PARHELIES ET PARASELENIES CIVILISATIONNELS : RUSSIE, ASIE CENTRALE.
Cet article fait suite à "Sous la forêt, un royaume" du 12 juin 2012.
PHASE TRANSITOIRE ENTRE XXème et XXIIème siècles : LE TIGRE COMME ICÔNE AXIALE PROTECTRICE LORS D'UNE ETAPE DELICATE DE
MUTATION IDEOLOGIQUE.
REPTATION / PEREGRINATION DE LA RUS'. DANS LES PAS DU TIGRE EURO - SIBERIEN.
L'histoire de la Russie s'architecture à partir de la confrontation catalytique d'entités politico - géographiques, les apanages, à la racine de laquelle on retrouve
l'éternelle dialectique sédentaire / nomade // domestique / sauvage. Cette dialectique se retrouve peu ou prou dans toutes les sociétés
officiellement sédentaires, au sein même des représentations des différentes classes sociales. Kiev (et son Simargl
auxiliaire) triomphe de Tchernigov (et de son tigre partenaire) au VIIIème siècle.
Vladimir l'emporte sur Kiev au XIème siècle, et célèbre sa victoire à
travers l'anneau d'or. A l'abri de la Pax Mongolica ( à partir du XIIIème siècle), Moscou prend son essor, puis, beaucoup plus tard, l'emporte à la fois sur Tver et Novgorod (vécu comme un succès
de politique étrangère dans le second cas, eu égard aux liens entre Novgorod et la ligue Hanséatique), et bâtit l'église Basile le Bienheureux... A cette époque, la Moscovie est confrontée au
plus vaste complexe étatique européen de l'Histoire avant l'Union Européenne : le Royaume des deux Nations, réalisé par l'Union de Lublin entre Pologne et Lituanie en 1569 : d'une superficie
d'environ 900 000km2, il englobe la totalité des territoires de l'ancienne Rus' de Kiev. Au début du 17ème siècle, il menacera l'existence même de la Moscovie (en 1610, celle - ci aura un tsar
polonais) comme avaient failli le faire les chevaliers teutoniques au XIIIème siècle, après avoir annihilé les slaves occidentaux au XIIème... De facto, il s'agit encore de l'opposition entre
deux apanages, de très vastes dimensions. Le basculement du Monde vers l'Europe occidentale ramène le pôle directeur russe à l'ouest, sur le golfe de Finlande, avec St Petersbourg. Dans le même
temps, l'Empire étend progressivement son contrôle politique sur d'immenses territoires orientaux, à une échelle holarctique (le continent américain est également concerné).
Aujourd'hui, avec le basculement du Monde vers le Pacifique, les autorités russes considèrent ce qui fut "l'extrême - orient russe" (de la République de Sakha au Nord à la Province
Maritime du Primorye au Sud) à la fois comme un centre géopolitique et une vitrine nationale. C'est à Vladivostok que s'est tenue l'an dernier la réunion de l'APEC, le Primorye possède le plus
grand et le plus complexe aquarium au Monde, et une base spatiale va être construite dans la région. Cette modernité, qui mettait en péril le tigre de
Sibérie et son environnement au siècle dernier, le promeut désormais, ayant changé de visage et d'orientation.
CONTROVERSE DE SAMARKAND ET
REGULATEUR EURASISTE. DANS LES TRACES DU TIGRE CASPIEN. Les mutations centre asiatiques depuis la fin de l'Union Soviétique tendent, pour l'heure, à une forte opposition
tadjiko / ouzbèke avec le Kazakhstan et la Russie comme agents potentiels d'apaisement (de même, dans le Caucase méridional, la haine des Arméniens tend désormais,
cette année, à faire office d'idéologie officielle en Azebaïdjan persophone). La question est culturelle au sens le plus profond du terme. Il s'agit de la revendication de l'héritage
Timuride, et même Sogdien. Le Registan de Samarkand constitue, encore aujourd'hui, le plus vaste complexe religieux au Monde En 1924, les Tadjiks ont perdu le contrôle de Samarkand et
Boukhara au profit des ouzbeks. Aujourd'hui encore, la communauté tadjik est majoritaire dans ces deux cités. Les fondateurs Sogdiens de Marakanda (l'ancêtre de Samarkand) venaient de Douchanbé à
la poursuite d'une panthère... On trouve là encore, de façon explicite et radicalisée, l'opposition entre "sédentaires" et "nomades" (dans les représentations beaucoup plus que dans la réalité).
A la recherche d'une identité nationale nettement marquée, les tadjiks marquent ostensiblement leur différence culturelle (seuls persophones parmi les républiques d'Asie centrale de la CEI, ils
revendiquent l'héritage zoroastrien) et raciale (reprenant des thèses de l'époque soviétique, ils revendiquent leur Aryanité et Indo Européanité face aux "nomades turciques" (populations
d'origine altaïque : dans les faits, kazakhs et kyrgyzs sont bien plus nomades que tadjiks et ouzbeks...). Voir pour le détail Marlène Laruelle. 2006. Des Sciences humaines fave au Pouvoir
Politique. Le mythe aryen comme idéologie de la Nation au Tadjikistan. Pp 369 - 396, dans "Anthropologie et Histoire face aux légitimations politiques, vol. 104 / 105. Cette résurgence
idéologique est comme un soleil fantôme du Parhélie du Voyage d'Hiver de Schubert, avec une conception du tigre de Chir Dor (au sein du Registan) semblable à celle de Kiev vis à vis
du Simargl il y a 13 siècles. Or, si le félin figure l'étudiant avide d'apprendre (voir "Substantiation" du 14 février), il est aussi perçu, et avant tout, de l'Asie centrale sensu lato
(jusquà la Chine centrale), comme le pâtre sanglant des herbivores, un nomade guerrier anhistorique, qui conduit son troupeau à travers les temps. L'Eurasisme, influent en Russie et plus
encore au Kazakstan, qui en a fait son idéolodie officielle, est, a contrario, non racial et non religieux, et prône l'harmonie entre communautés au sein d'un territoire de vaste dimension et
géopolitiquement central entre finistère extrême occidental de l'Eurasie d'une part, et monde américain de l'autre. La modernité révolutionnaire qui a détruit le tigre de la Caspienne
et un tiers de la population kazakhe dans la première moitié du siècle dernier prend désormais un chemin différent. Au Kazakstan, les premières familles de tigres arriveront l'an prochain dans
les roselières du lac Balkash, pionniers d'une réinstallation ultérieure à une échelle plus vaste (plusieurs centaines d'individus dans les décennies à
venir).
Aube présente d'un nouveau
Printemps, préfiguration d'une Aurore historiquement proche, et d'un Zénith plus lointain...