ERE MODERNE : L'ETERNEL PREPARA UN GRAND POISSON
Quand l'Homme Occidental a séparé radicalement l'Humanité de l'Animalité, il a fait entrer le Monde dans un cycle maudit. Claude Lévy Strauss
La Vérité toute nue ne peut être affrontée que par des géants – salamandres. Herman Melville. MOBY DICK
Car la mer nous révèle le visage obscur de Dieu qui se confond avec celui de l'Adversaire. Herman Melville. MOBY DICK
Hier samedi 17 janvier 2015, Arte a diffusé, à 20h50, un documentaire inédit de Jürgen Stumpfhaus : « La véritable histoire de Moby Dick », réalisé l'an dernier (rediffusion aujourd'hui 18 janvier à 14h 30, puis le 26 janvier prochain à 16h 25). L'auteur part sur les traces d' un cachalot "blanc" (parmi les descriptions faites de lui, l'une lui attribue une peau grise et une balafre faciale blafarde de 2,5m) qui affronta résolument les baleiniers aux environs de l'ïle Mocha, au large des côtes chiliennes. Celui - ci broya la jambe du capitaine de baleinier Edmund Gardner en 1816, et devint une figure de légende pendant des décennies au cours desquelles ses exploits guerriers se multiplièrent. Les baleiniers américains l'appelèrent MOCHA DICK, mais aussi "la prodigieuse terreur des océans", et même "le gentleman courageux". Les Lafkenches (du groupe Mapuche), pour qui l'île Mocha accueille les âmes de leurs morts transportés sur le dos de quatre baleines (Amuchura = La résurrection des âmes) en firent un gardien sacré et protecteur. Pprocèdent - ils des polynésiens maoris, qui, des îles Cook, auraient atteint Mocha grâce aux vents d'Ouest? Et notamment les Ngati Poru de l'extrême - Est de l'île du Nord de l'archipel neo - zélandais) - voir : Païka, la légende de l'ancêtre et des baleines à bosse - .Autres éléments prouvant la colonisation polynésienne de la région mapuche (Chili) 6 crânes se trouvent sur l'île Mocha forme pentagonale avec polynésien typique du crâne et de la forme de la mâchoire. Les résultats de Une recherche publiée en Juin 2007 à Actes de l'Académie nationale des sciences et publié par le New York Times.
Les courants marins et les vents d'ouest pendant El Niño pointent directement vers le territoire mapuche. Pour les Polynésiens eux-mêmes, ces longs voyages étaient non seulement possible, mais ils sont inscrits dans la tradition orale. "
Archéologue Jose Miguel Ramirez, directeur de Rapa Nui études Centre de l'Université de Valparaiso
Le film montre ensuite que plus d'une dizaine de ses congénères ont agi de même au fur et à mesure que de nouvelles zones de chasse étaient découvertes dans le Pacifique, du Chili au Japon. Qui plus est, les chercheurs acousticiens ont montré que cette situation résultait de l'échange d'informations entre cachalots dans un langage spécifique sur l'ensemble de la zone à partir des Galapagos, pour, de fait, organiser la défense dans sa plus vaste échelle. Ainsi, chaque zone put bénéficier d'une sentinelle et gardien, qui protégeait cet espace et ses habitants contre les pêcheurs, qui donnèrent un nom à chacun. Le plus ancien était New Zealand Tom le tacheté, qui avait expédié 12 bateaux par le fond dès les premières années du XIXème siècle, avant d'être tué. Par la suite, aux côtés de Mocha Dick, accédèrent aussi à la célébrité parmi les baleiniers Don Miguel le tatoué, marqué comme une vieille tortue de signes hyéroglyphiques sur le dos, chilien comme Mocha Dick, et qui fut tué après avoir détruit de nombreuses baleinières appartenant à différents vaisseaux, Timor Jack le timide et Timor Tom le hideux (balafré comme un iceberg), Joe le combattant et le Vieux Soldat (protecteur des femelles et des baleineaux), Morquan le Roi du Japon, dont on racontait que le jet majestueux prenait parfois l'apparence d'une croix blanche contre le ciel... Ces