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31 août 2009 1 31 /08 /août /2009 05:37
VIDEOS
(Versions française et anglaise : textes correspondants)
(French and english versions : linked texts)


VOICI LE TEXTE (EN SUBSTANCE)  DE LA VIDEO : « UN DRAGON VERT POUR SAUVER LES TIGRES ».
(Voir la video pour les cartes)

Je suis Alain Sennepin
Responsable du site
4 continents pour les tigres
http://www.avenir-tigres.com
blog : http://europe-tigre.over-blog.com
video: http://www.dailymotion.com/relevance/search/bielotigris/video/xact9v_un-dragon-vert-pour-sauver-les-tigr_news

Les tigres sont aujourd’hui en grand danger d’extinction, et leur situation se dégrade très rapidement, de mois en mois. Les réalités du terrain et les enjeux financiers colossaux liés au trafic d’animaux sauvages rend inefficaces les stratégies de protection actuelle (voir blog, page du 14 Juillet). Seules des initiatives ambitieuses et originales axées sur une approche différente peuvent les sauver de l’extinction.
C’est pourquoi je propose un projet, certes « utopique », (mais, eu égard à la situation, nous avons clairement le choix, ce me semble, entre l’Utopie et la Mort) que j’ai nommé « Le Dragon Vert ».

Il s’agit, en l’occurrence, de parvenir à la reconstitution des forêts alluviales eurasiennes qui existaient dans le passé, du Fleuve Jaune au Danube et au poumon vert de l’Europe.
La conformation possible de ce corridor vert correspond à l’ère de distribution historique ancienne, dans son expansion maximale, d’un tigre officiellement disparu depuis le siècle dernier, Panthera tigris virgata, dit « Tigre de la Caspienne », qui était présent en Chine centrale jusqu’au début du XIXème siècle, et dont la zone de présence régulière et de prospérité maximale était ponto – caspio – aralienne, c’est à dire dans un espace allant de la Mer Noire à la Mer d’Aral (très grande prospérité dans le delta de
 l’Amou – Daria au Sud de celle – ci) en passant par le pourtour de la Mer Caspienne (voir pour le détail la page publiée le 16 Août et intitulée « Des tigres présents au cœur de l’Europe médiévale »).
De grands mammifères prédateurs, qui constituaient, avant 1940, une mosaïque d’une richesse unique au monde dans ce type de milieu, devraient être réintroduits dans ses forêts restaurées, et parmi eux des tigres, à partir d’individus captifs ayant été soumis à des processus de réensauvagement.
Les précisions quant aux différentes étapes de ce parcours sont fournies à la fois sur la page en français et en anglais « The Eternal Selvedge » publiée le 27 Août, avec  schema numéroté sur carte, et sur la Video.

Carte 1 :  Sur cette carte est représentée l’image habituelle de la distribution historique de Panthera tigris virgata concernant les tout derniers siècles (à partir du XIXème). Elle va de l’Extrême – Occident chinois à la Mer noire, en passant par la côte Sud de la Mer Caspienne .
En particulier, on constate une distance considérable entre le point le plus oriental de la distribution de Panthera tigris virgata, le tigre de la Caspienne, et celui le plus occidental du tigre de Sibérie (ou tigre de l’Amour), Panthera tigris altaïca.

Cartes 2 et 3 : Des études plus fouillées ont montré que même pour ces périodes historiquement récentes, la distribution du Tigre de la Caspienne est beaucoup plus large, concernant notamment tout le pourtour de la Mer Caspienne, ainsi qu’une large zone septentrionale de présence ponctuelle dont le point le plus oriental est assez proche de celle du point le plus occidental de la distribution ponctuelle de Panthera tigris altaïca (carte 2, publiée en 1996 par Peter Jackson).
On tire le même constat, de façon encore plus nette, à partir  des cas répertoriés de présence des différentes « sous – espèces » par le biologiste Mazak (carte 3,  publiée en 2000 dans un travail de Kistner et Dugmore).
De fait, une équipe de l’Oxford University de Londres a montré dès janvier 2008 que tigre de la Caspienne et tigre de l’Amour constituaient de fait une même lignée génétique. Et qui plus est, les populations actuelles de tigres de l’Amour sont les descendants, d’après cette même étude, d’un groupe de P.t. virgata ayant migré vers l’Est récemment à l’échelle historique. Ils ont mis leur travail en ligne le 14 janvier 2009.

Cartes 4 et 5 : Phénomène encore beaucoup moins connu, la présence de tigres en Europe, notamment pour la période la plus récente, à l’époque médiévale (voir, pour le détail, page publiée le 16 Août, « des tigres présents au cœur de l’Europe médiévale »).
La carte réalisée par Georges Heptner en 1972 (carte 4) et celle conçue et réalisée en 2002 par Roberto Epple pour son association European Rivers Network permettent de préciser les choses.
Georges Heptner, spécialiste russe des carnivores, mort en 1975, a prouvé la présence de tigres sur les côtes des Mers noire et d’Azov, et encore beaucoup plus au Nord Ouest, au moins jusqu’à Kiev.
Qui plus est, il a démontré, dans un article publié dans une revue scientifique russe en 1969 et spécialement consacrée à cette seule question, que la « lyuty zver » (« bête féroce ») qui avait blessé le Grand prince kievien Vladimir Monomaque lors d’une de ses chasses entre Turov (sur la Prypiat, dans la zone des marais de l’Europe orientale, au Sud du territoire de l’actuelle Biélorussie) et Tchernigov (Nord de l’Ukraine) à la fin du XIème siècle, ne pouvait qu’être un tigre (Carte 4) .
Grand Prince en 1113, à 61 ans, Vladimir Monomaque rédigea son ouvrage « Poucheniya Detyam » en 1117. Cherchant à édifier ses fils sur ce que doit être un bon prince, il y décrit sa politique générale, ses guerres et ses chasses, à l’époque où il était encore Prince de Tchernigov (2ème ville du pays). Celles ci le mènent donc jusqu’à Turov, en pleine région des marais. Nombreux sont les animaux qu’il affronte et qui le blessent : l’auroch, le cerf, l’élan, le sanglier, l’ours…. Et « une bête sauvage (qui) m’a sauté à la hanche et m’a jeté à terre avec mon cheval ; et Dieu m’a gardé sain et sauf » ( Stählin, La Russie, Payots eds., 1946).
La présence au moins ponctuelle de tigres dans le « poumon vert de l’Europe », une zone de marais répartie entre l’extrême Sud de l’actuelle Lituanie, la Pologne Orientale, la Biélorussie occidentale et méridionale, et l’Ukraine du Nord Ouest, marquant la frontière entre les bassins de la Vistule à l’Ouest, et ceux du Niemen, du Dniepr et du Dniestr, à l’Est, est donc très vraisemblable. Cette zone aurait alors joué pour l‘Europe de cette époque le même que celui des mangroves Sundarbans du delta du Gange pour l’Inde où, jusqu’à aujourd’hui, des tigres interdisent à des êtres humains d’y venir collecter miel et bois.
Qui plus est, si la présence du tigre dans le delta du Danube est probable, nul ne sait si des tigres, via son bassin, se sont enfoncés profondément ou non en Europe centrale et occidentale. En tout état de cause, il est possible que les régions orientales de la Slovaquie et de la Hongrie actuelles aient compté le tigre, pour un temps, dans la faune présente naturellement sur leur sol (Carte 5).

En conclusion, ceci est aussi, évidemment, un appel aux grandes structures politiques eurasiennes, ainsi qu’aux grandes Institutions, Fondations et Associations internationales, de même qu’aux milieux économiques, médiatiques et artistiques, pour qu’ils considèrent l’urgence de la situation, et qu’ils aident et agissent concrètement et de façon effective à la réalisation d’un tel projet, pour la sauvegarde des tigres, la réconciliation entre les communautés humaines, et un Avenir solide pour les uns et les autres.



HERE IS THE TEXT IN LINKAGE TO THE VIDEO : « A GREEN DRAGOON TO SAVE TIGERS ».
(See video for maps).

I am Alain Sennepin
Webmaster of the site
4 continents for tigers
http://www.adventure-tigers.com
blog : http://europe-tigre.over-blog.com
video: http://www.dailymotion.com/relevance/search/bielotigris/video/xaczgx_a-green-dragoon-to-save-tigers_news

Wild tigers are now in great danger of extinction, and their situation becomes quickly worst and worst, month after month. Field realities as well as financial powers linked to wild animals trade implicate thatpresent strategies for protection are dramatically inefficient. Only ambitious and original actions based on a different approach could save them from  complete annihilation.
That’s why I propose a projekt, which can be considered as an « utopic » one (but considering the situation, the choice seems to be clearly between Utopy and Death) that I have named « The Green Dragoon ».

His aim is the reconstitution of eurasian riverine forests of the passed, from yellow River to Vistula and Danube basins.
The possible structure of this green corridor is linked to the historical distribution (in its maximal expansion) of the Caspian tiger, officially extinct since the XXth century. This tiger, was regularly present in a big prosperity between the Black Sea and the Aral sea.
Wild mammal predators, which constituted in these areas a mosaïc of a unique richness in the world before 1940, might be reintroduced in these restored forests, amongst them tigers, from rewilding protocols concerning captive individuals.
Precisions about steps of this green eurasian way are given both on the Video and on the page (english / french) « The eternal Selvedge » published on August 27th.

