locales et globales pour la défense de la Nature, pour l'Allier, l'Europe et le Monde.

J'ai utilisé notamment, pour la mise en lumière des richesses du fleuve Allier  et son caractère accueillant pour une faune eurasienne digne de ce nom, les documents sur la forêt et la biodiversité en Auvergne d'une part, l'Allier rivière sauvage d'autre part, publiés par la FRANE en 2009, et en regard, et éclairage additionnel à celà, le Terre Sauvage Hors Série Cahiers Nature de l'Hiver 2008 - 2009 sur l'Europe Nature, "Rare animals" de O.P. Bogdanov 1992, concernant les espèces remarquables de la faune ouzbèke dans leur milieu, don gracieux de M. René Cagnat ,  auteur de "La Rumeur des steppes,"traducteur en russe  de mon texte "L'avenir des tigres est en Russie" (avril 2009, concernant notamment des zones occidentales et méridionales du pays ) et ambassadeur de France en Kirghizie, à l'occasion de notre rencontre le samedi 10 Octobre, "Les forêts de la Gaule et de l'Ancienne France" d'Alfred Maury, Jean de Bonnot 1994, "Les régions naturelles de l'URSS", de Léo Berg, Payot 1941.

 L'ASIE CENTRALE A FEU ET A SANG, L'EUROPE ORIENTALE FRAGILISEE
Je pars d'un constat fort simple : l'ère de répartition traditionnelle des tigres est soumise à une situation socio politique chaotique, qui n'est guère propice à la sauvegarde des derniers survivants à l'état sauvage d'une part, ni à la réintroduction d'animaux captifs réensauvagés d'autre part.
La zone qui compta jusqu'au milieu du XXème siècle entre 15 et 20 espèces de grands et moyens mammifères carnivores (dont 7 espèces de grands félins), et hébergeait des descendants des rhinocéros à fourrure préhistoriques à l'époque où les tigres vivaient aussi en Europe, est aujourd'hui sinistrée écologiquement et humainement, les deux choses étant intimement liées.
J'ai documenté largement, à plusieurs reprises, la connection fonfamentale entre le destin des tigres et des hommes (voir mon site et mes articles parus dans la Lettre de la SECAS en 2008),  la question de la puissance du lobby du commerce des produits issus des grands prédateurs (voir par exemple la page publiée le 14 juillet dernier),  et d'une façon plus générale, l'impact des activités humaines les plus destructrices en lien avec des types d'organisations sociales aux conséquences cataclysmiques pour les êtres humains (pages des 12 Juillet et 11 Octobre).
Aujourd'hui, Chine, Inde et Russie sont pris dans un tourbillon nécrosant, où les vertus traditionnelles de leurs cultures respectives sont méthodiquement mises à mal par les classes dominantes, et salies aux yeux des peuples. L'anéantissement des cultures du tigre en Asie par la modernité européenne à partir de la fin du 19ème siècle avait brisé un lien vital pour les sociétés humaines. En conséquence directe, celles ci semblent désormais en train de se suicider.
La Russie orientale est dévastée par les mafias chinoise et locale (voir page du 11 Octobre).
La Chine masque des difficultés immenses et une situation précaire derrière une boursouflure dysharmonique aux antipodes de l'économie - à moins que l'on confonde Amour et viol - (pages des 12 Juillet et 4 Octobre), entraînant notamment un point de rupture léthal entre les différentes communautés qui la composent.
 Une Inde aboulique dans tous les domaines essentiels à la sauvegarde de ses populations, sans parler de sa diplomatie illisible et par conséquent jugée négligeable, parachève dans l'anomie la destruction de sa culture entamée par Nehru au siècle dernier, en s'engageant dans le "Green Hunt", une opération paramilitaire contre des prétendus "Naxalites Maoïstes" dont la plupart ne sont que des pauvres gens qui n'en peuvent mais, intouchables et dalits qui cherchent à survivre et s'affranchir d'une oppression intolérable dans les forêts et les ravines du centre du pays, prélude possible à une guerre civile de grande ampleur.
