VERTUEUSES SPIRALES
Ceci fait suite à "Eldorado : pommes et oeufs", mis en ligne il y a 3 jours.
http://europe-tigre.over-blog.com/2019/09/eldorado-pommes-et-oeufs.html
Le maelstrom de Melville qui absorbe le Pequod ("Moby-Dick",ch. 135) gagne sans cesse en superficie, profondeur, vitesse, puissance et influence. Voir par exemple les interventions données lors du symposium organisé le 14 août dernier par la Nantucket Historical Association à la Quaker Meeting House, et intitulé "Melville on Nantucket".
1. Nathaniel Philbrick invoque " The Enduring Power of Moby-Dick"
2. Jamie Jones illumine la mise sur orbite de l'oeuvre, au siècle dernier, à travers les illustrations si particulières de Rockwell Kent, dans " Nostalgia for the Wooden World : Rockwell Kent's Moby-Dick".
3. Mary Bercaw Edwards présente un "Herman Melville : Sailor, Writer, Metaphysician".
Et le samedi 5 octobre prochain, dans le Maine (Waldoboro, BugTussle Annex), David Peloquin évoquera la puissance de Moby-Dick dans "The Epic conversation : Melville, or the Universal Song of the Ages".
" Pour toutes ces raisons, nous tenons Léviathan pour immortel dans son espèce, bien que périssable dans son individualité. Il sillonnait les mers avant que les continents n'émergeassent des eaux ; il nageait jadis sur l'emplacement des Tuileries, du château de Windsor et du Kremlin. Lors du Déluge, il n'eut que dédain pour l'arche de Noé ; et si le monde venait à être submergé à nouveau... l'immortel cétacé survivra, et dressé sur la plus haute crête du flot équatorial, il défiera les cieux de son souffle écumeux." Moby-Dick, chapitre 105.
Nous avions montré, il y a quelques semaines, comment la sauvegarde du tigre de l'Amour en Russie depuis la fin du siècle dernier pouvait être un catalyseur pour un "White Whale Stream" océanique : un sauvetage de l'océan mondial à travers le renforcement effectif des populations de grands organismes marins, et en particulier les grands cétacés (en lien direct avec ce que représente "Moby-Dick" pour la culture américaine). La vidéo sur ce sujet est accessible ici :
https://www.youtube.com/watch?v=kg0QkKrFySM
Aujourd'hui, les responsables de la protection du tigre de l'Amour considère que celui-ci aura atteint un niveau d'équilibre au cours des années 2020, avec une population située entre 700 et 800 individus, sur un territoire en expansion lente. Or, nous savons que le point d'équilibre historique de cet animal dans un contexte d'écosystèmes riches et puissants correspondait à une démographie 5 fois supérieure à la fourchette haute envisagée par les autorités russes pour les décennies à venir, soit plus de 4000 individus (voir, par exemple : "L'Amour est éternel" mis en ligne le 17 février 2015, et "L'océan des 2500" mis en ligne le 6 mai 2018).
http://europe-tigre.over-blog.com/2015/02/une-aube-nouvelle.html
http://europe-tigre.over-blog.com/2018/05/l-ocean-des-2500.html
Dans le long terme, et selon un processus classique d'"effet feed back" qui est aussi une politesse rendue, un "White Whale Stream" qui prendrait corps pourrait puissamment inciter la Russie à venir à reconsidérer et dépasser ses objectifs actuels, en optant résolument pour la reconstruction d'une population tigréenne variée (physiquement et culturellement) à une échelle continentale.
Les écrits de Nicolas Baikov montrent que jusqu'aux premières décennies du siècle dernier, les tigres de l'Amour étaient beaucoup plus volumineux qu'aujourd'hui (à l'instar des cachalots dans les océans Pacifique et Austral). Comme pour les grizzlis à la même époque (ce qu'a bien mis en lumière James Oliver Curwood) leurs coloris étaient aussi beaucoup plus variés. A titre d'exemple, Vsevolod Petrovich Syssoïev évoque une femelle à la fourrure unie éblouissante dans sa nouvelle "Rima la Dorée". Or, ce tigrologue intervient à la fin des années de massacre de masse. A son époque, les tigres de cette région sont désormais très peu nombreux (bien moins qu'à l'heure actuelle) mais manifestement, un certain degré de variabilité tend à subsister. Alors que la période est désormais plus à la capture (esentiellement de jeunes individus) qu'à la tuerie, un félin immense, d'environ 400kgs, est abattu en 1950 dans la cordillère du Sikhote-Aline. Au même moment, Syssoiev participe à des captures, à l'aide de fourches de bois et de cordes. Associé dans ce travail à des dynasties de tigriers russes comme les Cherepanov et les Bogachev, le tigrologue participera personnellement à la capture de plus de 70 tigres.
Certains de ces tigriers avaient acquis un savoir faire chamanique, qui leur confère une emprise mentale complète sur leur proie, fut elle gigantesque. Ainsi, John Vaillant, dans "Le tigre. Une histoire de survie dans la taiga", éditions Noir sur Blanc, 2011, évoque le cas récent (pages 138-139) de Vladimir Krouglov, grand captureur de tigres (au moins une quarantaine, dont certains adultes). Ses compagnons le comparaient aux Bogatyrs, guerriers russes surhumains des contes traditionnels. Elève du tigrier vieux croyant Averian Cherepanov, il "pilotait" mentalement le tigre en le tenant par les oreilles d'une façon maîtrisée par lui seul. Krouglov est décédé en 2005, à 64 ans.
Syssoïev a aussi initié des entreprises d'acclimatation et d'introduction de nombreuses espèces animales. Grâce à lui, le castor, le vison, le rat musqué et la zibeline sont apparus dans de très vastes espaces de l'extrême orient russe, du Sud au Nord (jusqu'à la Kolyma). On peut lire le récit de certaines de ses activités au cours des années 1950 dans "Chasses dans la taïga russe", aux éditions Montbel.
La conjonction hélicoïdale du cachalot et du tigre se poursuit, dans un mouvement perpétuel.
Clin d'oeil terminal (La croisière s'amuse) : après avoir coulé le navire qui transporte le félin au vers le zoo de Sydney, le "fantôme de Moby Dick" transporte sur son dos le "tigre du Gobi" jusqu'au rivage de la mer du Japon... Pierre Benoit, à partir des lectures de Nicolas Baikov et Bengt Berg, a imaginé, dans "Le désert de Gobi", 1941, éditions Albin Michel, le personnage d'un tigre blanc non strié, aux yeux vert émeraude, et d'une taille deux fois supérieure à celle des grands tigres de l'Amour. L'histoire se déroule au début de la deuxième moitié des années 1920.
Le fantôme de Moby Dick est un épisode de la série américaine de science fiction "Voyage to the bottom of the sea".

Il fut diffusé le 14 décembre 1964. Comme dans le cas précédent, le cachalot a des proportions doubles de celles des baleines les plus grandes. Dans les deux cas, les auteurs sont fâchés avec les mathématiques. Le tigre a une masse de 640kgs (2 fois les 320 kgs des tigres de Baikov), et le cachalot pèse 200t (2 fois plus qu'un rorqual). Or, la masse n'est pas proportionnelle à la longueur, mais au volume. Le tigre de Benoît devrait, en réalité, peser 2t et 560kgs (8 fois 320), et le cachalot 800t (pour un rorqual de 100t) ou 1200t (pour un rorqual bleu de 150t)...