Map 1 :  On this map, we can see the ordinary picture of  Panthera tigris virgata’s historical distribution concerning the most recent centuries (from the XIXth). It goes from the  Chinese western border to the Black Sea, through the southern coast of Caspian Sea.
Particularly, there is an enormous distance between the most oriental point of the distribution of the Caspian tiger, and the most occidental one of the siberian (or Amur) tiger, Panthera tigris altaïca.

Maps 2 and 3 :
More complete studies have shown that even for these recent epochs, Caspian tiger’s distribution est widely larger, particularly concerning all around Caspian Sea (and not only southern coast), and also a wide northern area of punctual presence, which extends much nearer the most occidental point of siberian tiger’s punctual presence (Map 2, published by Peter Jackson  1996).
It’s even clearer (and nearer, from recorded cases of presence by different « sub – species » realized by the biologist Mazak (Map 3, published in 2000 in a work by Kistner and Dugmore).
Infact, a team of Oxford University (London) has shown (January 2008) that Amur and Caspian tigers are infact of same genetic lineage, and so they don’t belong to  different subspecies. Moreover, the present populations of Amur tiger are descenders, as concluded in this same study, of a P.t. virgata group recently (at historical scale) gone to east again.
Searchers have put their work online on January 14th 2009.

Maps 4 and 5 : Tigers were also present in Europe, up to the medieval ages, aspect which is still less known that the subspecific identity between Amur and Caspian tigers.
For the details, see the page published on 16 August – in french – « des tigres présents au cœur de l’Europe médiévale » (« tigers present in the heart of medieval Europe »).
The map realized by Georges Heptner in 1972 (map 4) and that realized by Roberto Epple in 2002 for his association European Rivers Network are good tools to put this phenomenon in light.
Georges Heptner, russian specialist of Carnivoras, dead in 1975, has proved the presence of tigers on Black Sea and Azov’s coasts, and also clearly in more North – Western areas, at least up to Kiev.
Moreover, he has demonstrated, in an article published in 1969 in a russian review and entirely dedicated to this question, that the « lyuty zver » (« fierce animal ») who had hurted the Great Kievian Prince Vladimir Monomaque during one of his hunts between Turov (on Prypiat river, in swampy areas of oriental Europe, , in the south of present  Belarus) and Tchernigov (Northern Ukraine), at the end of XIth century, could only be a tiger (Map 4).
Vladimir Monomaque became Great Prince of Kiew in 1113, at 61 years old. In 1117, he explained in his work « Poucheniya Detyam » that when he was prince of Tchernigov, his hunts up to Turov, in the heart of the swampy region, were dangerous, and he was hurted many times (an Auroch, a boar, an elk, a deer, a bear, and a « fierce beast (who) has jumped to his side and has made fall me and my horse. And God has guarded me in life… » (Stählin, Russia, Payot eds. 1946 , in french ).
A punctual (at least) presence of tigers in the « green lung of Europe » in medieval ages is so quite credible. This area  concerns present territories as extreme south of Lituania, oriental  border of Poland, occidental and meridional borders of Belarus,  as well as extreme north – West of Ukraine. This swampy region is also linked to the limits of Vistula basin (for the west) and Neman, Dniepr and Dniestr basins for the East.
It could have played the same role for medieval Europe as Sundarbans mangroves , in the Ganga delta, for India up to now (were tigers still exclude honey and wood collectors).
Furthermore, if presence of the tiger in Danube delta is probable, nobody knows if some of these animals have gone to more western regions  through Danube basin. It is nevertheless possible that present eastern Slovaquia and Hungaria had counted for a time the tiger amongst their natural fauna  (Map 5).


In conclusion, this is also, of course, a call to greatest eurasian political structures, international institutions, fundations and associations, as well as economical, mediatic and artistic spheres, who might consider the emergency of the situation, and so help and act concretely for the effective realization of such a projekt, for saving tigers, reconciling human beings, and building a strong future for both.
 




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27 août 2009 4 27 /08 /août /2009 17:12

A PRELIMINARY PROPOSAL OF A POSSIBLE WAY FOR THE « GREEN DRAGOON »

This page will be both in english and french.
Cette page sera en anglais et en français.

ENGLISH VERSION
In 2001, Tim Flannery wrote a book about the natural history of United States history entitled : « The eternal frontier ».
In an opposite way, the eurasian riverine forests’ continuum, when restored, could become
« The eternal selvedge ».
It could host, like before 1940, not only several big herbivorous mammals, some of them having impressive herds (boars) and two huge rodents, but also the richest  mosaïc of big terrestrial carnivores in the world, counting at least 5 species of big feline, 5 big and medium canids, one hyaena, 2 bears and 3 big mustelids. 



WHAT COULD BE THE GREEN DRAGOON


PRINCIPAL AXIS

CHINA
1. Occidental turn of Yellow River
2. Kuku Nor Lake
3. Lob Nor Lake (entering Tarim Basin, Xinjiang River)

KAZAKSTAN
- Tenghiz Lake
9. Aral Sea (At least little Aral,  northern section of Aral Sea, Syr Daria delta
UZBEKISTAN
9. Aral Sea, southern area (Karakalpakstan) : find means to restore Amou Daria delta

MIDDLE EAST
10. All around Caspian Sea
Then, from its western coast (northern bough) :

EUROPE
Meridional Russia, oriental  Black Sea and Azov Sea coasts
- Lacustrine areas of central Ukraine
Then southern bough :
13. Danube Delta (oriental Romania) through Moldova
Northern bough :
14. Green Lung of Europe : Swampy areas of southern and western Belarus, north western Ukraine, Eastern Poland, Southern Lituania


SECONDARY BOUGHS

SIBERIA
4. From Lob Nor Lake (China 3), through lacustrine areas of north western Mongolia :
Oriental Siberia : Selenga River and southern coast of Baïkal Lake (passing near  Ivolga village)
5. From Tenghiz Lake, through North Eastern Kazakstan :
Mesopotamy of occidental Siberia : Altaï mounts, south of Barnaul, between Irtych (West) and Ob (East)

CENTRAL ASIA
From Tenghiz Lake (Kazakstan) :
To the South :
6. Up to Balkash Lake (Kazakstan)
Then, from 6 :
South eastern bough : 7 : up to Issik Kul Lake (Kirgiztan)
Southern bough : 8 : up to northern Afghanistan through Tadjikistan (Vaksh and Pyandz Rivers’ basins)

MIDDLE EAST
(From western coast of Caspian Sea)
11 . Southern  bough to swamps of southern Irak (Euphrat and Tigris mouths)
12 . Medium bough from occidental Iran to Eastern Turkey (Van Lake region)



VERSION FRANCAISE
En 2001, Tim Flannery écrivait un livre concernant l’Histoire Naturelle du territoire des
Etats – Unis d’Amérique, intitulé « The eternal frontier », « La frontière éternelle ».
Tout au contraire, un continuum de forêts alluviales eurasiennes, une fois restauré, deviendrait « The eternal sevedge », « La lisière éternelle ».
Il pourrait héberger, comme c’était le cas avant 1940, en plus de plusieurs grands mammifères herbivores dont certains pouvaient former des troupeaux impressionnants (sangliers) ainsi que deux rongeurs géants, une mosaïque de grands et moyens mammifères carnivores d’une richesse unique  au Monde sur la terre ferme, comptant au moins 5 grands félins, 5 grands et moyens canidés, une hyène, 2 ours et 3 grands mustélidés.



CE QUE POURRAIT ETRE LE DRAGON VERT

AXE PRINCIPAL

CHINE
1. Coude occidental du Fleuve Jaune
2. Lac Koukou Nor
3. Lac Lob Nor (entrée du bassin du Tarim, rivière Xinjiang)

KAZAKHSTAN
-Lac Tenghiz
9. Mer d’Aral (petite Aral, partie nord de l’ancienne mer, delta du Syr Daria)
OUZBEKISTAN
9. Mer d’Aral, zone sud : Karakalpakie. Trouver les moyens de restaurer le delta de
l’Amou –Daria

MOYEN – ORIENT
10. Tout le pourtour de la Mer Caspienne

Puis, à partir de sa côte occidentale (rameau septentrional) :

EUROPE
Russie méridionale, côtes orientales de la mer Noire et de la Mer d’Azov
- Zones lacustres de l’Ukraine centrale
Puis, rameau méridional :
13. A travers la Moldavie, jusqu’au delta du Danube (Roumanie orientale)
Rameau septentrional :
14. Poumon vert de l’Europe : Zones marécageuses du Sud et de l’Ouest de la Bielorussie, du Nord Est de l’Ukraine, de la Pologne orientale et de la Lituanie méridionale


RAMEAUX SECONDAIRES

SIBERIE
4. A partir du lac Lob Nor (Chine 3), à travers les zones lacustres du Nord Ouest de la Mongolie :
Sibérie orientale : rivière Selenga et côte Sud du Lac Baïkal (en passant à proximité du village d’Ivolga).
5. depuis le lac Tenghiz, à travers le Nord Est du Kazakhstan :
Mésopotamie de la Sibérie occidentale : Monts Altaï, au Sud de Barnaul, entre l’Irtych, à l’Ouest, et l’Ob, à l’Est.

