ALLIANCE EUROPEENNE CONTRE PANDEMONIUM CHINOIS
Il y a un an aujourd'hui, la Russie passait avec la Chine un Pacte Faustien, accordant progressivement aux entreprises chinoises l'exploitation de l'essentiel des ressources naturelles de la moitié orientale de son immense territoire (voir l'ensemble du dossier sur ce blog, page publiée le 28 novembre 2009, "Bear, wake up! Yellow dragoon devours you, and you are OK?").
La semaine dernière, la publication d'un manifeste, par des diplomates russes, pour une "Alliance Européenne" est porteuse d'espoir pour la Russie comme pour l'Europe occidentale et centrale.
Dans une proposition courageuse et imaginative, les Russes semblent prêts à sublimer les terribles conflits historiques que leur ont infligé leurs voisins occidentaux, et à tendre la main aux Etats Unis d'Amérique. L'Union Européenne, actuellement encalminée dans un vide abyssal d'imagination et de volonté politique, doit saisir cette chance qui peut lui offrir un nouveau dynamisme.
Saisir la main tendue peut aussi induire une redéfinition progressive des accords de la Russie avec ses voisins, amoindrissant le contenu de ceux passés à l'Est au profit d'une nouvelle orientation politique, économique et environnementale.
Voici l'article que Bernard Guetta a consacré au sujet sur Libération.fr.
22/09/2010 à 00h00
La Russie demande sa main à l’Europe
Par BERNARD GUETTA membre du conseil de surveillance de Libération.
Une étape après l’autre, obstinément, méthodiquement, la Russie courtise l’Europe au point de lui avoir, maintenant, proposé le mariage, une «alliance», dit-elle, en bonne et due forme.
Discrètes, ses premières avances remontent à la campagne présidentielle de Dmitri Medvedev dont le thème dominant avait été que son pays était l’une des
trois composantes de la «civilisation européenne», aux côtés des Etats-Unis et de l’Union européenne. Il avait, ensuite, creusé le sillon en martelant, à chaque discours, que la
Russie devait combler son retard technologique, combattre sa corruption, marcher vers l’Etat de droit, s’européaniser, en un mot.
Le problème est que, pour séduire l’Union européenne, Moscou devait, d’abord, vaincre l’hostilité de la Pologne qui, rayée de la carte par la Russie au XIXe siècle et intégrée de
force au bloc soviétique après-guerre, avait toutes les raisons de se méfier d’un voisin qui lui a fait tant de mal. C’est Vladimir Poutine, devenu Premier ministre, qui s’en était chargé en
invitant, en avril dernier, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, à une commémoration commune du massacre de Katyn. Par ce geste, la Russie reconnaissait définitivement que c’était bien elle
qui avait procédé, en 1940, à l’assassinat de plus de 20 000 officiers polonais dans cette forêt des environs de Smolensk. Elle demandait pardon de ce crime où se mêlent la négation de la Pologne
par l’empire russe et son asservissement par l’URSS. Elle disait que c’était bien ses deux têtes actuelles et non pas seulement la plus avenante d’entre elles, Dmitri Medvedev, qui voulaient
ouvrir une nouvelle page avec Varsovie et elle y est parvenue.
Entre la Pologne et la Russie, les relations ne cessent plus, depuis, de se détendre. Il n’y a plus de veto polonais à une coopération entre l’Union
européenne et la Fédération de Russie, à une négociation de ce tournant majeur des relations internationales que le rapport Karaganov vient d’appeler de ses vœux.
Massif et tout sourire, parfaitement anglophone et très lié aux plus influents des diplomates, journalistes et universitaires européens et américains, Sergueï Karaganov est l’intellectuel de
la diplomatie russe. Président du Conseil de politique étrangère et de défense, il a publié la semaine dernière, avec quatre autres figures de l’aristocratie
politique moscovite, un long manifeste appelant à la constitution d’une «alliance de l’Europe». La Russie joue, désormais, cartes sur table. Elle a formulé son offre, fait sa demande en mariage,
et son idée maîtresse est que la Fédération et l’Union pourraient et devraient enrayer leurs déclins relatifs en unissant leurs forces dans l’organisation du continent Europe autour de leur
alliance.