cachalots combattants étaient en général de couleur claire, ce qui était lié à l'état avancé de desquamation de leur peau, phénomène dû à leur grand âge. En effet, dans les eaux chaudes, les cachalots muent en permanence, se débarrassant ainsi de grands lambeaux de peau, ce qui leur permet de se libérer de certains de leurs parasites. Flottant alors au gré des flots, ces vastes structures dermiques sont habituellement consommées par les poissons du voisinage. Voici la figuration synthétique qu'en donne Herman Melville, dans "Moby Dick" : " ... ce n'était pas tant sa taille extraordinaire qui le distinguait tant des autres cachalots, mais, comme on l'insinuait ailleurs, un front ridé d'un blanc de neige particulier, et une bosse blanche haute et PYRAMIDALE (ce qui est peut être en rapport avec le fait que Mocha Dick était couvert par une énorme quantité de pouce - pieds, beaucoup plus que la normale pour son espèce, qui lui donnait un aspect rugueux). C'étaient ses signes distinctifs, par lesquels, même sur les océans sans limites, inexplorés, il révélait son identité, de loin, à ceux qui le connaissaient. Le reste de son corps était si rayé, tâcheté et marbré de cette même teinte de linceul qu'à la fin, elle lui avait valu son nom distinctif de BALEINE BLANCHE ; nom vraiment justifié à la lettre par son aspect éclatant, quand on le voyait glisser, en plein midi, sur une mer bleu sombre, laissant un sillage laiteux d'écume crémeuse, toute parsemée de reflets d'or." Ces animaux inspiraient une terreur religieuse aux matelots, qui voyaient en eux les agents du Destin : Franck Bullen évoque le "gouffre de cette gueule béante comme le portail d'une cathédrale". Entre 1820 et 1851 (année de parution de "Moby Dick"), ils détruisirent non seulement de très nombreuses baleinières, mais aussi des navires amiraux de la flotte de chasse (faits qui inspirèrent la destruction du "Pequod" dans "Moby Dick"). Les cas les mieux connus sont ceux de l'Essex (1820, mentionné plus bas), du Pusie Hall (1835), de l'Arabella et de la Lydia (1836), du Two Generals (1838), du Pocahontas (1850), et de l'Ann Alexander, le 20 août 1851, quelques mois avant la publication de "Moby Dick". Ce dernier cas fit dire à Herman Melville : " Dieux! Quel critique littéraire remarquable que ce cachalot. Ce qu'il exprime est court, clair, précis et parfaitement ciselé. Je crains que mon mauvais ouvrage n'ait soulevé ce monstre". Le problème pour les baleiniers était tel qu'ils décidèrent en 1841 de cibler en priorité ces grands mâles combattants. Le conflit de haute intensité se poursuivit encore pendant 10 ans. L'industrie baleinière, pivot de l'économie américaine, en sort fragilisée. Elle sera définitivement mise à mal quelques années plus tard, à partir de 1864, par le CSS Shenandoah, croiseur confédéré qui enverra par le fond plus d'une trentaine de baleiniers nordistes, parachevant l'oeuvre des grands cachalots au cours de cette première bataille du Pacifique qui se déroula donc pendant les deux premiers tiers du XIXème siècle. Cet épisode a également induit une réorganisation socioculturelle importante chez les cachalots eux mêmes, comme cela sera à nouveau le cas au siècle dernier sous la pression de la pêche industrielle moderne (775 000 morts, grands mâles systématiquement visés après la seconde guerre mondiale) ou celle des orques nomades prédateurs de mammifères marins (voir les travaux de Hal Whitehead, précisions dans l'article "Spermwhale form clans to fight off Orcas" , du 11 avril 2012 ).
http://www.livescience.com/19632-sperm-whales-clans-orcas.html
L'association Sea Shepherd » de Paul Watson, qui combat directement les baleiniers depuis des décennies, assume concrètement l'héritage de ces protecteurs des océans.