La Chine, en difficulté dans la partie de l'Asie centrale sur laquelle elle a la main mise politique (Tibet, et bien plus encore Xinjiang), menace d' annexer "le Tibet du Sud", l'Anurachal Pradesh sous contrôle politique indien, qu'elle revendique comme sien. Elle attise le séparatisme cachemiri, soutient le Pakistan qui, en retour, n'a pas peu contribué à la liquidation des Tigres de l'EELAM tamoul au Sri Lanka en mai dernier. Un blogueur anonyme chinois indique que "La Chine peut démembrer la prétendue Union Indienne en un clin d'oeil". Dans le contexte du "Green Hunt", celui - ci n'a probablement pas tort...
Et peut - on raisonnablement envisager,  dans un avenir prévisible,  une réintroduction du tigre centre asiatique (à partir de son noyau génomique sibérien) au Pakistan, en Afghanistan, ou dans les zones hyperarides du Karakalpakstan ouzbek où le delta de l'Amou Daria au débit significativement appauvri n'est plus connecté au  flanc sud de la mer d'Aral et où les pesticides mis à nu par l'assèchement de l'environnement entraîne le taux de mortalité infantile le plus élevé au Monde?
Ceci relativise le tracé initialement prévu pour le "Dragon vert", projet de reconstitution des forêts alluviales du réseau hydrographique eurasien préalable à son réensemencemencement en grands prédateurs sauvages, dont grands félins et hyénidés, en Asie centrale du méandre occidental du Fleuve jaune à la mer Caspienne, puis en Europe orientale à partir des côtes orientales des mers Noire et d'Azov ( page publiée le 27 Aout, puis l'alternative septentrionale proposée par Evgeny Kashkharov - communication personnelle du 25 septembre - ).
De plus, le delta du Danube voit ses ecosystèmes mis à mal.
Une initiative des autorités roumaines prise en 2008 (destruction des espèces clefs de voûte telles que les grands prédateurs, ainsi que les chevaux sauvages et les pélicans) est le prélude à la mise en culture des forêts alluviales, à l'image de ce qui se passa au Turkestan russe dans la première moitié du XXème siècle (destruction des tigres, léopards, lions relictuels, panthères des neiges à partir de 1906, préalable à l'incendie de la forêt tugaï et la famine artificielle qui extermina un tiers des pasteurs kazakhs (1929 - 1931), la transformation de la steppe lacustre en champs gigantesques pour la monoculture du coton (années 30, puis 50) et la destruction de la mer d'Aral et des populations humaines et animales riveraines et endémiques (années 60 et 70).
De plus, et à une échelle présente probablement pire encore, le passage de supertankers ukrainiens ravage ce milieu qui fut jusqu'à une époque très récente d'une extrême richesse. Les autorités ukrainiennes ont entamé la construction d'un canal, creusant le fond du delta sur une profondeur de 22 mètres, bouleversant en totalité l'équilibre de celui - ci, pour permettre le passage de supertankers plus volumineux encore.
La Commission Européenne, directement responsable de ce qui se passe sur le territoire relevant de son autorité, est d'un silence assourdissant concernant les deux causes de destruction d'un joyau territorial sur lequel elle a une main mise politique théorique.
La construction du "South Stream", gazoduc sous la Mer Noire conjointement construit par la Russie et l'Italie, après un accord bilatéral Poutine - Berlusconi contre l'avis d'une commission européenne impuissante, est un autre symptôme de la "réalité" de l'Europe comme ectoplasme politique impuissant, qui, s'il l'était, adopterait de toute façon, pour l'instant, les orientations asiatiques présentes.

L'EUROPE, TERRE ENCORE SAUVAGE : TIGRES ET CHEVAUX
Réintroduire des tigres dans les forêts alluviales de l'Allier ou de tout autre fleuve sauvage européen ne va évidemment  pas de soi, et chacun est bien conscient des harmonisations nécessaires et des étapes à organiser pour l'établissement d'une expérience non pas dissuasive et vaccinatoire, mais au contraire utile, efficace, productive et féconde.
Et en premier lieu, l'extension des zones alluviales est préalable à l'introduction de grands félins, loin de zones habitées dans un premier temps. Une révision en profondeur du Plan d'Occupation des Sols, et notamment la question de l'établissement ou du maintien de zones de lotissements, doit être précédée d'une phase de "rapprochement" des zones où s'épanouissent les prédateurs et des établissements humains, habités par de petites communautés de volontaires enthousiastes (elles existent, le le sais de source très sûre).
Des établissements comme le Parc des Félins à Nesles peuvent certainement jouer un rôle catalytique au niveau des protocoles éthologiques de réensauvagement.