Cette proposition est tellement ambitieuse et brûle tant les étapes qu’elle rappelle trop les tentatives soviétiques de «découplage» des Etats-Unis et de l’Europe. Elle peut, donc, inquiéter
mais ce parfum d’antan ne devrait pas faire oublier que la Russie contemporaine n’a plus peur de l’Amérique mais de l’affirmation de la Chine et des
bouillonnements du monde islamique, que c’est à l’ensemble de l’Occident qu’elle voudrait s’arrimer pour les parer et que l’état de son économie le lui commande.
Tant que la Russie restera le contraire d’une démocratie, l’Union européenne ne peut pas envisager de s’allier à elle mais il est vrai que leur intérêt commun serait de développer un
partenariat économique qui pourrait être porteur d’évolutions politiques prometteuses.
La Fédération a les matières premières dont l’Union manque et l’Union, la technologie dont la Russie a besoin. Entre elles, il n’y a pas de compétition mais une complémentarité dont
l’organisation devrait et pourrait être fondée sur des règles commerciales et un droit des affaires qui marqueraient un pas dans l’établissement d’un état de droit en Russie.
Non seulement un tel partenariat renforcerait vite les économies de l’Union et de la Fédération, des deux piliers du continent, non seulement il donnerait la main aux deux forces russes qui
aspirent à une évolution démocratique, aux milieux d’affaires et aux classes moyennes, mais il obligerait, aussi, l’Union à resserrer ses rangs.
Face au défi d’une négociation d’ampleur avec la Russie, les Vingt-Sept seraient contraints d’accélérer l’harmonisation de leurs politiques économiques et de leurs diplomaties et
trouveraient, là, le nouvel horizon vers lequel concentrer et mobiliser leurs forces. En quête de l’ambition nouvelle qui la sortirait de son malaise et ressouderait ses rangs, l’Union se
donnerait l’occasion d’un rebond en prenant aux mots la Russie, en tentant, avec elle, de construire, enrichir et stabiliser l’Europe, leur continent commun.
En complément au volet européen, aujourd'hui, Vladimir Poutine, dans le cadre du forum international : "Arctic, territory of dialogue", a tenu un discours extrêmement modéré et ouvert sur la future gestion internationale de la région arctique, rassurant pour la Norvège, et plus encore pour le Canada et les Etats - Unis. Le changement de ton est radical par rapport à celui des toutes dernières années, qui laissaient même craindre un conflit armé russo - américain à partir des années 2020, au fur et à mesure de la fonte de la banquise et de l'élargissement du passage du Nord Ouest.
Aux Etats Unis, une figure politique violemment opposée à Barack Obama, la célèbre Sarah Palin, ex gouverneur de l'Alaska et qui soutient les extrêmistes du Tea Party, revendique jusqu'à présent la nécessité de s'opposer militairement à la Russie sur la question des territoires arctiques.Voici quelques phrases du Premier Ministre russe :
Pour être pleinement efficient, un nouveau rebond de la civilisation européenne a aussi besoin du meilleur de son expression nord américaine, aujourd'hui elle aussi dans une situation politique intérieure délicate et dangereuse, et dans une diplomatie handicapée par de vieux réflexes à l'endroit de la Russie, désormais inappropriés.
USA et CANADA ont, de même, beaucoup à gagner dans ce rééquilibrage géopolitique.
Et des espaces protégés plus vastes que partout ailleurs dans le monde, une politique de libération progressive du réseau hydrographique aux résultats écologiques spectaculaires, voilà qui peut être un exemple pour l'"Eurasie européenne".
A titre d'exemple, le retour du bison des bois en Yakoutie ne pouvait se faire que grâce à sa protection au Canada (voir sur ce blog, page publiée le 3 septembre 2010, "Vers le retour des géants" - bas de page - ).
L'AVENTURE CONTINUE.