
Photographie de Christopher Swann.
Une étude dirigée par l'océanographe Maike Sonnewald, de l'Université de Princeton (New-Jersey) fait apparaître l'espace océanique mondial organisé en "ecoprovinces" distinctes de par leur agencement en animaux et plantes. Les auteurs en repèrent plus d'une centaine (115), regroupées dans 12 "megaprovinces" (dénommées de "A" à "L").
ECOPROVINCES :

MEGAPROVINCES :

La cartographie de ces régions marines a été déterminée non seulement à partir des niveaux de chlorophylle (qui est synthétisée par le phytoplancton, et donc, est censé supposément déterminer toute la chaîne alimentaire) à partir d'observations satellitaires, comme les scientifiques le faisaient jusqu'à présent, mais aussi en prenant en considération le zooplancton des zones considérées, ce qui met beaucoup plus en lumière leurs caractéristiques respectives. Ainsi, les megarégions "H" et "K", jusqu'alors considérées comme biologiquement proches du fait de teneurs en chlorophylle très voisines, sont ici clairement dissociées. "H" couvre la plus grande part de l'espace équatorial de l'océan indien. Elle recèle une forte biodiversité en phytoplancton, et du même coup une très grande richesse végétale et faunique. "K" se situe au centre de l'océan arctique. Elle est beaucoup plus pauvre en biodiversité mais le phytoplancton y est représenté par des espèces de grande taille, qui induit une biomasse totale comparable à celle évaluée pour "H". "D", région tropicale située au niveau du 30ème parallèle sud, gagne aussi en "lisibilité" par rapport aux deux précédentes grâce à la formule employée. A l'inverse, certaines régions ont des biomasses très dissemblables alors que l'agencement polyspécifique de leur phytoplancton est similaire ("D" et "E" -située immédiatement au Nord de la précédente- par exemple)... D'autres ont des biomasses en phytoplacton semblables, et pourtant clairement distinctes pour celles du zooplancton ("A" et "L")...
Les auteurs sont bien conscients que leur méthode d'étude doit encore être améliorée, en intégrant notamment, lorsque ceci sera techniquement possible, les niveaux meso et submeso fauniques et floraux, ce qui affinera les discriminations entre les différentes régions et à l'intérieur de celles-ci. Des observations régulières seront susceptibles, qui plus est, d'étudier l'évolution des régions concernées.
Voir le détail dans l'article de Jackie Snow sur le sujet, publié hier par "Hakai Magazine" :
https://www.hakaimagazine.com/news/the-oceans-12-megaprovinces/
Et voici l'intégralité de l'étude originale, publiée le 29 mai dernier dans "Science Advances" 6 (22) :
https://advances.sciencemag.org/content/6/22/eaay4740
Référence bibliographique utile : R. Bailey, Ecoregions: The Ecosystem Geography of the Oceans and Continents (Springer, 2014).
Dans mon livre sur la victoire des cachalots dans la "Première Guerre du Pacifique" lors des 6 premières décennies du XIXème siècle, j'évoque les "secteurs" protégés par un "gardien" (notamment pages 65 à 67) : les individus en question seraient "une dizaine" (en tout cas ceux "répertoriés")...
LES « SECTEURS », POINTS NODAUX D'UNE VASTE ET COMPLEXE REALITE SPATIALE.
Comment Stumpfhaus présente t-il les «secteurs » gardés par des cachalots dans la première moitié du XIXème siècle ?
A partir, d'une part, des indications que lui fournit, dans son film, Hal Whitehead sur les clans (ainsi que leur confédération en très vastes entités sociales) et leur capacité à organiser des attaques coordonnées, et d'autre part, sur ses propres recherches sur les cachalots combattants suffisamment célèbres parmi les baleiniers pour que ceux-ci leur attribuent un nom, il établit une zonation spatio-temporelle de l'Océan : tel combattant a affronté des baleiniers dans telle zone en telle année en infligeant à ses adversaires des pertes significatives (notamment en baleinières détruites). Il cartographie ainsi, pour la période allant de 1819 à 1839, l'activité d'une dizaine de guerriers.
Selon cette cartographie, le personnage le plus destructeur aurait été « Shy Jack » en 1826 au large de l'archipel des Kiribati. Quatre autres combattants auraient impacté les flottilles de façon à peine moins sévères : « Fighting Joe » en 1824 au nord de la Polynésie française, « Morquan » en 1828 à l'Est du Japon, « Ugly Jack » en 1833 entre les Fidji et Wallis & Futuna, et « Spotted Tom » en 1835 au nord de la mer de Tasman... Alors que peu de grands navires ont été répertoriés comme mis à mal pendant cette période qui suit la tragédie de l' « Essex », les naufrages de ceux-ci s'accumulent à partir de 1835 … (détails additionnels dans Vidéos Alain Sennepin : « Les Héros, l'armée ») :
https://www.youtube.com/watch?v=el6AvQNCl_w&feature=youtu.be
Comment Melville se représentait-il ces « secteurs » ? L'auteur de « Moby-Dick », dont le roman est architecturé autour de la victoire effective d'un grand cachalot, au Sud du Japan Ground, sur une flotte baleinière internationale, en pleine saison des typhons de l'année 1842, définit son principal personnage comme un combattant de l'Océan mondial mais aussi le « patron » de son secteur : « … Pour guetter le cachalot blanc dans les parages qu'on savait être les siens, et ceux de nul autre... » (ch. 126).