ASIE CENTRALE
A partir du lac Tenghiz (Kazakhstan)
Vers le Sud :
6. Jusqu’au lac Balkash (Kazakstan)
Puis, à partir de là :
Rameau sud – Est : 7 . Jusqu’au lac Issik Koul (Kirgizstan)
Rameau sud : 8. Jusqu’au Nord de l’Afghanistan, à travers le Tadjikistan (bassins des rivières Vaksh et Piandj)

MOYEN – ORIENT
(A partir de la côte occidentale de la Mer Caspienne)
11. Rameau méridional jusqu’aux marais de l’Irak du Sud (estuaires de l’Euphrate et du Tigre)
12. Rameau médian, de l’Iran occidental à la Turquie orientale (région du lac Van)
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19 août 2009 3 19 /08 /août /2009 17:35

OURS, TIGRES ET DRAGONS
Pour la rédaction de cette page, nous avons puisé, notamment, dans les travaux de Iaroslav Lebedynsky sur les Scythes et les Sarmates (Editions Errance, 2001 & 2002), ainsi que l’ « Histoire de la Russie », par N. Rasianovsky, 1987, eds Robert Laffont, Collections Bouquins, « Vladimir le Soleil Rouge » de Vladimir Volkoff, 1981 et « L’Amérique Russe » de Michel Poniatowsky 1978, tous les deux aux Editions Julliard (collection l’Age D’homme), « La Russie Médiévale », par J-P Arrignon, 2003, Eds. Les Belles Lettres, Collection « Guide des Civilisations ».
 
LA CIVILISATION DES HOMMES - OURS
La Russie ancienne est partagée entre le monde de la forêt au Nord et celui de la steppe au Sud. Les époques néolithique puis protohistorique qui modifient radicalement paysages et civilisations de la Méditerranée à l’Indus n’influent quasiment en rien sur  les pratiques préhistoriques de la civilisation forestière, si ce n’est une certaine intensification de celles – ci à des fins d’échanges commerciaux (fourrures).
Fondamentalement, les populations clairsemées de slaves orientaux qui occupent ce biotope et tendent à s’y sédentariser à partir des 5ème et 6ème siècles perpétuent un mode de vie « paléolithique » au moins jusqu’à l’orée du 16ème siècle. Ils sont horticulteurs, chasseurs  et collecteurs de baies sauvages, et de façon  bien plus significative encore, autour de leurs modestes villages au bord des cours ou des étendues d’eau, pêcheurs (Alexandre Nevski sera le « Prince pêcheur » de Novgorod au 13ème siècle), et récolteurs de miel, dont il font grand usage (on installe des ruches dans des troncs d’arbre creux, et comme les abeilles n’ont pas besoin d’être domestiquées, la peine est réduite au minimum et le profit au maximum).
Ils occupent la même niche écologique que les ours, et ont des pratiques très analogues sur le plan alimentaire. D’où un très fort sentiment de parenté, qui est le pivot de la culture slave jusqu’à la christianisation du pays à la fin du 10ème siècle. L’ours est le « medved » russe, c’est à dire le « consommateur de miel ».
De fait, les liens entre ours et communautés humaines sont d’une très grande profondeur et remonte au moins à des dizaines de milliers d’années. A partir d’observations paléontologiques circonstanciées, un chercheur russe n’a t-il pas émis l’hypothèse que le culte des ancêtres est plus ancien chez les ours que chez les hommes et qu’il a été transmis par les premiers aux seconds par un phénomène d’acculturation (dans Michel Pastoureau, « L’Ours. Histoire d’un Roi Déchu », Editions du Seuil 2007, page 42, références page 338).
Ce schéma d’ensemble tendra à se nuancer progressivement à partir du 10ème siècle, au moment de la christianisation et de la cristallisation fonctionnelle de l’Etat. Il y a  constitution d’agglomérations urbaines conséquentes (la Russie devient, aux yeux des scandinaves, « le pays des villes », « Gardariki ». Un certain défrichage de la forêt s’effectue peu à peu pour intensifier les pratiques horticoles. Il est plus marqué au Nord, particulièrement à Novgorod. Mais il existe aussi au Sud, dans la région de Kiev, ce qui ne va pas sans inconvénient face à la civilisation des steppes, la forêt constituant une protection contre les incursions des nomades…
Le seigle, le blé et l’avoine forment les aliments de base. On cultive aussi le pois, la lentille, le chou, le navet, l’oignon, l’ail. Le chanvre et le lin servent à la confection des toiles de tente, des cordages et des filets de pêche. On élève aussi des chevaux et des bœufs à la fois pour les labours et pour la monte.
Mais Procope et Léon le Sage dit de ces horticulteurs des plaines russes qu’ils sont « trop paresseux pour travailler les terres qui sont pourtant les plus riches du monde » et les considèrent d’ailleurs comme à moitié nomades.
Ces « paysans » (« smerdy »), hommes libres organisés en communautés rurales (mir) qui pratiquent l’agriculture, la pêche et exploitent la forêt (bois, miel, fourrures) sont fondamentalement les descendants et continuateurs des « chasseurs/pêcheurs/collecteurs » de la préhistoire.
Il existe aussi des asservis provisoires  pour dettes (zakupy, najmity).

Un conte étiologique en dit à cet égard beaucoup plus long qu’une explication anthropologique circonstanciée sur le sujet :
Un prince magicien envoie sa garde capturer des martres et des renards mais celle ci rentre bredouille . Il se change alors en loup et il poursuit les bêtes qui se prennent dans les filets de soie qu’il a préparés. Puis il doit à nouveau prendre la situation en main devant les échecs confirmés et successifs de ses hommes. Ainsi doit il revêtir l’apparence d’un faucon pour capturer cygnes, oies, canetons et petits oiseaux, puis celle d’un brochet pour capturer des esturgeons.
Il conquiert ensuite un « royaume de l’Inde » en se métamorphosant successivement en un aurochs aux cornes d’or, en un petit oiseau, en un loup gris, en une fourmi…
Il fait ensuite connaissance avec un laboureur, qui l’aide grandement dans ses initiatives pour le contrôle effectif de son Royaume.
Un ordre nouveau se met en place,
fruit de la synthèse entre la culture du roi – magicien liée à l’économie de prédation et celle du laboureur.

A partir du 16ème siècle, les communautés villageoises perdent leur liberté, les « horticulteurs » polyvalents deviennent des serfs, prisonniers sur la Terre désormais privatisée. Cette évolution est directement liée aux « impératifs » supposés, dans l’esprit des responsables de l’Etat,  de défrichements massifs de la forêt pour maximiser la production agricole assurée par des serfs désormais « monovalents », pour le compte de boyards qui deviennent à cette époque des latifundiaires du Nord.

LA CIVILISATION DES HOMMES - TIGRES
Contrairement au monde de la forêt, peu concerné par la « fin » de la Préhistoire, la civilisation des steppes est profondément transformée par la domestication du cheval, dès le quatrième millénaire avant J.C . Celle – ci bascule alors d’une sédentarité et de pratiques horticultrices plus poussées et plus importantes dans l’économie que ne l’étaient celles du monde des forêts, vers un système pastoral impliquant une existence résolument nomade.
Les conséquences de cette révolution du mode de vie sont gigantesques. Depuis les steppes de l’actuel Kazakhstan où s’effectue cette étonnante symbiose entre des hommes et un grand animal sauvage qui va réorienter de fond en comble le cours de l’histoire mondiale, un nouveau phénomène dans le monde vivant, le binôme cavalier / monture, déferle sur l’Eurasie, à l’Est comme à l’Ouest. En Europe, ce qui sera la Russie à partir du 10ème siècle est submergée par ce courant civilisationnel originaire d’Asie centrale. A travers les dominations successives (et de longue durée) des Cimmériens, des Scythes, des Sarmates, puis des Huns (pour un laps de temps court), des Avares, et des Kazhars, qui finissent par se sédentariser dans le delta de la Volga, c’est à la fois l’Asie et le monde de la steppe qui prédomine sur l’Europe et le monde de la forêt et ce pendant des millénaires, jusqu’au 9ème siècle. L’espace oriental de l’Europe est donc en réalité pleinement eurasien, sur le plan civilisationnel, depuis le Néolithique tardif.
Ces pasteurs guerriers ont un sentiment de parenté très fort avec les grands prédateurs sauvages, en particulier les tigres et les loups. Ils assimilent d’ailleurs ces animaux à des pasteurs d’herbivores sauvages et leur attribuent les plus grandes qualités parmi les êtres vivants.

LA CONFRONTATION
Pendant environ 3 siècles et demi (de la deuxième moitié du 9ème siècle à la première moitié du 13ème), en Europe orientale, le monde de la forêt en voie très progressive et superficielle « d’européanisation » - sédentarisation / urbanisation, étatisation, christianisation, défrichage – oppose une vive résistance au monde des steppes sur lequel il reprend significativement du terrain. Il y a conflit permanent, sans domination substantielle et durable des uns ou des autres. Les héros russes de cette époque sont les chevaliers « bogatyrs » qui coupent en deux leurs adversaires à l’aide de leurs grandes épées franques, mais voient les parties se reconstituer en des combattants entiers et vivants, sous le nombre desquels ils sont finalement submergés (comme dans le célèbre Dit de la Campagne d’Igor).
La limite entre steppe et forêt est vécue comme une frontière.
Les combats sont particulièrement acharnés, incessants et incertains entre le Grand Prince Vladimir et les Petchenègues, puis entre Vladimir Monomaque et les Polovtsiens, quelques décennies plus tard.
Rien ne symbolise mieux cette période de l’histoire de la Russie, où les deux mondes s’affrontent impitoyablement et vainement, sans qu’aucun des deux ne parvienne à s’imposer à l’autre, que la rencontre de Vladimir Monomaque et de la « Lyuty Zver » dans les marécages du Nord Ouest, vers la fin du 11ème siècle.
Cet épisode a été décrit et expliqué dans le détail sur la page du présent blog publiée le 16 Août et intitulée « des tigres présents au cœur de l’Europe Médiévale ».
Le Grand Prince de Kiev, pourfendeur des Polovtsiens, à l’anéantissement desquels il consacre 83 campagnes importantes, a la stupéfaction, lors d’une chasse dans des zones humides de la steppe, d’être attaqué et blessé (ainsi que son cheval) par un animal inconnu, dont Georges Heptner a démontré en 1969 qu’il s’agissait d’un tigre, animal emblême des Nomades par excellence.
C’est au cours du même 11ème siècle qu’en Afrique Orientale, un chant de guerre Swahili fait dire au Sultan qu’il va avoir à quitter sa cité pour affronter (« se faire dévorer par ») le MNGWA, « celui qui est étrange », grand félin tigré mystérieux.
Le Grand Prince rencontre son MNGWA, la « Lyuty Zver », qui a simplement, en l’occurrence un comportement de défense territoriale habituelle chez ces animaux face à des cavaliers faisant intrusion dans leur espace.
La région dans laquelle l’incident survient, située au Sud de l’actuelle Biélorussie, est à l’Europe ce que la mangrove des Sundarbans, dans le Golfe du Bengale, est à l’Inde. Un milieu où, jusqu’à aujourd’hui, les tigres refusent la présence de collecteurs de miel ou de bois…

