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29 décembre 2011 4 29 /12 /décembre /2011 09:08

DEFAUT DES SENS

Une femme politique anglaise imposa, en 1979, une bien curieuse idée : "There is no alternative". Celle - ci, il est vrai, pensait également tout haut que "A society ? It doesn't exist".

Aujourd'hui, un homme politique russe explique qu'il n'y a personne avec qui parler dans l'opposition...

Ce qui n'existe pas à nos yeux témoigne de l'inadéquation de notre regard.

 

En introduction à son livre "V debriakh Manchzhurii. Ocherki i rasskazy iz byta obitatelei taigi" Harbin 1934 (traduit en français aux Editions Payot en 1938 sous le titre "Mes chasses dans la taïga de Mandchourie"), Nicolas Baïkov "ne fait que soulever un peu le voile qui cache aux yeux de l'homme civilisé un monde curieux plein d'un charme mystérieux et romantique... une nature magnifique, vestige des époques les plus anciennes de l'histoire de l'humanité".

 

LA REVELATION DU "SAUVAGE"

De fait, toute altérité est potentiellement déstabilisatrice, au point d'infliger à notre psyché d'animal autodomestiqué des phases successives (dans le meilleur des cas) de "cécité / surdité " et de révélations ennoyantes.

Dans un rapport de synthèse sur le tigre d'Asie centrale publié l'an dernier "Turanian tiger : analysis of the modern situation", Yuri Chikin et Oleg Tsaruk évoquent la découverte de la tanière d'un tigre dans les roselières par le naturaliste Sergeï Ulianovitch Stroganov :

Sergei Stroganov. 1961. Tigr v Srednei Azii (Tiger in Middle Asia). Okhota i Okhotnitch'e Khozyaistvo, n° 12. First time description of the tiger den in reeds. S. Stroganov collection is in Siberian Zoological Museum of Novosibirsk (two tadjik tigers of Pyandz River).

Celle - ci s'apparente à un véritable chemin initiatique : "The scientist managed to inspect a tiger's den; to reach it, he had to crawl nearly 200 meters following the animal's trail in a tunnel of lush vegetation. The tiger always made his den in the shade of trees; it was lined with stamped grass; bordering it there was a small
plot of about 40 square meters, all stamped flat and scattered with bones of prey animals. A strong, stinking smell was felt in the air. S. Stroganov finished his observations with the following characteristic: "The Turanian tiger is daring, secretive, and very sensitive. One could live many years in the area inhabited by tigers
and never see them."

 

LE MONDE PERDU

Par delà le rideau des roselières, l'Asie centrale a abrité par le passé un véritable doublon sauvage de son Univers domestique, comme l'ont montré les recherches du Docteur Boris F. Porchnev à la fin des années 50 et les années 60 (voir la dernière édition en version française de ses travaux dans "L'Homme de Neanderthal est toujours vivant", B.Heuvelmans & B.Porchnev, éditions de l'oeil du Sphinx 2011).

Jusqu'au milieu du 20ème siècle, aux côtés de populations sauvages de chevaux, chameaux et yacks, vivaient également des "hommes sauvages" velus et prognathes. Ceux - ci étaient présents aussi bien dans le désert de Gobi que dans des espaces herbeux ou des buissons de Saxaoul, et ce à une très vaste échelle, aussi bien sur le plan géographique - dimensions continentales de la distribution - que de leur visibilité pour la population, qui les appelle "les almass" et leurs petits "les almassons". L'auteur évoque un espace eurasien allant de la Yakoutie à la Polésie (Biélorussie méridionale).

Le naturaliste Constantin Satounine put en observer un dans le Caucase en 1899. La même année, il découvrait un gigantesque tigre grisâtre dans le Lenkoran, Caucase géorgien (cité dans Heptner V. & A.Sludskii. Mammals of the Soviet Union. Brill editions 1992, pages 141 et 143).

Nicolas Baïkov fut lui même confronté à une telle créature en 1914, alors qu'il parcourait la Mandchourie du Sud. Il put l'observer pendant plusieurs jours, celle - ci ayant été apprivoisée par un chasseur de la taïga,  lui servant de chien de chasse. La nuit, elle quittait son maïtre et entrait en connexion avec des loups rouges (dholes).