J'ai posé la question, dans mes videos publiées le 2 septembre sur Dailymotion (accessibles sur la page du 31 août), de la présence éventuelle de tigres eurasiens dans les parties centrales et occidentales du bassin du Danube dans les temps historiques, notamment lors de l'optimum néolithique humide d'une part, entre les 5ème et 15ème siècles d'autre part.
Encore aujourd'hui, des restes de ce qui fut un continuum écologique de forêts et de zones humides constitué il y a 10 000 ans à l'issue de la dernière période glaciaire (milieu beaucoup plus favorable aux tigres et léopards qu'aux lions dominants lors de la période précédente) sont toujours présents de l'Europe centrale au coeur du Massif central.
Les marais Pripiatsky (Biélorussie méridionale), constituent, sur plus de 80 000 ha, le poumon vert de l'Europe. La présence de tigres en ces lieux au moins entre les10ème et 12ème siècles a été dûment établie par le scientifique russe Vladimir Heptner, spécialiste des mammifères carnivores, en 1969 (pages des 16, 19 et 31 août). Qui plus est, les ravins et les dépressions circulaires (inondées ou non) de la steppe lacustre d'Asie centrale, qui ont offert aux tigres leurs repères préférentiels, étaient encore largement présents dans la zone de steppe boisée ukrainienne jusqu'au milieu du siècle dernier, précisément dans les zones hantées par ces animaux pendant les temps médiévaux. Les forêts proprement dites n'étaient présentes dans cette zone que sur les rives inondables des rivières, avec ormes, chênes, trembles, peupliers noirs et argentés, saules, érables champêtres, coudriers, aubépines, aulnes noirs (glutineux), poiriers, pommiers, prunelliers... On y trouvait aussi des ours, des élans, des aurochs, des cerfs, des antilopes saïgas, des gloutons et des castors.
 Les proies préférentielles des tigres en ces lieux n'étaient pas les sangliers (qui se déplaçaient en troupeaux gigantesques en Asie centrale mais qui étaient moins généreusement représentés en Europe centrale sous la forme géante Sus scrofa attila). C'étaient les chevaux sauvages, qui constituaient des bandes immenses et qu'allait capturer le Grand Prince kievien Vladimir Monomaque, celui là même qui fut confronté au tigre lors d'une de ses chasses (voir pages des 16, 19 et 31 août), et que le peintre Viktor Vaznetsov a immortalisé au 19ème siècle.
 En contiguité géographique avec eux, sont encore bien vivants à l'heure actuelle les 26 000 ha de zones humides du Parc de la rivière Biebzra en Pologne orientale, avec des murs infranchissables de roseaux, et les marais de Viru Raba, en Lituanie méridionale. Les carpates roumaines occidentales, également concernées par la présence possible de grands félins pendant la période médiévale (voir le document PDF "Europe et grands félins", sur mon site "4 continents pour les tigres"), conservent encore une roborative sauvagerie, où loups,lynx ours bruns et chats sauvages évoluent en liberté.
Plus au Nord, la Finlande regorge encore de ces grands prédateurs, auquel on doit ajouter le glouton.
Les élans, encore présents dans toute la Scandinavie, font aujourd'hui l'objet d' une réintroduction dans le marais Vernier, près du Havre.
Plus à l'Ouest, le lac de Fertö, à cheval sur la Hongrie et l'Autriche, est le lac de steppe le plus occidental d'Europe. Il constitue un reliquat de la grande steppe eurasienne antique et médiévale, où les civilisations pastorales jouaient un rôle prépondérant dans l'évolution écologique, humaine et géopolitique de l'Eurasie, et permet l'épanouissement de roselières particulièrement gigantesques.
Dans le bassin du Danube antique, les populations germaniques vouaient un véritable culte à la forêt, prenant grand soin de la protéger. Quelques siècles avant la conquête romaine, lors de l'arrivée des celtes en Gaule, le Megaceros (daim à large ramure) préhistorique, plus grand cervidé de tous les temps, et le renne, étaient peut être encore présents, du Nord de la France au pied des Pyrénées.
Le tropisme sylvestre des Germains  eut de grandes répercussions sur les orientations de la politique environnementale dans l'espace français (et plus encore en Allemagne) lors du bas moyen - âge, puis à l'époque féodale.