A NOUVEAU, UNION EURASIENNE
Du 13ème au 15ème siècle, une nouvelle vague nomade déferlant des steppes de Mongolie entraîne la mise en sujétion des « hommes – ours » par les « hommes – tigres » qui est aussi une forme d’union, de symbiose asymétrique. Les russes sauvent leur nation en composant avec le khanat mongol, qui, malgré les destructions immenses qu’il inflige dans un premier temps à leurs structures urbaines et horticoles, leur permet de cimenter leur Nation à travers la religion orthodoxe, alors que celle- ci était pulvérisée (64 principautés indépendantes) avant l’intervention de ceux –là, et n’aurait pu en aucune façon résister à la poussée
 germano suédoise d’idéologie catholique, qui, elle, visait à la destruction de la culture russe et l’établissement d’un Empire latin sur son territoire comme celui qui dominait Constantinople depuis 1204 (et se maintiendrait jusqu’en 1261).
 Les succès d’Alexandre Nevski contre les Suédois (1240) sont entièrement dus à son génie propre. Sa façon d’opérer contre les chevaliers Teutoniques (1242) montre, en revanche, que le Prince Russe avait adopté la tactique Mongole, dont les troupes étaient présentes en arrière du théâtre d’opération (Arrignon 2003). La Russie évita ainsi l’annexion et l’éradication de sa religion, empêchant toute nouvelle agression germano scandinave pendant quatre siècles.
A cette époque, forêt et steppe n'étaient plus séparées par une frontière, mais réunis par la lisière, membrane d'échange et d'union des deux mondes.

LE MONDE DE LA FORÊT DEVIENT IMMENSE : LES OURS RENCONTRENT LES DRAGONS
Après avoir recouvré son autonomie à la suite de son dynamisme propre et des divisions internes au monde de la steppe, le « Monde de la Forêt » connaït une expansion phénoménale, notamment à partir de la première moitié du 17ème siècle, ce qui lui permet aussi un certain retour aux sources.
Entre 1610 et 1640, si les lignes fortifiées des colons russes avancent de 480 kms dans les steppes du Sud, ce n’est qu’en 1783 que le khanat de Crimée sera absorbé dans l’Empire de Catherine la Grande.
Par contre, au cours de ces mêmes 30 années,  la percée vers l’Est, c’est à dire la Sibérie, est de 4800kms ! Or, cette conquête du « Far East » forestier, lacustre et marécageux est aussi  la mise en contact, pour le meilleur ou pour le pire, avec de multiples communautés de chasseurs/pêcheurs/récolteurs dont les modes de vie et les pratiques sont singulièrement analogues à celles des slaves orientaux de l’époque médiévale. Quelques décennies plus tard, en 1689, le traité de Nertchinsk fixe la frontière russo chinoise le long des fleuves Argun et Gorbitsa et de la chaîne des monts Stanovoï, dans la région de l’Amour . Les nouveaux venus y font la connaissance d’un tigre forestier énorme, que les autochtones vénèrent et leur apprennent, dans une certaine mesure, à percevoir différemment de son congénère occidental, associé aux steppes et aux marais, synonyme d’étrangeté et de menace.
La divinité principale de ces populations est le dragon (voir la page « Nicolas Baïkov : la parole au tigre » publiée le 30 Juin).

LA DESTRUCTION DU MONDE DES STEPPES
L’annexion de l’Asie centrale (« Turkestan russe ») au cours de la deuxième moitié du 19ème siècle a été un véritable blitzkrieg, dans un contexte de menace anglaise sur la Région, lors du « Great Game ».
Les conséquences en ont été dramatiques, pour la civilisation pastorale, les hommes qui la faisaient vivre, les tigres qui en restaient les symbôles. Point n’est besoin de revenir en détail sur cette question, traitée sur les pages du présent blog publiées le 30 Juin, qui montrent les soubassements anthropologiques de cette tragédie, liés aux affrontements anciens entre « hommes – ours » et « hommes – tigres ». L’épisode ultime de ce processus  fut l’anéantissement de la Mer d’Aral, au cours des dernières décennies.
 
L’ALLIANCE DES OURS, DES TIGRES ET DES DRAGONS : LA VRAIE FORCE D’AVENIR DE LA RUSSIE
Aujourd’hui, la Russie, civilisation eurasienne depuis toujours, dispose d’atouts majeurs pour jouer un rôle catalyseur dans la recherche de la paix et de la coopération sur le continent, et définir de nouveaux équilibres entre sédentaires urbains, chasseurs – cueilleurs sibériens et  pasteurs (ou qui aspirent à le redevenir) d’Asie Centrale .
A ce titre, elle peut aisément saisir l’opportunité d’une mise en œuvre résolue de l’initiative écologique et humaine « Le dragon vert » (voir les pages publiées les 15 et 16 Août), véritable lisière géante au rôle réunificateur, aux antipodes de la frontière.
Ce dragon de la paix  tirera sa force  des tigres, des ours et autres grands prédateurs sauvages destinés à vivre dans ses flancs, ainsi que des communautés humaines environnantes, enfin réenchassées, grâce à lui et à ses maîtres d’œuvre,  dans leurs cultures originelles revivifiées et  vécues sur le mode de la complémentarité .



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16 août 2009 7 16 /08 /août /2009 08:24
LE TIGRE ET L'EUROPE: UNE VIEILLE HISTOIRE
La présence de tigres dans l'espace européen lors de la Préhistoire a fait l'objet de nombreuses controverses au cours des 19ème et 20ème siècles. Depuis lors, un consensus s'est fait jour sur le point de discorde principal : les grands félins dominants dans l'Eurasie de la période Pleistocene étaient des lions gigantesques, et non des tigres. Celà n'exclut nullement la présence élusive et ponctuelle de tigres dans des régions où on ne soupçonnerait pas a priori leur présence (Alaska, Arctique européen, entre autres, comme l'avait montré notamment Sandra Herrington en 1987). Dans une étude publiée en 2000 par la Revue scientifique "Animal Conservation", Kitchener et Dugmore ont proposé une carte très impressionnante sur l'extension maximale qu'aurait pu atteindre la distribution du tigre pendant les périodes interglaciaires du Pleistocene (qui se produisirent au moins à 16 reprises depuis l'apparition de l'animal en tant qu'espèce). Celle ci s'étendait à plusieurs continents, dont l'Europe.

Au début de la période holocène (après la fin de la dernière période glaciaire), plusieurs facteurs cumulatifs :  la disparition brutale des lions géants, des conditions climatiques favorisant les zones humides du Fleuve Jaune au Sahara et à la corne de l'Afrique au Sud, et aux régions circum arctiques au Nord, ainsi qu'une évolution des forêts européennes, désormais beaucoup plus adaptées et accueillantes pour les tigres que pour les lions, ont  vraisemblablement permis au grand fauve strié une expansion phénoménale de son aire de distribution , unique dans son histoire, qui allait durer plusieurs millénaires: on peut véritablement parler de cette époque , "l'optimum humide neolithique", comme l'Age d'Or du  Tigre en Eurasie.

Une péjoration hydrique sévère met brutalement fin à cet âge d'abondance : les tigres vivant dans les régions occidentales de leur aire de distribution subissent une réduction dramatique de leurs espaces vitaux. Ils se retrouvent souvent sans contact avec leurs congénères orientaux, et leur distribution devient discontinue, selon un schéma dendritique le long des cours d'eau eurasiens les moins mal alimentés d'une part, dans un certain nombre de refuges montagnards isolés et sans connexion entre eux d'autre part. Dans ces conditions de régression et de fragmentation, Panthera tigris virgata apparait en tant que sous espèce. C'est l'Aride Neolithique, connu pour les hommes comme période Protohistorique, avec l'apparition des grandes structures politico religieuses totalitaires du Nil à l'Indus et au Fleuve Jaune en Eurasie, Du Mississipi au Sud de la Cordillère des Andes en Amérique.

Les Empires de l'Antiquité mènent la vie dure aux animaux sauvages : les principales victimes en sont les lions, de l'Europe du Sud à l'Inde, sans que léopards et tigres puissent véritablement profiter de cette niche écologique brutalement vidée.
C'est la fin de cette période, marquée à l'Est comme à l'Ouest, par un affaiblissement considérable de la puissance et des moyens d'action des grandes structures politiques, et une réduction sensible de la démographie des populations sédentaires, qui offrent à une cohorte de mammifères prédateurs une nouvelle opportunité d'expansion.
Pour le Tigre, c'est particulièrement vrai en Chine d'une part, et (ce qui est à proprement parler l'objet de cet écrit), de l'Asie centrale à l'Europe orientale, tout au long des 7000 à 8000kms de la "steppe des scythes", du Fleuve Jaune à l'actuelle Hongrie.

