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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 13:37

Les informations qui suivent, et qui concernent le bassin du fleuve Mackenzie, au Nord Ouest du Canada, sont tirées d'un long article charpenté et circonstancié du journaliste Chris Wood, publié ce mois ci dans le mensuel The Walrus (Toronto), et dont l'hebdomadaire "Courrier International" 1055, paru le 20 janvier, a présenté de larges extraits (pages 41 - 43).

Intitulé "La guerre du Mackenzie est déclarée", le texte met en avance avec force la dimension réelle des enjeux dans ce qui se joue dans cette région aujourd'hui. Il me paraît toutefois utile de placer ceux - ci, au préalable, dans un cadre plus vaste, certainement utile pour une juste échelle de compréhension.

 

PREAMBULE

Avant d'évoquer la situation dans l'Alberta, je me permets de rappeler certaines données scientifiques, historiques et géographiques.  

A l'échelle historique,  particulièrement sur les 1500 dernières années, le tigre dit "de la Caspienne" ou "d'Asie centrale" fut majoritairement eurosibérien, et minoritairement ouest et centre asiatique.

En Sibérie, cet animal fut non seulement présent, jusqu'au siècle dernier, dans des zones proches de la Mer du Japon où il subsiste encore aujourd'hui, mais aussi en Sibérie centrale (rivière Selenga, région du Lac Baïkal). Il fut présent en Sibérie occidentale (bassins de l'Irtych et de l'Ob) au moins jusqu'au 19ème siècle.

A une échelle couvrant plusieurs dizaines de millénaires, il fut aussi béringien, c'est à dire à la fois présent en Sibérie orientale (Béringie occidentale), jusqu' à des latitudes beaucoup plus nordiques qu'aujourd'hui (Yakoutie) et Amérique du nord Ouest : Alaska, nord - ouest du Canada, ces régions constituant la partie orientale de la Béringie. 

Les travaux de Sandra Herrington (1987) attestant l'existence d'un tigre des neiges américain, n'ont pas été contestées mais au contraire reprises dans les publications plus récentes (Turner et Anton 1997, Kitchener et Dugmore 2000).  

A l'échelle des 80 000 dernières années, les tigres du Nord doivent donc être qualifiés de tigres eurobéringiens, à distribution holarctique.

De ce constat en découle un second : celui de la centralité de la Russie .

Centralité géographique dans la distribution historique du Tigre (avec l'Europe occidentale et centrale à l'Ouest, et la Béringie orientale - ou "Amérique septentrionale" - à l'Est).

Centralité biologique comme territoire du pool majoritaire de cette lignée, pourvoyeur (par essaimages spontanés lors des fragmentations de population), régulier ou occasionnel, d'individus ou groupes pionniers en Europe d'une part, Amérique d'autre part.

Avant la lecture de "La guerre du Mackenzie", peut être un tel rappel a t-il son utilité, alors que ces jours ci, la pièce de Laurent Gaudé "LE TIGRE BLEU DE L'EUPHRATE" où un animal merveilleux montre le chemin à Alexandre le Grand pour mener son rêve et projet politique jusqu'à son terme, est à nouveau à l'affiche...

 

LA GUERRE DU MACKENZIE : UN EPISODE TITANESQUE, EN BERINGIE ORIENTALE, DU COMBAT DU DRAGON VERT HOLARCTIQUE.

"Nous continuerons jusqu'à ce qu'apparaisse l'évidence que nous sommes allés trop loin. Alors nous arrêterons. Il faut d'abord que le canari meurt." Ainsi s'exprime un biologiste qui travaille sur les ecosystèmes des Territoires du Nord Ouest (Canada circum arctique) et leurs perturbations par l'exploitation des schistes bitumineux par l'industrie pétrôlière.