Voir aussi "Terror whale of the Pacific (Mocha Dick)"
http://nauticalinformation.blogspot.fr/2007/11/terror-whale-of-pacific-mocha-dick.html
Harponné une première fois avant 1810 puis officiellement actif de cette date à 1859, Mocha Dick fut l'objet d'une légende chez ses adversaires qui dura presque 50 ans, pendant laquelle il lui fut attribué plus de 100 batailles, la mort d'une trentaine d'hommes, la destruction de 14 baleinières et de 3 navires baleiniers, ainsi que deux navires marchands (un Français et un Australien). Son souffle était également très particulier, et produisait comme un rugissement métallique : au lieu de projeter son jet vers l'avant en oblique, et de broncher en un effort bref et convulsif avec un bruit de reniflement comme le font en général ceux de son espèce, il chassait l'eau par son nez en un large volume altier et perpendiculaire à des intervalles réguliers et passablement distants ; son expulsion produisait un rugissement continu, comme la fumée s'échappant de la valve de sécurité d'une puissante machine à vapeur. Après sa mise à mort supposée (selon une version de son histoire parmi beaucoup d'autres),on lui attribua une longueur de 110 pieds (33m) et plus d'une tonne par pied (110 / 120t). A ce propos, notons la description, rapportée par Herman Melville, d'un très grand cachalot abattu dont la longueur totale avoisinait les 27m (avec une mâchoire inférieure d'environ 6m) pour un poids estimé à 90t au minimum. Or, le musée de New Bedford conserve une mâchoire longue de 7m, ce qui, par extrapolation, correspondrait à un individu de 31,50m pour un poids de 143t et 885kgs ( je remercie mon frère Michel Sennepin pour m'avoir gracieusement transmis ces résultats, issus de ses recherches personnelles, et d'avoir attiré mon attention sur ceux - ci). Par ailleurs, il aurait été constaté que Mocha Dick avait 19 harpons (anciens ou récents) fichés dans le corps (témoignage effectué 8 ans après la sortie du livre "Moby Dick"...). Il était éborgné et avait 6 dents brisées. Source : Mocha Dick. The Legend and the Fury. Brian J. Heinz (texte), Randall Enos (illustrations), 19 août 2014. Il n'est donc pas exclu qu'il eut été confondu, parfois, avec "un ami sorti de l'onde à sa place". Voir aussi : "The beast that inspired Melville's Moby Dick." Mike Coppock. 20 Décembre 2014.
Le 11 Décembre prochain, sortira aux Etats - Unis « Heart of the Sea », film de Ron Howard, qui relate la quête de vengeance d'Owen Chase après l'épisode de l'Essex, navire coulé par un cachalot géant en 1820 (événement relaté en détail par Nathaniel Philbrick dans son ouvrage « La véritable histoire de Moby Dick. Le naufrage de l'Essex qui a inspiré Herman Melville, paru en version française en 2000 aux éditions Jean Claude Lattès ). Voir la Bande Annonce et une interview du réalisateur dans Entertainment weekly du 4 novembre 2015 :
http://www.ew.com/article/2015/11/203/heart-sea-ron-howard
Il est temps d'inscrire le rôle déterminant du Cachalot dans l'Histoire de la Modernité tardive.
Je travaille sur cette question depuis l'an dernier. Je publierai cette année un document détaillé sur le cachalot au 19ème siècle (à travers les ouvrages de Nelson Cazeils, Herman Melville, Georges Blond, Nathaniel Philbrick et quelques autres) et le tigre à la confluence des XXème et XXIème siècles comme agents catalytiques de dépassement de la Modernité dans des processus aux similitudes remarquables. Voici un bref aperçu, centré sur le grand prédateur marin, de cette « bouleversante évidence ».
CONTEXTE HISTORIQUE : AU COEUR DES TENEBRES. Les XVIIIème et XIXème siècles sont ceux du massacre généralisé des géants, jusqu'à extinction complète de nombre d'entre eux,
sans recours massif à des procédés industriels (ceux ci ne deviendront dominants qu'au XXème siècle). Tout repose sur la conviction, l'endurance et l'acharnement des hommes. Voici quelques exemples emblématiques parmi beaucoup d'autres. En Russie orientale, dès les années 1740, destruction de l'écosystème des îles Bering, éradication des rhytines de Steller, siréniens presque aussi volumineux qu'une baleine (date d'extinction officielle : 1768) et du Cormoran géant de Pallas, qui finira par « s'éteindre » avant 1850.
Au Canada oriental : grand pingouin complètement disparu dès 1800 (œufs massivement collectés, oiseau lui même utilisé comme combustible vivant ...) puis vison de mer et sa proie occasionnelle : canard du Labrador - aux environs de 1870.
En Patagonie : Le loup des Falklands est définitivement anéanti en 1876 (et même le chien fuégien, forme domestique du renard des Andes, entre 1880 et 1919)
« MOBY DICK » (1851), pêche en eaux troubles.
Contexte historique : l'affolement. Nathaniel Philbrick, dans son ouvrage mentionné plus haut, a montré à quel point le comportement de résistance vigoureuse de grands cachalots mâles a profondément déstabilisé psychologiquement le Monde des baleiniers, où beaucoup finissent par comprendre que « le gibier » s'est engagé dans une guerre d'autant plus résolue et déterminée que son enjeu est la survie de l'espèce. Un aspect particulièrement troublant pour les observateurs est le rôle actif et direct du grand mâle dans la protection du troupeau, notamment des femelles et des petits. Et comme indiqué plus haut, la sortie du livre de Melville suit de quelques mois une nouvelle destruction de navire baleinier ( l'Ann Alexander ) par un cachalot. De façon très symptomatique, Melville craint alors explicitement que son écrit ait poussé l'animal à frapper.