AU MOYEN AGE, DES TIGRES AU COEUR DE L'EUROPE
A cette époque (Vème et VIème siècles de notre Ere), le territoire qui n'est pas encore la Russie accueille des populations slaves qui tendent à se sédentariser dans la zone des forêts au Nord, et des populations iraniennes qui nomadisent dans les steppes au Sud. Celles ci sont très fertiles, riches d'une flore exceptionnellement vigoureuse et parsemée de milliers de petits lacs et marais.
Les populations humaines sont peu nombreuses, et leur impact sur l'espace environnant n'est pas significativement plus important que celui des grands animaux sauvages. Les nomades sont des chasseurs éleveurs, qui peuvent aussi se ravitailler de vive force chez leurs voisins sédentaires. Ces derniers sont des horticulteurs/chasseurs/récolteurs de miel. Le Moyen Age en Asie Centrale et en Europe Orientale est écologiquement comparable à une période interglaciaire du Pleistocene.

Quelques siècles plus tard, la Russie est devenue "le pays des villes" (telle qu'elle est perçue par les Scandinaves de l'époque) et la forêt subit un lent processus de défrichement, particulièrement dans les régions les plus septentrionales, comme celle qui dépend du Prince de Novgorod. Mais le territoire est toujours très riche en forêts, steppes et zones lacustres.
Au XIème siècle, le Grand Prince de Kiev Vladimir Monomaque chasse souvent dans les régions de Turov et de Chernigov, notamment entre 1073 et 1094. Il les évoque dans un ouvrage dont il termine la rédaction en 1117: Poucheniya Detyam. C'est au cours de l'une d'entre elles qu'il doit affronter "lyuty zver", la "bête féroce". Celle - ci a bondi et lui a mordu la cuisse alors qu'il était sur son cheval, blessant à la fois la monture et le cavalier.
L'interprétation habituellement avancée est celle d'un lynx ou d'un loup. Un lynx femelle qui vient de voir sa portée massacrée peut effectivement se comporter avec une fureur exaltée, implacable et sans crainte, comme l'a montré Robert Hainard. Concernant un loup, la chose est à peu prés impensable. C'est pourtant cet animal que propose Vladimir Volkov pour un tel comportement dans son "Vladimir, le Soleil Rouge", Julliard 1981 page 68, alors même qu'il mentionne que la chasse pouvait concerner aussi le léopard (et semble t-il, aussi fréquemment que celle du cerf, du sanglier ou du bison d'Europe) présent dans ces contrées occidentales à l'époque, et plus susceptible que le loup d'agir de la sorte dans une situation désespérée.
D'autres pensent qu'il s'agit d'un lion, la présence de cet animal dans les steppes du Sud de la Russie et l'estuaire du Don faisant toujours l'objet de débats entre scientifiques à l'heure actuelle.
En tout état de cause, lynx, loup, léopard et lion étaient connus des princes russes de cette époque :
le prince Roman, de Galicie Volynie, région occidentale de la Russie Kievienne, mort en 1205, est présenté de la façon suivante par la Chronique de sa principauté : "Il s'élançait contre les païens comme un lion, il était féroce comme le lynx, il les exterminait comme le crocodile, il parcourait leur pays comme un aigle, il était brave comme un auroch." (vu dans "Histoire de la Russie",  Robert Laffont, collection Bouquins, par N. V. Riasanovsky 1987, page 103).
Alors, pourquoi parler d'une "bête féroce", si on la connaît par son nom?

Le Dr Vladimir Heptner, spécialiste russe incontesté sur les carnivores en Russie, mort en 1975, indiquait qu'il y avait de nombreux éléments forts et convaincants pour que la "bête féroce" en question soit un tigre. Il a consacré un article spécialement à cette question dans une revue russe en 1969. Dans l'ouvrage qu'il corédigea avec le Dr Sludskii sur les carnivores russes (réédité en langue anglaise 17 ans après sa mort), il présente une carte de présence probable du tigre non seulement sur les côtes des mers noire et d'Azov, mais aussi beaucoup plus au Nord Ouest, dans la région de Kiev, entre les 10ème et 12ème siècles.
Cette présence restait certainement élusive pour la civilisation sédentaire de la zone forestière (d'où la qualification de "lyuty zver"), cet animal restant fidèle à son milieu préférentiel de steppe marécageuse ; et les nomades, qui le connaissaient, ne tenaient pas de Chroniques écrites.
Un tel phénomène s'est également produit à une date beaucoup plus récente. L'anglais Thomas Atkinson, qui a voyagé en Asie centrale au 19ème siècle, a expliqué, dans un livre publié en 1858, que des tigres, chassés de la steppe kirghize par la sécheresse, avaient traversé l'Yrtych et rejoint les zones occidentales des monts Altaï, où les paysans ignoraient leur existence et n'avaient pas de vocable spécifique pour les nommer.
Le tigre "de la Caspienne"  est connu pour n'avoir pratiquement jamais attaqué les hommes, même quand il se rendait, plus ou moins accidentellement, dans les villages. Il fut toujours un animal discret, qui ne feulait pas ostensiblement contrairement à son congénère indien, et qui était indiscernable dans les hautes herbes de la Steppe et les roseaux des forêts alluviales.
Par contre, un cavalier qui s'enfonçait dans ce type de milieu courait de vrais risques.
T. Atkinson, déjà mentionné précédemment , a décrit l'attaque d'un cavalier kirghize par un tigre, qui bondit du fourré, de face, sur le cheval et le cavalier. Cette description a fait l'objet d'une  illustration de Sorieul, publiée page 201 de l'ouvrage de Svetlana Gorshenina, Explorateurs en Asie centrale, eds. Olizane.
En 1928, au Tadjikistan, 2 cavaliers et leurs chevaux ont été, de même, sévèrement attaqués par un tigre dans le lit asséché d'une rivière. Quelques années plus tard, l'endroit sera intégré à une réserve naturelle qui portera le nom "La Ravine du tigre" (Tigrovaya Balka) en souvenir de l'évènement. La chose a été décrite en détails par David Prynn aux pages 2 et 3 de son livre Amur Tiger, 2004, Russian Nature Press.
Atkinson et Prynn décrivent très exactement ce qui est arrivé à Vladimir Monomaque 8 siècles plus tôt.

AMPLITUDE DE DISTRIBUTION CREDIBLE DANS L'ESPACE EUROPEEN
Les données fournies par la carte de Heptner et Sludskii confrontées à la distribution des zones humides dans la région rendent crédibles une distribution au moins ponctuelle du tigre dans le delta du Danube d'une part, et dans les zones marécageuses qui forment la  frontière des bassins du Niemen, Dniepr et Dniestr, à l'Est, et de celui de la Vistule, à l'Ouest, d'autre part. Celà correspond, pour les tigres danubiens,  aux territoires actuels de la pointe orientale de la Roumanie, de la pointe occidentale de l'Ukraine, et de la Moldavie méridionale.
 Le village ukrainien de Dilove, situé non loin au Nord Ouest de cette zone, avait été identifié comme le coeur de l'Europe par les géographes de la fin du 19ème siècle.
Pour les seconds, plus septentrionaux, sont concernés l'extrême Nord de l'Ukraine, les franges les plus méridionales et occidentales de la Bielorussie, la frange la plus orientale de la Pologne, et l'extrême Sud de la Lituanie, c'est à dire le coeur et le poumon vert de l'Europe actuelle. C'est en plein dans cette région, entre Turov et Cernigov, dans les marais Pripiatski du Sud de l'actuelle Bielorussie, que Vladimir Monomaque avait rencontré la "Lyuty zver" (voir J-P Arrignon, La Russie Médiévale, 2003, eds. Les belles lettres, coll. Guide des civilisations, voir carte page 39).
La distribution de la steppe herbeuse à cette époque laisse augurer, qui plus est, une présence ponctuelle de ces animaux dans des territoires correspondant à l'Est de la Hongrie et de la Slovaquie actuelles.

PERIODE CREDIBLE DE PRESENCE DANS L'ESPACE EUROPEEN
Heptner, qui fait preuve, rigueur scientifique oblige, d'une prudence de Sioux à de multiples occasions sur des sujets variés, parle d'une présence probable des tigres en Europe du 10ème au 12ème siècles.
Or, les évènements politiques qui se déroulèrent par la suite en Europe orientale du 13ème au 15ème siècle, et notamment la domination mongole dans cette région, n'ont certes pas contribué à un recul des espaces sauvages naturels. L'effacement de nombreuses structures urbaines et une baisse de la démographie des populations sédentaires n'étaient pas de nature à écorner la vigueur de la flore et de la faune sauvage dans cette région.
Les tigres sont vraisemblablement restés présents en Europe jusqu'à la fin du Moyen Age.