La région est celle du bassin du fleuve Mackenzie. Celui ci déverse dans l'Océan Arctique (Mer de Beaufort) le contenu d'un bassin hydrographique presque aussi grand que l'Europe de l'Ouest. C'est l'un des plus grands du Monde. Selon le Rosenberg International Forum on Water policy, une gestion rigoureuse de cette région est "cruciale pour l'hémisphère entier. Tout affaiblissement de ses fonctions aura des conséquences nuisibles... sur la population de toute la planète". 

Le bassin du Mackenzie se place dans la même catégorie que celui du Mississipi ou du Yang - Tsé - Kiang. Le confluent des rivières de la Paix et de l'Athabasca forme l'un des plus grands deltas intérieurs de la planète, après ceux du Niger et de l'Okavango.

Les descendants des Cris et Dénés dénoncent depuis plusieurs décennies les dégâts infligés par les exploitations pétrôlières à un cadre de vie qui leur permettait de vivre autrefois. Mais les territoires du Nord Ouest sont sous contrôle fédéral, et le Parlement à majorité autochtone n'a aucun pouvoir constitutionnel. L'influence du gouvernement fédéral sur le territoire est presque illimité.

Bien plus gigantesque encore est l'éventail de marais, canaux et îles à travers lequel le Mackenzie se déverse dans la Mer de Beaufort, habitat irremplaçable de millions d'oiseaux d'eau migrateurs. De grands troupeaux de caribous et de bisons y cohabitent avec des populations de grizzlis.

Le Grand Lac de l'Ours, un peu en aval, est le plus propre des derniers grands lacs de la planète. La Grande Rivière de l'Ours y prend sa source. Sur les trois principaux affluents du Mackenzie (avec la Rivière de la Paix et l'Athabasca), celle - ci est la dernière à échapper encore à la pollution.

Le Mackenzie est une Amazone du Nord. Son bassin  recèle des richesses écologiques aussi importantes que celles de l'Amazone ou du Congo. La santé du fleuve influe sur la forêt boréale qui le jouxte et qui s'étend jusqu'à l'océan Arctique (c'est le seul endroit en Amérique où les arbres poussent aussi loin au Nord), et les scientifiques commencent à se rendre compte qu'il influe aussi sur l'océan Arctique lui - même. De plus, le bassin se trouve sous le vent par rapport au reste du Canada. L'humidité produite par la forêt traverse le pays pour retomber en pluie sur le Manitoba, l'Ontario et le Québec. Avec l'exploitation du bois, le couvert forestier et l'évaporation diminuent. Un tiers de la forêt d'épinettes noires a déjà été remplacé par des marais à certains endroits parce que la montée des températures a fait fondre le permafrost  où les arbres plongeaient leurs racines.

En Avril 2010, la Commission pour la coopération environnementale a ouvert une enquête à la suite d'une plainte déposée à la fois par des associations et des particuliers, qui stipule que le Canada a violé ses propres lois sur les rejets toxiques des bassins de décantation des schistes bitumineux. L'un des signataires, Daniel T'seleie, un déné de 28 ans résidant à Yellowknife, explique que le gouvernement canadien sait très bien diviser pour régner, mais qu'avec les jeunes, les choses sont en train de changer : "Les gens ont de plus en plus tendance à se considérer comme nordiques, et pas seulement comme autochtones ou non autochtones. Le Mackenzie mérite qu'on se batte pour lui. Mais pour celà, il faut se battre en équipe."   

 

Les forêts, tourbières et toundras du bassin fluvial contribuent à la stabilité du climat. L'estimation de la valeur des services non marchands rendus par ce milieu, calculée par l'organisation Initiative Boréale Canadienne, est de 570 milliards de dollars par an (dont 339 milliards de crédit carbone pour la rétention du CO2), soit 10 fois le prix du marché de tout l'or, tous les diamants et tout le pétrôle qui sont arrachés à son sol chaque année.

 

James Lovelock, auteur de "La revanche de GaÏa", pense qu'il y aura, au cours de ce siècle, des modifications écologiques si radicales dans les basses latitudes que les régions circumpolaires deviendront le dernier refuge de l'humanité...

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