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6 avril 2009 1 06 /04 /avril /2009 08:01
RECONSTRUIRE DES MILIEUX NATURELS ACCUEILLANTS POUR DES GRANDS ANIMAUX SAUVAGES
Le succès d'une réinstallation de tigres dans des zones ripuaires d'Asie centrale passe par la reconstitution de vastes bosquets de tugaï, mosaïque de végétation unique en son genre détruite à 99% avant 1970 pour la transformer en champ de coton. Ces véritables forêts de roseaux comptaient notamment des saules, des ormes, des frênes, des peupliers d'au moins deux sortes, des arbustes comme l'osier, un type d'olivier et diverses espèces de tamaris, des plantes grimpantes dont une clématite à la tige de la grosseur du bras, plusieurs sortes de roseaux dont certains atteignaient 6 à 8 mètres de hauteur, des graminées géantes hautes de 3 mètres... L'ensemble s'étendait souvent sur des dizaines de kilomètres, et constituait un paradis pour une faune variée, dont des tigres, des cerfs et des sangliers. Dans les vallées des rivières, le tamaris formait par endroits des fourrés si denses qu'ils en étaient impénétrables pour les hommes et les chiens. Le long de certaines rivières, on rencontrait de véritables prairies d'une graminée d'un mètre et demi de hauteur et qui formait des mottes. Les fleuves abritaient une très grande variété de poissons d'origines biogéographiques différentes: plusieurs sortes de carpes, deux sortes d'esturgeons, brême, brochet, barbeau, sandre, silure, chabot, et même saumon...
Aujourd'hui, ce type de milieu n'existe plus guère à une échelle significative que dans la réserve naturelle de Badaï Tougaï en Ouzbekistan. C'est une roselière s'étirant sur la rive Est de l'Amou - Daria, à 60 kms au Nord d'Ourgentch. Sa faune actuelle comprend des chats du désert, des chacals, des sangliers, des renards et des blaireaux. Le cerf de Boukhara a été introduit assez récemment.

Les réintroductions d'espèces ont des modalités différentes suivant la nécessité ou non de reconstruire le milieu qui lui et favorable, ou  l'espèce elle - même...

QUAND LE MILIEU EXISTE DEJA
On réimplante aujourd'hui en Normandie des élans capables de manger l'herbe inondée des marais. Et le bison européen , sauvé in extremis, est petit à petit réintroduit en Pologne et dans les Carpathes.
Au Villaret, en Lozère, sur le Causse Méjean, une petite association a par ailleurs entrepris de repeupler la Mongolie en chevaux de Przewalski. Sur le causse désertique battu par les vents, une soixantaine de ces chevaux (issus de 13 animaux capturés au début du XXème siècle et maintenus dans des zoos) ont, depuis 1993, réappris l'état sauvage, la concurrence des mâles recréant des comportements sociaux propres et des familles naturellement constituées. En 2004, douze d'entre eux ont été acheminés dans une zone reculée de Mongolie, puis dix autres l'année suivante...

QUAND IL FAUT "RECONSTRUIRE" L'ANIMAL
En Afrique du Sud, le quagga, mi - zèbre mi - cheval, rayé sur la moitié du corps, officiellement disparu depuis la deuxième moitié du 19ème siècle, est en train de renaïtre de ses cendres. A partir de l'analyse génétique de ses tissus, un taxidermiste a prouvé qu'il s'agissait d'une simple sous - espèce de zèbre (et non pas une espèce à part entière). A partir de ce constat, il a cherché des zèbres aux caractéristiques approchantes et sur quatre générations, en sélectionnant les descendants, il a réussi a recréer un animal dont on croyait le dernier représentant éteint au zoo d'Amsterdam en 1883.