Relisons, pour conclure, la description de la steppe par Nicolas Gogol dans son roman "Tarass Boulba" racontant l'histoire de l'affrontement entre Cosaques et Polonais au début du 17ème siècle :
"Alors, tout le Sud jusqu'à la Mer Noire était un désert verdoyant et vierge. La charrue ne passait jamais dans les vagues infinies des plantes sauvages. Seuls les chevaux qui s'y cachaient comme dans une forêt les foulaient. Rien dans la Nature ne pouvait être plus beau. Toute la surface de la Terre formait un Océan vert et or, dans lequel jaillissaient des milliers de fleurs variées. L'air était empli d'un millier de cris d'oiseaux divers. Les éperviers planaient immobiles dans le ciel, les ailes déployées, les yeux fixes dardés sur l'herbe. Le cri d'un vol d'oies sauvages retentissait sur un lac lointain."
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15 août 2009 6 15 /08 /août /2009 05:53
QUI EST LE DRAGON VERT?
"On mesurera un jour le degré d'une civilisation non pas à ce qu'elle aura pris à la nature, mais à ce qu'elle lui aura rendu". Robert Hainard

Aujourd'hui, le "DRAGON VERT" est simplement une idée, une proposition, qui attend sa matérialisation.
Il s'agit d'un projet de reconstitution des forêts alluviales des principaux fleuves d'Eurasie et de certains de leurs affluents, tout au long des 7500kms de ce qui fut la steppe des Scythes dans l'Antiquité et la route de la Soie au Moyen Age, de l'Europe Orientale à la Chine.
La présentation qui en est faite ici est à la fois très générale et préliminaire, et nécessitera de nombreux affinements et approfondissements ultérieurs (nous avons d'ores et déjà établi des contacts et entamé des discussions avec plusieurs acteurs/partenaires potentiels pouvant intervenir à différents niveaux du projet).
Ce "DRAGON VERT", qui existait jusqu'au 20ème siècle mais qui fut détruit par les modes de vie qu'adoptèrent alors les riverains peut apporter des solutions concrètes à la guerre de l'eau et aux désastres sociaux et sanitaires, aux conflits entre les Nations et les communautés, et à l'anéantissement de la Biodiversité eurasienne indispensable aux hommes, générés précisément par ces modes de vie et de rapport à l'autre inédits jusqu'alors à une telle échelle.
La forêt alluviale eurasienne n'est vraiment vivante, active et forte que si les grandes espèces animales qui s'y épanouissaient jusqu'au siècle dernier peuvent à nouveau la faire vivre. Celà concerne notamment une mosaïque de grands et moyens mammifères prédateurs unique au Monde, avec comme  clef de voûte un animal disparu de ces contrées mais qui les fréquenta toutes à diverses périodes depuis l'Antiquité : le Tigre. Celà passe par des plans audacieux de réensauvagement dont nous avons déjà amplement fait état dans les pages précédentes de ce blog , ainsi que sur le site "4 continents pour les tigres".
 La Force Vitale du Dragon est à l'intérieur de lui.
Si celui ci reprend vie, il peut réenchanter et resacraliser tout un Continent aujourd'hui tragiquement réifié.

TIGRE ET DRAGON
La reconstitution des milieux alluviaux eurasiens concerne des zones ripuaires correspondant à la distribution historique du tigre dit "de la Caspienne", Panthera tigris virgata.
Le coeur du territoire de l'animal depuis l'époque moderne fut l'Asie centrale, entre mer Caspienne et mer d'Aral, dans des forêts originales, les tugaï, dominées par des peupliers, des saules, des phragmites communs ainsi que des roseaux géants (Arunda donax) qui pouvaient atteindre 8 mètres de hauteur et des graminées géantes de 3 mètres de haut, où proliféraient les sangliers, laissés en paix par les musulmans pour des raisons religieuses, qui assuraient une généreuse pitance pour le  tigre sans interaction avec les communautés humaines vivant pourtant dans les environs immédiats.
Si les populations les plus importantes au cours des derniers siècles se trouvaient au Nord de la mer Caspienne, particulièrement dans les jungles du delta de la Volga, et plus encore au Sud de la mer d'Aral, dans le delta de l'Amou Daria, ils étaient également présents dans le Caucase jusqu'à la mer noire à l'Ouest, et jusqu'en Chine centrale à l'Est (bassin du Tarim jusqu'au Lob Nor).
A une période plus ancienne (Moyen Age) l'animal était présent, à l'Est, jusqu'au Fleuve Jaune, et à l'Ouest, de façon permanente jusqu'à la Mer Noire, et même, de façon plus ponctuelle, dans des régions plus occidentales encore, comme le delta du Danube d'une part, les vastes zones marécageuses frontières entre les bassins du Niemen, du Dniepr et du Dniestr à l'Est, et de la Vistule à l'Ouest, d'autre part.
 Les territoires d'au moins six pays européens actuels sont peu ou prou concernés par cette présence médiévale: l'Ukraine, la Moldavie, La Bielorussie, la Roumanie, la Pologne et la Lituanie.
Cette question sera traitée en détail sur ce blog dans les tout prochains jours.
De plus, les hommes de l'Antiquité avaient vu cet animal s'abreuver dans le fleuve du même nom (appelé Stollax par les Grecs), cotoyant des hippopotames dans les marais mésopotamiens du Sud de l'actuel Irak.


AUJOURD'HUI, DES INITIATIVES PROMETTEUSES
La compréhension d'une protection réciproque, de facto, entre forêt et animal prédateur débouche d'ores et déjà sur des actions originales et fécondes, où le réenrichissement de la Nature Sauvage est aussi un avantage pour les hommes.

Ainsi, en Andalousie, deux centres de reproduction des lynx pardelle (appelés aussi les "tigres andalous") permettent aux effectifs de cette espèce dramatiquement menacée de croître à nouveau. Les animaux sont ensuite relâchés dans la steppe d'Estramadure, que leur présence contribue ainsi à protéger de pratiques "agricoles" dévastatrices notamment.
Ces centres, qui ont comme vocation le réensauvagement de leurs pensionnaires pour sauver la Nature Sauvage de leur région sont, contrairement aux établissements évoqués sur la page publiée le 14 Juillet, les véritables "fermes à tigres" de l'Avenir.
Trois nouveaux centres devraient voir le jour sur le territoire espagnol.
Au sud du Portugal, un centre de reproduction et de réensauvagement a ouvert ses portes à Silves en Mai dernier. Il servira à protéger, par la présence du lynx, la forêt de chênes liège environnante qui fait vivre l'industrie portugaise du bouchon...

En Amérique, l'association "Panthera" met en place la "Jaguar Corridor Initiative", plan  destiné à permettre la sauvegarde des grands félins et de leur milieu forestier en assurant une continuité de celui - ci du Mexique à l'Argentine. Jamais aucune initiative n'avait été tentée à une telle échelle.
Détails et carte peuvent être consultés  dans Cats News 50 (Printemps 2009), pages 28 - 29.

En Russie, une réintroduction de tigres dans des zones ripuaires des régions méridionales et occidentales du pays serait la suite logique de l'évolution des choses dans ce pays depuis ces deux dernières années.
  Les tigres de l'extrême orient russe, dont la situation paraissait désespérée en 2005, sont toujours là. Certes, les meilleurs spécialistes des populations de ces animaux, comme Evgueny Kashkarov, considèrent  les  chiffres officiels cautionnés par le WWF Russie (500 individus) comme nettement surévalués, ce qui ne fait aucun doute en toute bonne logique. Selon eux, il serait plus réaliste de diviser ce nombre par deux. Des chasseurs Udeghe indiquent néanmoins une augmentation vraisemblable de la population l'hiver dernier (émission Radio Rossya , Février 2009).
Une extrême prudence était et reste de mise sur cette question, qui est largement sujette à caution.
Des études génétiques menées par l'Université d'Oxford ont montré que ces tigres de l'extrême orient russe étaient en fait les descendants d'un groupe d'animaux du "dragon vert"d'autrefois.
Le WWF Russie a relâché, par ailleurs, le 26 Mai dernier, une dizaine de cerfs de Boukhara dans une forêt alluviale au Turkmenistan, d'où ils avaient été éradiqués il y a 47 ans. Ces animaux constituaient alors la proie principale  (avec le sanglier) du tigre.
En Octobre 2008, Vladimir Poutine avait publié un décret sur la protection urgente du léopard de l'Amour, avec l'extension considérable (multiplication de la superficie par 10) d'une zone refuge pour ces animaux.
Au Printemps de cette année, le Ministère Russe des Ressources Naturelles a élaboré un programme de rétablissement de la population des animaux rares dont les léopards du Nord du Caucase (actuellement au moins aussi menacés que ceux de l'Amour (au mieux quelques dizaines de survivants) alors qu'il y "aurait place", dans cette région, pour 1200 individus. Pour la première fois dans l'Histoire récente du pays, le programme piloté par le WWF Russie est sponsorisé par des milieux d'affaires locaux.
Enfin, l'opinion publique russe a montré sa sensibilité et sa force sur les questions de protection des animaux sauvages ; une campagne de protestation activement relayée sur Internet a abouti en mai dernier à la démission des dirigeants de la région de l'Altaï, après que ceux ci, 3 mois auparavant, se soient livrés au braconnage de bouquetins, malgré un contrôle de la presse par les autorités locales et des campagnes de diffamation contre les protestataires (article de Boris Kagarlitski dans Vzgliad, traduit dans Courrier International 968 du 20 au 27 Mai 2009).