Le nom donné au cachalot de sa nouvelle montre sans ambiguïté à quel animal réel Melville se réfère. Pourtant, il ne l'a jamais dit, présentant sa source d'inspiration principale dans le drame de l'Essex en 1820, comme l'a magistralement montré Nathaniel Philbrick.
Si en 1834, le poète Ralph Waldo Emerson évoque son dialogue avec un marin qui lui parla d'un cachalot blanc connu pour endommager des navires avec sa mâchoire, si J.N. Reynolds publia ce qu'il pensait savoir de cet animal dans le magazine « The KnickerBocker » en 1839, Melville, pour sa part, ne mentionne JAMAIS Mocha Dick dans ses sources d'inspiration. Il évoque « Don Miguel, baleine chilienne, marquée comme une vieille tortue de signes hiéroglyphiques sur le dos » dont on sait qu'il était le gardien d'une zone située au Nord de celle de Mocha Dick. Il n'évoque pas plus Edmund Gardner, dont Mocha Dick détruisit une jambe en 1816, et dont le navire marchand « l'Union » avait été coulé par un cachalot neuf ans plus tôt, en 1807 (195 ans après cet évènement, un incident de même type se reproduira selon des modalités analogues pour la barge "Kathleen", en 1902).
Travaillant à l'encre de fuite (substance sombre que les cachalots nains expulsent pour échapper au danger), l'auteur semble pêcher en eaux troubles et chercher à noyer le poisson.
LE PEQUOD : l'Amérique, Léviathan. Ardent défenseur de l'industrie baleinière, Melville intitule « Honneur et Gloire de la pêche à la baleine » l'un des chapitres de sa nouvelle. Les baleiniers seraient les représentants modernes du phylum des chevaliers médiévaux qui affrontent les dragons, et avant eux, des cavaliers de l'Apocalypse qui luttent contre Léviathan. Les références bibliques sont présentes tout au long de l'ouvrage. Au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue, les lignes se brouillent, tout devient ambigü. puis bascule. A plusieurs reprises, le capitaine Achab est présenté (ou se présente lui même) comme le Diable, et il en donne des preuves physico – chimiques, comportementales, etc... Or il est, fondamentalement, un archétype du héros américain, un authentique soldat mandaté par ses pairs (qui connaissent sa motivation et sa détermination) en 1841 pour abattre l'un des cachalots "ennemis de l'Amérique". Son navire, le Pequod, est sociologiquement une Amérique en miniature, qui vogue vers son destin inéluctable. Le cachalot combattant, lui, est explicitement lié au Soleil, à Zeus (sous la forme du taureau blanc), il exprime la Joie, la Force protectrice, tout à la fois minuscule belette chthonienne et immense saumon céleste... Léviathan est la symbolisation biblique de Babylone, puis de Rome. Ici, celui qui le terrasse ne serait -il pas Ichtys, le poisson du Christ ? Et Melville n'a t-il pas subconsciemment anticipé l'approche Dostoïevskienne de prolonger les Ecritures Saintes par la Littérature ?
En tout état de cause, c'est Mocha Dick qui a poussé cet auteur à produire un récit dont les conséquences civilisationnelles sur notre rapport aux grands animaux sauvages furent gigantesques. La coque de la pensée réificatrice en a été disloquée.
100 ANS PLUS TARD : HERITAGE. Dans les années 60 du siècle dernier, le chercheur Roger Payne découvre la beauté du chant des baleines à bosse. Il fait entrer ce chant dans l'espace culturel de notre civilisation, interrogeant en ces termes les responsables de l'industrie baleinière : « Vous transformez des poétesses compositrices en nourriture pour chats ? Je pense que c'est un crime ». Son initiative provoquera l'irruption de Paul Watson et du Sea Shepherd sur la scène de l'Histoire. Ainsi, Orphée promeut le chant sacré des Muses et pousse Héraklès à s'unir à lui dans le refus de leur profanation (voir Pierre Hadot, Le voile d'Isis : essai sur l'histoire de l'idée de Nature, Gallimard 2004).
En 1966, dans ce qui est alors l'Allemagne de l'Ouest, une baleine blanche bélouga provoque la mobilisation du Bundestag pour la dépollution du Rhin. Ceci se produit 6000 ans après le dialogue entre un animal de la même espèce et un chaman finnois de Karélie, immortalisé sur un pétroglyphe à l'embouchure de la rivière Vyg dans la Mer Blanche, près de la ville de Belomorsk (travaux de Rauno Lauhakangas).