Que signifie ce « secteur » pour Melville ? C'est celui où, « à cette époque, [en Janvier de chaque année] que, pendant plusieurs années consécutives, on avait périodiquement aperçu « Moby Dick » musardant un moment, comme fait le Soleil dans sa course annuelle quand il s'attarde à intervalles fixes dans tel ou tel signe du Zodiaque » (ch. 44). Par contre, « Même si on avait vu antérieurement « Moby Dick » aux Seychelles ou dans la Baie des Volcans [sud-ouest de l'île d'Hokkaido -Beale 1839-] et d'autres pâtures ou il s'était parfois montré, tous ces endroits semblaient n'être que des relais » (ch.44). Le « secteur » dont « Moby Dick » est le gardien se situe au large des côtes orientales du Japon, au sein du « Japan Ground » : avant qu'Ishmaël ne devienne baleinier, le « Pequod » avait perdu ses mâts lors d'un typhon dans cette zone, qui avaient été remplacés par d'autres confectionnés à partir des troncs de pins noirs du Japon ( ceux-ci joueront un puissant rôle symbolique lors de l'épisode du typhon puis du dénouement final -chs. 119 & 135-...). « C'était dans ces eaux, également, qu'avaient eu lieu la plupart des affrontements meurtriers avec le cachalot blanc, là que les vagues disaient l'histoire de ses exploits, là, enfin, dans cette arène tragique, que le vieil homme monomaniaque avait trouvé le motif terrible de sa vengeance. » (ch.44) -Achab avait eu la jambe broyée par « Moby Dick » ; la jambe en ivoire de cachalot qui l'avait remplacée faisait écho aux pins noirs-...
Beale (Thomas). 1839. The natural history of the sperm whale & South sea whaling voyage. http://mysite.du.edu/~ttyler/ploughboy/bealenew.htm
Stumpfhaus (Jürgen). 2014. La véritable histoire de Moby Dick (Der Aufstand der Wale). Documentaire. https://www.zdf.de/dokumentation/terra-x/moby-dicks-wahre-geschichte-der-aufstand-der-wale-100.html
https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=zH7OGzaLfOo
De plus, la mythologie des maoris de Nouvelle-Zélande, immense poème "cétaçophile" / "cétaçolâtre", recèle une profusion de légendes de tous types, d'une amplitude unique au monde : Rodgers (Rata Pryor). 2017. The connection of Maori to Whales. Post graduate certificate in antarctic studies 2016-2017. 23 pages.
Certains auteurs en découvrent de particulièrement "symptomatiques", dont les deux suivantes :
LES 7 BALEINES NEO - ZELANDAISES. Jason Cressey évoque une légende maorie où 7 grands cétacés dialoguent avec la faune marine, chacune d'entre elles ayant son propre nom et ses interlocuteurs particuliers. One popular Maori story tells of mighty whales that did not enjoy a life playing in the waters or helping troubled seafarers. In the village of Kereheretau there lived a very powerful, though ill-tempered, medicine man who had seven huge whales in his care. He would send the whales out each day to gain news about the world and happenings far away. The first whale, Tahutoria, gathered information from other whales about distant tribe and other lands. The second whale, Takitaki, spoke with the dolphins, and heard of their ocean adventures and the canoes they encountered on their journeys. The third whale, Korito, communicated with sharks, who spoke of distant battles and bloodshed. The fourth whale, Onepoto, conversed with the swordfish and flying fish about the magic of the clear blue ocean realms, while the fifth whale, Witea, learned of the depths of the dark ocean from the groper fish (Achoerodus).The sixth whale, Tuhara, heard of strange, exotic creatures in distant seas from the snapper, while Hikunui, the youngest and smallest of the seven whales, stayed close to shore, chatting with the stingrays.
Cressey (Jason). 1998. Making a splash in the Pacific : Dolphins & Whale myths and legends of Oceania. Rapa Nui Journal 12(3), septembre 1998, 75-84. Vancouver, Canada.
http://islandheritage.org/wordpress/wp-content/uploads/2010/06/RNJ_12_3_Cressey.pdf
L'ARMEE PAN OCEANIQUE. La mythologie maorie fait état d'un cachalot géant qui commande à tous les cétacés, guide une armée de ceux-ci et accompagne les canoës maoris dans leur grande migration transpacifique au XIVème siècle. A taniwha from the folklore of the native people of New – Zealand, the Tautira – Kauika was a fairy animal, a sperm whale said to accompany the hero « Takitimu » (both sacred canoe and captain in his voyage from western Pacific to the island Aotearoa). Tautara – Kauika was the chief of all the whales in the oceans and commanded a large army of them. Sources : Cowan, Tales of the maori, 33 – 34 ; Orbell, Concise encyclopedia of maori myth and legend, 195. In : Teresa Bane. 2015. Encyclopedia of beasts and monsters in myth, legend and folklore. Mc farland and Company publishers, Jefferson, North Carolina.

L'Océan insémine le Ciel. Illustration de Rick Pearson.