HOMMES ET DRAGON
Point n'est besoin ici de revenir sur les bienfaits qu'apporte une Nature généreuse aux communautés humaines vivant en équilibre avec elle, comme ce fut historiquement le cas aussi bien en Asie centrale que dans le Sud de l'Irak, pour ne mentionner que ces deux exemples, ni sur le fait que la destruction de celle ci fut un acte de guerre contre les communautés traditionnelles vouées à la dislocation
(voir les détails sur la page de ce blog publiée le 12 Juillet dernier), et intervint en un siècle de réification généralisée, où l'abaissement, le rapetissement et l'abêtissement de l'homme, processus engagés lors de l'émergence des structures étatiques à l'époque protohistorique, ont atteint une densité, une virulence et une systématisation inédites.
Reconstruire la tugaï, la réarmer en organes vitaux tels des tigres et d'autres prédateurs, c'est aussi reconstruire psychologiquement les êtres humains en contact avec elles, déshabitués de la beauté du Monde comme de l'estime d'eux mêmes.
Et c'est bien sûr guérir les sociétés de pratiques monstrueuses qui n'ont plus rien à voir avec l'agriculture ni avec l'élevage.
Deux aspects du drame terrible de la mer d'Aral méritent sans doute d'être rappelés ici (nous tirons nos informations d'un article corédigé l'an dernier par Philip Micklin et le plus grand spécialiste mondial de ce grand lac salé comme de la tugaï elle même, Nikolaï Aladin. Cet article a été traduit par le magazine "Pour la Science" n° 374 en décembre dernier, sous le titre "Le sauvetage de la mer d'Aral", pages 78 - 84).
Tout d'abord, entre 1960 et 2003, du fait de pratiques anti agricoles de massacres des sols,  entraînant une  vandalisation monstrueuse des réserves d'eau (totalement contraire à ce qu'est l'irrigation), le Grand Lac a perdu approximativement 75% de sa superficie et 90% de son volume.
Dans le même temps, les 24 espèces endémiques de ce grand lac Salé ont disparu.
Les quantités gigantesques de pesticides et d'insecticides qui avaient été charriées par le Syr Daria et l'Amou Daria et s'étaient déposés au fond du bassin de l'Aral se sont retrouvées, au fur et à mesure que l'évaporation progressait, à l'air libre.
Ce phénomène a provoqué chez les riverains le taux de mortalité infantile le plus élevé au monde, et des taux de cancers et d'anémie faramineux.
Pour empêcher un assèchement total, une  tentative avait été couronnée de succès (hélas provisoirement) . Ce fut la construction d'une digue au sud de l'embouchure du Syr Daria (au Nord de la Mer d'Aral, Kazakhstan) : en 1995, le maire de la ville d'Aralsk, Alachibaï Baïmirzaev fit construire cet édifice de 22 km de long en sable et roseaux. Achevée en 1996, elle permit immédiatement d'éviter que les eaux du fleuve ne se perdent dans le delta. Le niveau de la portion septentrionale ("petite Aral") de la mer remonta et celle ci avança de plusieurs kilomètres. Quelques poissons reparurent, et, dans les environs immédiats, des roseaux, des oiseaux, des rongeurs et des renards.
Une tempête détruisit cette digue en 1999, et le niveau de la mer  reperdit partiellement ce qu'elle avait gagné en volume.
D'autres tentatives plus récentes ont permis à la petite Aral de regagner 30% de sa superficie, ce qui représente plus de 10 milliards de mètres cubes d'eau, au delà des espérances des hydrologues les plus optimistes.
Pour la Grande Aral (côté ouzbek), tout espoir semble perdu. Des agronomes tentent de reconstituer  des forêts naturelles dans certaines portions de celle - ci.

PAIX EN EURASIE: LE DRAGON A AUSSI UNE VOCATION DIPLOMATIQUE
Les zones de tension sont nombreuses en Eurasie aujourd'hui, notamment au niveau des affrontements entre communautés aux modes de vie et de pensée différents au sein d'un même ensemble politique (comme nous l'avons montré dans la page publiée le 12 Juillet, ceci résulte de l'extrême intolérance des défenseurs d'un ultrasédentarisme particulièrement virulent, incapables de concevoir et d'accepter des pratiques et modes de vie autres que la leur, réificatrice et nécrosante à tous points de vue.
Les "points chauds" les plus médiatisés se trouvent en Asie centrale, notamment en Afghanistan et au Pakistan, et même en Chine, où les affrontements récents entre Ouïghours et Hans masquent une très grande hétérogénéité de ces derniers, susceptibles d'éclater, à terme, en plusieurs groupes antagonistes. Selon l'anthropologue Dru Gladney, les "hans" sont une construction socio politique artificielle et fragile.

La réalisation du projet présenté ici dans ses très grandes lignes ("Dragon vert", "Route du Tigre"...) peut s'apparenter à l'élaboration d'un médicament écologique, économique et social.
Chaque pays concerné peut évidemment agir (ou ne pas le faire) en autonomie à propos du segment à reconstituer sur son territoire, mais des pièces essentielles du puzzle (bassin du Tarim au Xinjiang, zone aralienne, zone caspienne Nord, Caucase, Irak méridional, Europe  orientale, nécessitent à chaque fois des coopérations entre deux ou plusieurs grands ensembles politiques (Chine, CEI, Iran, Turquie, Union Européenne notamment).
L'Eurasie a ici une occasion de se revivifier, en apaisant ses discordes et réactivant ses complémentarités, autour d'un projet à vocation fédératrice.
Les institutions politiques, sociales et religieuses ainsi que les agents économiques et mediatiques ont tout intérêt à faire leur, illustrer, et s'associer au plus vite une telle démarche.
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14 juillet 2009 2 14 /07 /juillet /2009 08:47
AU COEUR DES TENEBRES
La 58ème session générale de la Convention de Washington sur le Commerce des espèces animales (CITES) s'est tenue du 6 au 10 Juillet à Genève.
A cette occasion, le lobby des "fermes à tigre", promoteur de la légalisation du commerce des produits issus de l'animal, est, après son échec de 2007,  à nouveau monté au créneau, notamment par la bouche de Hank Jenkins, ancien président de Commission à la CITES, exemple typique du haut fonctionnaire totalement dévoyé, qui livre une caution militante à la politique du pire. Sa proposition a été confrontée à une forte opposition, aussi bien par le WWF que par le représentant de la Banque Mondiale, et ne sera pas endossée officiellement par la CITES.
Mais les adeptes de la multiplication de véritables élevages en batterie de tigres de boucherie ont en réalité déjà gagné sur le terrain.
Un grand merci à Martine Massot, responsable du site Tigrissima, pour sa transmission grâcieuse de la dépêche AFP du 10 Juillet donnant accès à l'information.

2007, TOUT AVAIT ETE DIT
Les industriels des produits du tigre en pièces détachées et leurs affidés institutionnels et médiatiques ont, depuis 2007, un discours rôdé qui est en substance le suivant.
 "Les fermes à tigre sont écologiques, elles participent à la protection des tigres sauvages, les gens achèteront des produits légaux et se détourneront de ceux du braconnage, qui n'aura plus de raison d'être. La disparition des tigres dans la Nature est donc désormais à imputer à ceux qui refusent cette légalisation, s'appuyant sur des protocoles irréalistes, dépassés et inefficaces".
En 2007, cet argumentaire avait fait mouche et seule, la vigueur de Valmik Thapar dans son plaidoyer pour le tigre sauvage et sa dénonciation d'une inertie perverse avait évité le pire.
Quelques semaines plus tard, Nirmal Gosh avait définitivement enfoncé le clou en démontrant point par point le caractère puissament aggravateur de la logique des élevages concentrationnaires de grands fauves.
Grâce à cette intervention, Barun Mitra, idéologue zélé des "centres de reproduction", coqueluche des medias jusqu'alors (il est indien),  adepte du "neolibéralisme en matière d'écologie" , qui promettait 100 000 tigres en 2020 en cas de légalisation des "fermes" (élevages concentrationnaires), fut définitivement discrédité.
J'ai pour ma part précisé tout celà l'an dernier sur mon site, ainsi que dans un article détaillé dans la Lettre de la SECAS (association du Jardin des Plantes associée au Museum d'Histoire Naturelle) N°53, Avril 2008, "Au Royaume du Tigre...en batterie", pages 19 - 21.
Le paravent écologique servi à toutes les sauces est là pour masquer une entreprise anti écologique et anti humaine,  achevement du processus d'extermination de la Nature sauvage et de la déshumanisation définitive de la société.
Parmi les buts réels: assurer une nouvelle "coquetterie" aux "nouveaux riches"  de tous les pays, après celle offerte par les industriels de la fourrure des 16ème au 18ème siècles, et les plumassiers des 19ème et débuts du XXème.

LE "TIGRE DE BOUCHERIE", STADE SUPREME DE LA REIFICATION
Pendant des millénaires, le tigre fut un Dieu dans d'immenses espaces du continent asiatique, et même la Divinité par excellence plus que tout autre, liée à la concentration dans un seul être de la plus vigoutreuse esthétique et puissance mortelle (voir sur mon site, page "Le syndrôme du Félin géant").
Au XXème siècle, les Européens (anglais, russes, français) l'ont progressivement fait passer à l'état de "vermine", (voir la page du 30 juin sur le présent blog). C'est en ces termes que le définissent certains villageois en extrême orient russe depuis le début de ce siècle, lors de conflits de survie intervenant entre lui et eux (film: le dernier feulement du tigre, Scandinature 2004). Dans certains districts d'Inde du Nord Est, il est vécu comme un agent et un complice des autorités oppressives.
Accepter la contension de milliers de tigres dans des hangars géants où ils sont destinés à la consommation humaine via des abattoirs  revient à se suicider en tant qu'être humain : le Dieu tigre change de statut: de vermine, il devient objet dans le regard humain. L'Homme perd ainsi définitivement son âme, et devient un gnôme nauséabond et gluant, rouage zélé de l'extermination de masse, qui interdit définitivement, par sélection sociale, toute possibilité de réenchantement ultérieur, le matériau humain  bénéficiaire d'un "anima" ayant lui aussi été rejeté par le corps social.
Les fermes à tigre constituent l'étage ultime de la réification, c'est à dire de la transformation des êtres en objet.
Elles doivent être rejetées pour des motifs moraux et  sotériologiques.
Si le Tigre est dans le regard de l'homme, l'homme est dans l'Oeil du Tigre.