Aujourd'hui, les baleines à bosse ont commencé à reconstituer leurs effectifs. Avec une population totale située entre 80 000 et 100 000 individus, elles ne sont plus en danger. Quant aux cachalots, ils ont encore mieux résisté : 360 000 individus, estimation basse ( Ellis R. 2011. University Press of Kansas. The great spermwhale : a natural history of the ocean's most magnificent and mysterious creature).
Mais les "accidents" peuvent encore intervenir. Voir le cas des 5 britanniques et de l'Australien noyés après la destruction de leur navire début novembre 2015 :
http://www.smh.com.au/world/did-a-whale-sink-canadian-whalewatching-boat-leviathan-ii-20151103-gkpd1o.html
C'est le début de la fin de la Modernité tardive, dans laquelle nous sommes toujours et qui va durer quelques décennies encore. Citons à ce sujet la formule éclairante d' Antonio Gramsci : « La crise consiste justement dans le fait que l'Ancien meurt et que le Nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne, on observe les phénomènes morbides les plus variés ».
ANNEXE : La figure masculine du cachalot. DELIVRE NOUS DU MAL.
Le cachalot, guerrier chevaleresque et protecteur, correspond parfaitement à ce que les baleiniers du XIXème siècle pouvaient considérer comme un ennemi digne d'eux, fidèle aux canons antiques, médiévaux et modernes sur le masculin actif et le féminin passif. De ce point de vue, l'extermination des rhytines et le massacre des baleines franches, animaux des plus placides, s'apparente à un viol de masse. Thierry Lodé (La biodiversité amoureuse. Sexe et évolution, Odile Jacob 2011) a su montrer que le patriarcat était une réponse de l'Humanité (qui remonte au moins à plusieurs dizaines de milliers d'années) à la différenciation évolutive des sexes. Ce type d'organisation a connu des durcissements successifs, dès la Préhistoire( Jacques Picard : Le mythe fondateur de Lascaux, l'Harmattan 2003), puis à Rome (institution précoce d'un droit de mort du chef de famille sur sa femme et sa fille). De façon fort symptomatique, le Moyen-Âge tardif, phase historique de réorganisation chaotique et conflictuelle des repères collectifs va entraîner un nouveau durcissement identitaire qui débouchera, pendant deux siècles (1450 – 1650) sur le plus grand massacre de femmes de tous les temps (Françoise d'Eaubonne, Le sexocide des sorcières, L'esprit frappeur 1999). Ce fut bel et bien une guerre d'anéantissement à but sociopolitique, car les personnes visées prolongeaient les activités d'horticultrices, d'herboristes et d'apothicaires des femmes préhistoriques, si déterminantes dans la survie des sociétés traditionnelles.
Le « Malleus maleficarum » (« Marteau des maléficieuses, », document destiné à armer idéologiquement les bourreaux) indique : « Nous devons rappeler que par sorcières nous n'entendons pas seulement celles qui tourmentent et tuent ; font partie aussi de ce groupe celles qui DELIVRENT DU MAL ».
Et après la guerre, la chasse peut commencer...
De ce point de vue, la hure géante de Mocha Dick a peut être commencé à rééquilibrer le temps et l'espace, en portant un coup fatal à terme, non seulement à l'ère moderne, mais aussi à l'Holocène, et même à la malencontreuse révolution écologique et sociale de l'Âge glaciaire, quand les Hommes prirent le pas sur les Grands Prédateurs, et cherchèrent à se substituer à eux en toute incompétence (Sergei Zimov, Wildfield Manifesto, 14 octobre 2014, page blog "Une grande prairie en Russie centrale", 13 décembre 2014), chose qu'ils ont cherchée à renouveler, de fait, au cours de la première moitié du XIXème siècle, face aux gardiens de l'Océan.
Alain SENNEPIN, 18 janvier 2015
CREATEURS DU CIEL ET DE LA TERRE. Voir aussi, sur le rôle fondamental et central des baleines dans le fonctionnement de la Vie et du Climat dans les océans, sur terre et dans les airs, l'article particulièrement circonstancié et roboratif de George Monbiot dans le Guardian du 12 Décembre 2014.
http://www.theguardian.com/environment/georgemonbiot/2014/dec/12/how-whale-poo-is-connected-to-climate-and-our-lives
Catherine Doutey, infographiste au Courrier International, en a illustré l'essentiel dans un schéma très explicatif, page 35 du n° 1266, paru le 5 février 2015.