Il a toujours existé une tendance plus ou moins affirmée dans la Noblesse (et plus ou moins contrariée politiquement et économiquement par l'action de l'Eglise), de privilégier la forêt et les animaux sauvages au détriments des champs, villages et paysans.
La forêt des Ardennes, par exemple, produisait une impression si profonde sur les imaginations qu'on la voit figurer fréquemment dans les aventures fablées des trouvères, où elle est dépeinte commez le repaire d'animaux tels que les lions, tigres et léopards.
Un félin énigmatique, le chama, appelé rufius par les Romains et qui était peut être le lynx ( mais rien n'est moins sûr), semblait particulièrememe redoutable pour les chasseurs (plus encore que l'aurochs) au moins jusqu'au 15ème siècle.
Il est en tout cas clairement établi que le lynx pardelle (ou lynx ibérique) est historiquement un représentant de la faune de France, jusqu'à une époque relativement récente.
Vers la fin du Moyen Âge, ce sont plutôt les marais et étangs qui prennent le pas à la fois sur des territoires forestiers et des zones habitées.

L'ALLIER ET LA SIOULE, RIVIERES ENCORE SAUVAGES
Je me suis fréquemment promené, ces derniers mois, dans la "jungle" du domaine public fluvial, sur la commune d'Hauterive. Un sentiment de force réparatrice vous envahit dans un environnement d'une telle puissance accueillante, à deux pas de lotissements où une vie étriquée et aveugle impose son ordre torve...
Le mois dernier, une bonne centaine d'aigrettes blanches s'étaient invitées dans un grand champ où paissaient de paisibles vaches, à quelques km de là, sur la commune de Mariol.
Quelques années auparavant (mars 2005), j'avais eu l'occasion de comparer les bords d'un de ses affluents à une véritable savane africaine, en route pour les journées cinéma Nature à Dompierre sur Besbre. On voyait des familles populeuses de ragondins évoluer au milieu des oiseaux aquatiques, non loin de lignes de peupliers marquant le lit de la rivière...
Les clichés pris par le biologiste russe O. Bogdanov dans la forêt alluviale ouzbèke de Badaï Tugaï évoquent trait pour trait l'Allier et certains membres du réseau de son bassin...
Les listes d'essences arbustives et arborescentes des forêts alliuviales et des bras morts du fleuve fournies dans le document de la FRANE recoupent en très grande partie celles données par Leo Berg pour l'Asie centrale.
Il est aussi profondément émouvant de connaître l'hydrologie fantasque de la soeur jumelle de la Loire, dont les crues peuvent être les plus importantes d'Europe occidentale, seulement égalées par celles du Pô. Ainsi, la crue de novembre 1790 provoqua un flot frôlant les arches du pont Régemortes à Moulins, et aurait atteint au Bec d'Allier (soit à la confluence Allier - Loire à hauteur de Nevers) un débit de 7000m3/s.
La priorité consiste à rétablir la dynamique du fleuve et restaurer sa gigantesque nappe alluviale en faisant cesser les extractions de granulat qui provoquent un affaissement du lit du fleuve aux conséquences catastrophiques, ainsi que l'encerclement de la réserve du Val d'Allier et le pillage de son eau pour l'irrigation de la monoculture du maïs sur de vastes espaces captifs.
Il s'agit de définir puis de lui réoffrir son espace de liberté, qui est l'espace vital pour le bassin et tous ceux qui y vivent.
Les gorges de la Sioule, affluent du Fleuve, que j'ai parcourues dans des secteurs divers (à hauteur du viaduc de Rouzat près de Gannat, au Pont de Menat...) et dont certaines parties à la topographie particulièrement tourmentée n'ont pas été foulées par un pied d'homme ou une patte de chien depuis des décennies sinon des siècles, devraient être classées prochainement en réserve biologique intégrale, fonctionnant donc comme des forêts en libre évolution. Celà concernera 358 ha. Aujourd'hui, seuls 98 ha bénéficient de ce statut en Auvergne (enclave de Nantigny, au centre de la forêt de Tronçais).
Voilà comment j'aime les gorges, la forêt, le fleuve.
Pour les tigres, les chevaux, et nous - mêmes.
Une Allier Nature.
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  • : Le retour du tigre en Europe: le blog d'Alain Sennepin
  • : Les tigres et autres grands félins sauvages ont vécu en Europe pendant la période historique.Leur retour prochain est une nécessité politique et civilisationnelle.
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