La prochaine réunion de la CITES se déroulera du 24 septembre au 5 octobre à Johannesbourg (République Sud - Africaine). Un amendement au code des espèces protégées y sera discuté. Celui ci vise à réviser le statut du mammouth laineux, pour faire évoluer celui - ci de l'actuel "espèce éteinte" à celui d' "espèce protégée".
http://www.sciencesetavenir.fr/animaux/grands-mammiferes/20160822.OBS6643/les-mammouths-pourraient-devenir-une-espece-protegee.html
Il reste encore des millions de mammouths laineux, Mammuthus primigenus, dans le permafrost de la seule Sibérie orientale :
https://answersingenesis.org/answers/books/frozen-in-time/frozen-mammoth-carcasses-in-siberia/
(FROZEN IN TIME Chapitre 1. Frozen Mammoth Carcasses in Siberia. Michael J. Oard, 1er Octobre 2004).
L'utilisation et la commercialisation de l'ivoire de leurs défenses, encore présentes à profusion, est légale, contrairement à celle, par exemple, des éléphants, des hippopotames, des morses... Il est donc possible pour les trafiquants d'ivoire de faire passer celui issu des animaux précités pour de l'ivoire de mammouth, de façon à en faciliter la vente (et ils ne se privent pas de ce stratagème).
La légalisation du commerce de l'ivoire de mammouth était censée, selon ses promoteurs, protéger plus efficacement les espèces rares actuelles, en faisant baisser les prix du produit et les tueries les concernant. On retrouve exactement la même démarche argumentaire concernant les fermes à tigres. On constate que c'est donc l'inverse qui est vrai.
Par conséquent, frapper d'illégalité le commerce de son ivoire sous - tend la nécessité juridique de classer l'animal lui - même dans la catégorie des "espèces protégées". L'automne 2016 marquera vraisemblablement le premier des trois changements de statut que va connaître Mammuthus primigenus au cours de ce siècle, les deux à venir étant homologues à ceux en train de se dessiner pour le tigre de la Caspienne (Panthera tigris virgata), officiellement éteint depuis 2004, "animal en voie de reconstitution" d'ici 2019, "animal reconstitué" à partir de 2026 ("Changement de Statut", mis en ligne sur ce blog le 7 juillet dernier).
La protection du mammouth tel qu'il est aujourd'hui, ferait de celui - ci une espèce clé - de - voute, protectrice directe des éléphants, des hippopotames des morses et des babiroussas, et, à un moindre degré, des phacochères, des narvals, des orques et des cachalots (liste non exhaustive).
Ivoire de morse, Chukotka (extrême Nord - Est eurasien).
Section d'une défense de mammouth fossilisée.
ART JAPONAIS : le Netsuke.
1. Le sanglier sauvage (ivoire).
2. La tigresse bleutée et ses petits (ivoire porcelaine).
Parfaitement adapté aux conditions du dernier épisode glaciaire (pavillons des oreilles minuscules, opercule anal, trois catégories différentes de poils), le mammouth laineux fut le grand mammifère terrestre dominant de cette période (qui fut par ailleurs beaucoup plus variée sur le plan climatique que l'on ne l'imagine de prime abord, y compris lors de sa phase de densité maximale, entre - 24 000 et - 18000 ans). En Sibérie du Nord - Est (particulièrement entre les rivières Yana et Kolyma, où ils étaient peut - être 5 millions*), ces animaux avaient atteint un niveau de développement démographique comparable à celui des bisons d'Amérique entre 1650 et 1850.
Par la suite, leurs corps émergeant parfois du permafrost les a intimement liés à la Terre Mère dans les représentations humaines. A la fin du XVIIIème siècle, Pierre - Simon Pallas propose deux étymologies possibles, l'une "tartare" : "mama" la terre, et l'autre, estonienne : "ma" la terre et "mut", la taupe (les témoins interprétaient leurs observations comme celles de créatures souterraines géantes qui mouraient lors d'un contact accidentel avec le rayonnement solaire, comme le font les taupes et les musaraignes).
Après les mammouths laineux sur l'ensemble holarctique (Nord de l'Eurasie + Amérique du Nord), les bisons dans la zone néarctique (Amérique du Nord), le géant qui dominera les prairies boréales des prochains siècles sera peut être la grande baleine franche boréale, comme illustré par les travaux les plus récents de Craig George ("Amplitude", mis en ligne sur ce blog il y a deux jours). Mais ce seront des prairies marines, cette fois - ci.
* Ce qui renforce encore l'évidence que la vallée de la Yana fut, au Paléolithique supérieur, un véritable sanctuaire pour les animaux géants, puisque l'on doit ajouter aux immenses troupeaux de Proboscidiens, et à tout le moins : saumons taïmens les plus septentrionaux au Monde, tigres préhistoriques, rhinocéros laineux à toison claire... ("Un rocher sur la lande" & "Retour dans la Mère Patrie", respectivement mis en ligne sur ce blog les 27 février et 24 mars 2016).
Lire aussi :
Peter D. Ward. 1997. The call of distant mammoths. Why the Ice Age Mammals disappeared. Copernicus, Springer - Verlag. Chapitre 10 "The smoking gun", pages 215 - 220.
Josette Renault - Miskovsky & Michel Girard. 2006. Le paysage végétal des mammouths durant les trois derniers millions d'années. Les Amis du Museum d'Histoire Naturelle 226, juin 2006, 17 - 20. Et je remercie l'excellent Etienne Piéchaud, ornithologue et botaniste de génie, de son envoi gracieux de cette publication passionnante, qui met en abime les représentations du commun.