Dans les montagnes d'Asie centrale, en tant qu'omnivores opportunistes, ils consommaient volontiers des bouquetins qu'ils ne chassaient pas eux - mêmes. Sur le plan écologique, ils étaient donc largement dépendants de la présence et de l'activité de la panthère des neiges, comme la hyène striée dépendait de celle du tigre dans les roselières.

En écho à la tanière du tigre des roseaux, il existe un endroit, en Mongolie, appelé Almasin Dobö : "Tumuli des Almass", où l'on trouvait leurs tanières abandonnées.

Le terme "tumuli" a une résonance particulière dans la civilisation des steppes : le tumulus est la tombe du chef, depuis la culture des "Kourganes" antique jusqu' à certains leaders Cosaques au 18 ème siècle... ("Les Cosaques 1490 - 1790" . Iaroslav Lebedynsky. Editions Errance 2004).

Quelques siècles auparavant, un descendant du rhinocéros à fourrure côtoyait tous ces grands animaux sauvages, ongulés, hominidés et carnivores - et notamment, concernant ces derniers, de grands félins tels que panthères des neiges, tigres et léopards - (X. de Planhol. Le paysage animal Eds Flammarion. 2004.)...

"Des animaux immenses, comme il en existait à l'aube des temps" (Princesse Mononoke, Hayao Miyazaki 1997)...

"soulever un peu le voile qui cache aux yeux de l'homme civilisé un monde curieux plein d'un charme mystérieux et romantique... une nature magnifique, vestige des époques les plus anciennes de l'histoire de l'humanité"...

 

LA RELATION AU "SAUVAGE"

Le "domestique" est un auxiliaire, qui subit une réification plus ou moins importante.

Le "sauvage" est un partenaire véritable. Il exprime l'altérité avec qui on peut vivre en paix et en bonne intelligence, si l'on s'en donne les moyens. Citons à nouveau Chikin & Tsaruk : "Back in the middle of the 19th century, the prominent Russian zoologist and traveler N.A. Severtsov wrote that the blood-thirstiness and aggressiveness of the tiger are grossly overestimated, and the Turkestan hunter E. Sysoyev came to a conclusion that tiger is "a cat that shows his fearful claws and teeth just to protect his own life".

Les deux plus grands défis relationnels des hommes sont le féminin et le sauvage, et peut être n'en sont ils qu'un seul dans leur esprit, comme "un obscur objet du désir". Toute la complexité du sujet est merveilleusement illustrée dans la nouvelle de Jack London "L'appel de la forêt", qui dit tout, et montre tout. Dans l'Europe orientale préchrétienne, la compétition entre cités était illustrée à travers des symboles très éclairants. Les deux aspirant au leadership du monde slave étaient Cernigov et Kiev.

Kiev revendiquait l'héritage du cavalier blanc draconicide igné solaire  (dont le futur avatar allait être le St Georges orthodoxe), libérateur des rivières aurorales (F. Cornillot. L'aube scythique du monde slave, 78 - 259 dans SLOVO 14, 1994). Son associé, le Simargl (avatar du Phoenix) est un chien ailé. Il est son auxiliaire de chasse. C'est un animal domestique.

Cernigov s'appuie sur la parèdre (épouse divine) du draconicide kiévien. Le Simargl auquel elle est associée est un tigre ailé. Une bête sauvage. Un vrai partenaire.

 

Dans "Tigre le Dévoué", légende chinoise publiée en 1792 (version française en 2009 aux illustrations merveilleuses d'Agata Kawa, éditions Hong Fei) évoquant une relation semblable à celle évoquée précedemment, entre une princesse et un tigre aux stries spiralaires d'un éblouissant vermillon, l'auteur écrit :

"Le vrai dévouement est celui d'un être fier. La vraie fierté est celle d'un être dévoué".

Le mot français FIERTE vient du latin FERITAS qui est aussi la racine du l'adjectif FERAL : retourné à l'état sauvage (voir page blog "Epopée de la Lumière" du 4 Décembre dernier).


 


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