Ceci fait suite à "Tiers inclus" mis en ligne le 1er décembre dernier", et " La véritable force", mis en ligne le 6 décembre dernier.
"C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit". Jean Racine. Athalie. Acte II, scène 5.
Dans l'imaginaire collectif, la "préhistoire" est aussi "l'âge des cavernes". Sous le masque d'une supposée temporalité, se dissimule (fort peu et fort maladroitement) une technique de réassurance psychologique face à la peur que suscite l'obscurité dévorante, pour une espèce diurne originellement PROIE, qui n'a jamais réussi à devenir prédatrice :
http://www.pleistocenepark.ru/files/WILD_FIELD_MANIFESTO_ENGLISH_VERSION.pdf
Si la terminologie oppose "préhistoire" et "histoire", "l'âge des cavernes" se confronte à "l'ère des Lumières".
L'idéologie progressiste (après beaucoup d'autres et dans la filiation de celles - ci) joue sur cette dialectique du jour et de la nuit. Le "sens de l'Histoire" est sensé impliquer le remplacement inéluctable de l'obscurité nocturne par la lumière diurne, et l'avènement du règne des espèces proies. L'avenir "radieux" est un été de l'Histoire, son passé nocturne est un hiver. Âge des cavernes, âge de glace...
TIGRE DES CAVERNES, SANGLANTE CHANDELEUR. Dans la taïga russe, l'été appartient aux ours, à la fois nombreux et ostensibles dans leur comportement. Les tigres sont invisibles et indécelables en cette saison. L'hiver, certains félins pénètrent dans les grottes pour dévorer les ours en hibernation* ("La véritable force", mis en ligne le 6 décembre). Ces "tigres des cavernes" font des plantigrades leur proie préférentielle : "... looking for a hibernating bear. Some striped predators prefer this ‘delicacy’ to ungulates. This is normal behaviour for them.” Ils dévorent aussi ours et chiens viverrins, quand ceux - ci sortent de leur refuge, lors d'une sanglante chandeleur ("chandelours") :
http://historia-com.over-blog.com/2015/02/la-chandelours-une-origine-antique-pour-une-tradition-moyenageuse.html
* PROIES SOLIDAIRES. Depuis l'homme de Neandertal (M. Pastoureau. L'ours, histoire d'un roi déchu, Seuil 2007), de nombreuses communautés humaines expriment leur parenté directe avec le plantigrade. Le héros anglo - saxon qui lutte contre un monstre mangeur d'hommes se nomme BEOWULF : "le loup des abeilles". Chez les coréens, il est établi une nette opposition entre ours et tigre...
UNE VICTIME DU PROGRESSISME. Dans la première moitié du siècle dernier, l'écrivain explorateur russe Nicolas Baïkov présentait rétrospectivement son ouvrage В густых лесах Маньчжурии. Описания и рассказы о жизни жителей тайги "V debriakh Manchzhurii. Ocherki i rasskazy iz byta obitatelei taigi", 1934, (version française publiée par les éditions Payot en 1938 : "Dans les denses forêts de Mandchourie. Descriptions et récits de la vie des habitants de la taïga"), comme suit : "Ce livre est le fruit de mes observations et impressions personnelles au cours de longues années de pérégrinations à travers les montagnes et les forêts de la Mandchourie. Il ne fait que soulever un peu le voile qui cache aux yeux de l'homme civilisé un monde curieux plein d'un charme mystérieux et romantique. Ce monde, en train de disparaître, subsiste encore là où se dressent les forêts vierges et où s'étendent d'immenses déserts sauvages. A mesure que la civilisation pénètre dans ces régions, l'espace occupé par les forêts diminue et disparaît toute cette nature magnifique, vestige des époques les plus anciennes de l'humanité. Nicolas BAÏKOV. Kharbin, 1937.
80 ans plus tard, le tigre des cavernes est toujours là, et bien là ("La véritable force", 6 décembre), en attendant la reconstitution du Grand Félin Gris ("Tiers inclus", 1er décembre). Ainsi, en permettant l'éclosion d'une culture européenne du tigre, la Russie, non seulement renonce au progressisme et aux "lumières" pétriniennes, mais, plus profondément encore, opère une mutation anthropologique majeure pour les hommes - ours dans leur regard vis - à - vis de leur prédateur et d'eux mêmes (Voir pour le détail ""Appel à la Russie", mis en ligne le 22 avril 2010, "Profondeur, Profusion" mis en ligne le 30 mars 2015). Dimension quintessentielle pour l'Avenir de l'humanité, qu'avait si bien saisie, en 1918, Josepf - Henri Rosny Ainé : " Par delà l'espoir et le désespoir, il y aura toujours le Félin Géant."
CAVERNE, TOMBE ET MATRICE.