QUAND IL FAUT "RECONSTRUIRE" LES DEUX : LA STEPPE A MAMMOUTHS
Des projets audacieux et bien avancés visent à recréer à la fois l'animal lui - même et son écosystème.
Aujourd'hui, l'hypothèse de la reconstitution du mammouth à fourrure se pose très sérieusement.. Certains spécialistes considèrent que, si on s'en donne les moyens, on saura le faire d'ici 5 à 10 ans.
L'état de conservation de l'ADN de cet animal est encourageant. "Les os de mammouths à Kathanga (Sibérie), ce n'est ni plus ni moins des os de boucherie qui sont restés un peu longtemps au congélateur", explique le paléogénéticien Régis Debruyne. Il précise: "Quand je perce l'os pour prélever de l'ADN, j'ai de la graisse plein les mains. C'est tellement bien conservé qu'on pourrait en faire de l'os à moelle."
A la Penn State University, Stephan Schuster, qui a le premier annoncé en Novembre dernier avoir complété le décryptage du génome du mammouth, cherche à lever aujourd'hui 10 milliards de dollars pour entrer dans la phase de clonage. La semaine dernière, le paléogénéticien a réuni la vingtaine de scientifiques internationaux qui participent à ses recherches pour deux jours de discussions conclus par une rencontre avec les sponsors et la très riche National Science Foundation, qui, aux Etats - Unis, centralise tous les financements de programmes scientifiques...
Des travaux comparables sont menés au Japon.
Les scientifiques sont, d'autre part, unanimes à considérer que l'Homme de Neandertal serait encore plus simple à reconstituer que le mammouth, et que si le grand animal revit demain, l'être humain le fera après demain...

JOSH DONLAN : REFAIRE DE L'AMERIQUE UN PLEISTOCENE VIVANT
Depuis l'Utah où il travaille, l'écologiste Josh Donlan est un des animateurs les plus enthousiastes de la "Pleistocene Rewilding", une branche de la biologie de la conservation qui cherche à réintroduire en Amérique du Nord des espèces disparues à la fin de la dernière période glaciaire. il explique: "Il ne s'agit pas là de curiosité scientifique mais de réintroduction écologique. Partout où l'homme est apparu, les grands mammifères ont peu à peu été exterminés. Toutes les études nous montrent qu'ils avaient un rôle essentiel dans la dynamique des écosystèmes. Le mammouth peuplait l'Amérique autrefois. Si on peut le réintroduire, pourquoi ne pas le faire?"
Donlan et son équipe envisagent la reconstitution du spectre floro - faunistique complet, et parmi les grands prédateurs, la présence de clans de lions est programmée.

Le Pleistocene Rewilding concerne aussi l'Europe, avec, à sa tête, Jens Christian Svenning, de l'Université Aarhus, en Hollande. Pour l'heure, les espèces concernées sont parmi d'autres le lion asiatique (qui était présent en Hongrie), le léopard (présent en Grèce), la hyène striée, le dhôle (loup rouge), et l'hippopotame...

SERGUEÏ ZIMOV : LES ANIMAUX GEANTS COMME BOUCLIERS FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Sergueï Afanassievich Zimov travaille à la station scientifique Cherskii (République de Sakha, Yakoutie).
Depuis 1989, il aménage un premier cercle territorial, le "Pleistocene Park", de 160 km2, pour initier une steppe à mammouths. Lors des premières années, le travail a été dégrossi par des rennes et des élans. Dès les beaux jours 2009, lui et son équipe attendent l'arrivée de boeufs musqués.
Sergueï a une théorie : la végétation d'un lieu est déterminée par les animaux qui la peuplent, et non le contraire. Grâce aux rennes et élans hier, les boeufs musqués aujourd'hui, les mammouths et les rhinocéros laineux demain, la steppe qui protégeait le permafrost sera reconstituée.
Ainsi, Zimov espère t-il réenclencher un cercle vertueux où cette terre nourrira à son tour les nombreuses espèces qui la fertiliseront.
J'avais indiqué les choses dans les mêmes termes, le 17 février dernier, sur le présent blog (page: "Grands félins contre changement climatique"). D'ailleurs, S. Zimov a programmé la présence de tigres pour équilibrer sa "recette écologique".

LE TIGRE DES ROSELIERES ET LE RHINOCEROS A FOURRURE
En Asie centrale, le tigre, à l'abri des rideaux de phragmites de huit mètres de hauteur, côtoya (peut - être jusqu'au 15ème siècle) un ou plusieurs descendants du rhinocéros laineux (Planhol 2004 - voir article précédent - page 762), jusqu'à la fin du 19ème siècle des lions, ainsi que  des esturgeons de 8 mètres et d'une tonne et demie, et jusqu'aux années 40, une mosaïque de 16 mammifères prédateurs de plus de 10kgs, ce qui est unique au monde, continent africain inclus.
Comme l'a indiqué Planhol (2004, p 826), cette région est riche de promesses pour l'avenir.
Oui, riche, décidément.
Car l'extinction n'est pas irréversible.
Le Phoenix, lui, est éternel.
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commentaires

M
Bonne soirée !
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  • : Le retour du tigre en Europe: le blog d'Alain Sennepin
  • : Les tigres et autres grands félins sauvages ont vécu en Europe pendant la période historique.Leur retour prochain est une nécessité politique et civilisationnelle.
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