POURQUOI ILS TIENNENT LE HAUT DU PAVE
Pourquoi cette nouvelle offensive en 2009?
Pour deux raisons.
D'abord, le fric. La Chine a de plus en plus de moyens de convertir ses voisins et d'influer sur le reste du Monde, qui est de plus en plus spontanément perméable à son "argumentaire": tout le fonctionnement des Institutions occidentales repose en effet sur la lâcheté, le mensonge, la duplicité.
Aujourd'hui, il n'y a pas de politique alternative à celle proposé  par la mafia internationale des "centres de reproduction".
Les tigres sauvages disparaissent inexorablement.
La plus grande réserve à tigres de l'Inde, Panna, qui compta jusqu'à 40 individus, est désormais vide (constat établi le mois dernier).
Le "temple du Tigre" thaïlandais, où moines bouddhistes et tigres orphelins vivent en symbiose, trafique ses vieux tigres avec une "ferme" laotienne, et récupère une partie significative de ces jeunes via le braconnage de portées sauvages, constat officiel établi depuis l'an dernier.
Beaucoup plus largement, Europe, Etats Unis d'Amérique, Afrique du Sud et CEI sont très largement partie prenante, via des initiatives privées mais aussi au niveau institutionnel, et parfois dans des proportions supérieures à celles de l'Asie du Sud, dans le trafic des animaux (souvent abattus sciemment à cette fin) en pièces détachées. (Voir la page de mon site "Avenir des tigres captifs", et mon article dans la  Lettre de la SECAS  55 (Novembre 2008), "La croisée des chemins" pages 16 - 17).
Les "ranchs à tigres" états - uniens, les "zoos" européens n'ont trop souvent rien à envier, dans leurs pratiques effectives, à celle des fermes à tigres du Sud - Est asiatique.
En 2009, le trafic des produits des grands prédateurs (tigres, mais aussi ours, lions, requins) est généralisé.
Les "protecteurs" institutionnels font valoir des "stratégies" mediatiques velléitaires et incantatoires.
Ils sont tout simplement très largement dépassés par les événements, quand ils ne sont pas sérieusement infectés par les arguments des réificateurs les plus radicaux.

LA VERITABLE ALTERNATIVE : LE DRAGON VERT
Les seuls "centres de reproduction" qui vaillent sont ceux gérés par des soldats incorruptibles de la cause de la Nature Sauvage, dans le cadre de protocoles de réensauvagement supervisés par les meilleurs zootechniciens.
J'ai expliqué il y a deux jours sur le présent blog, page"Free Tigristan: vers la guerre des barrages" ce qu'était la solution (un "chemin vert" transcontinental, sous la forme d'une forêt alluviale solidaire du réseau hydrologique eurasien, chargée sacralement par une faune de grands prédateurs avec laquelle elle interagit en protection croisée). Les tigres seront les écailles du Dragon.
J'en développerai les dimensions concrétes détaillées après ma rencontre (en principe avant la fin du mois) avec un important Responsable du réseau des rivières eurasiennes.
Il s'agit d'une guerre, face à une mafia mondialisée hyperinfluente, hyperactive, hypernuisible, hyperviolente.
Nous les vaincrons.
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12 juillet 2009 7 12 /07 /juillet /2009 08:00
Les pré - requis au chemin vert transcontinental
Le séparatisme, remède pire que le mal
Le Xinjiang, la Tugaï et les pandas humains
L'homme, l'Eau, le Tigre Bleu irakien
La Peur et la Faim


LES PRE - REQUIS AU CHEMIN VERT TRANSCONTINENTAL
L'édification d'un couloir végétatif alluvial du Fleuve Jaune au Danube, abritant une riche mosaïque d'animaux sauvages dont des grands prédateurs, équilibrant et nourricier pour les populations humaines environnantes,  implique une modification en profondeur des rapports aux minorités comme aux carnivores sauvages des principaux états eurasiens, et des changements fondamentaux concomitants
dans la politique de l'eau.
Comme nous l'avons montré le 30 Juin sur ce blog, le "totalitarisme sédentariste", incapable de reconnaître le droit à l'espace et au temps aux sociétés traditionnelles, de chasseurs - cueilleurs, pastorales ou sédentaires horticoles en équilibre avec leur environnement, ainsi qu'avec la Nature sauvage réparatrice pour tous, mène les
systèmes socio politiques dominants à l'heure actuelle à l'anomie et la nécrose généralisée.
La politique "du chien crevé au fil de l'eau" vis à vis des Roms de l'espace européen, l'élimination physique systématique des ours "vagabonds" en Allemagne, sont des exemples (corrélés) de l'incapacité de penser l'espace en termes de civilisation, le témoignage pathétique d'un vide abyssal de la Pensée.
La logique volontariste et productiviste qui domine en Asie Centrale "russe" est aux antipodes du rapport à la Nature qui prévalait lors de la période pré coloniale (avant 1864). L'influence islamico pastorale assurait à la Nature un dynamisme inouï peu ou pas contrarié, et aux communautés une prospérité réelle et authentique.
Les tigres (mais aussi les léopards, loups, dhôles, hyènes striées, blaireaux, ours, gloutons, ratels, castors,
porc - epics, renards roux, renards corsac sociaux, et même, dans certains cas, lions, lynx, caracals, et léopards des neiges) pouvaient s'épanouir dans des jungles arbustives persillées de petits lacs et totalement imbriquées aux plantations traditionnelles de riz et de cotons, ainsi qu'aux hameaux (aoul) eux - mêmes.
Les gens refusaient de chasser les sangliers (animal "impur" pour l'Islam), les laissaient proliférer, ce dont profitaient très largement les plus grands prédateurs qui vivaient ainsi en bonne intelligence et sans défiance particulière croisée avec les êtres humains.
L'économie pastorale était en outre extrêmement contraignante vis à vis de toute forme de prolifération "urbaine" (qui détruit d'ailleurs, là où elle existe, la ville elle même en tant que structure socialement fonctionnelle).
Au cours de ces dernières années, des militants écologistes locaux, comme Andreï Zatoka au Turkmenistan jusqu'en 2006 payent au prix fort ce "conflit de représentation".
L'actualité nous montre, à travers le "cas ouïghour", les désastres auxquels conduit la pire des violences, celle de l'emprisonnement et de l'étouffement des territoires, gigantesque et monstrueuse illustration réaliste de la "Poule aux oeufs d'or", transformation du Paradis en enfer où groupes humains minoritaires et animaux sauvages agissent en "parasites" "délinquants" sur leur Terre, que des occupants ont détruite et s'accaparent.

LE SEPARATISME, REMEDE PIRE QUE LE MAL
Les revendications  des sédentaires traditionnels, des pasteurs et des chasseurs cueilleurs, dans le cadre des structures politiques existantes,  du choix libre d'un mode de vie dans des espaces qui leur correspondent sont donc non seulement légitimes, mais indispensables à la survie des sociétés eurasiennes.
Par contre, les réflexes de désespoir comme la tentation séparatiste déterminent des réactions fortement identitaires des communautés majoritaires, de "culture" étatique, sédentaire et consumériste.
Miser sur l'éclatement des états et fédérations tels qu'ils existent à l'heure actuel aurait des effets cataclysmiques pour les minorités, à connotation génocidaire, dans toute l'Eurasie.
En Chine, où 1 milliard de Hans vivent sur 40% du territoire, les Mongols (voir Jiang Rong 2007 Le Totem du Loup), Tibetains et Ouïghours, qui en occupent peu ou prou 60%,  subiraient probablement une extermination complète si le Parti Communiste Chinois, à l'occasion de troubles politiques majeurs comme ceux qui se déroulent au Xinjiang et qui sont fondamentalement liés à l'étouffement de la société pastorale par le système sédentariste, se muait en parti nationaliste han.


LE XINJIANG, LA TUGAÏ ET LES PANDAS HUMAINS
Le biologiste Niels Thevs a décrit très précisément les menaces qui pesaient sur la forêt alluviale de la rivière Xinjiang, dans le bassin du Tarim, Asie centrale "chinoise". Elles sont directement liées aux pratiques agricoles et à l'utilisation de l'eau par le système "sédentariste".
Les "troubles" du Xinjiang sont une conséquence tardive de cette politique corrélée à la destruction de la civilisation pastorale dans la région.
Roms européens, Ouïghours chinois, Innus Canadiens, Papous indonésiens aujourd'hui (comme indiens d'Amérique et aborigènes d'Australie hier) sont tous ressentis comme des parasites par les communautés majoritaires, au même titre que les prédateurs sauvages: on leur laisse le choix entre disparition et  domestication ("assimilation").
Il est bien sûr pratique pour des Occidentaux "paresseux" (le mot est faible) de se sentir spontanément solidaires des "gentils" bouddhistes tibétains en 2008, et de marquer une distance significative avec les "islamistes" (surement terroristes) ouïghours en 2009.
Or, il s'agit, dans les deux cas, de la résistance desespérée à une entreprise de colonisation massive, "tsunamique". L'écrivain Bernard Ollivier, qui connaït bien la région, estime que celle du Xinjiang est encore nettement pire que celle du Tibet.
La résistance des descendants des pasteurs de la Tugaï du Xinjiang, aujourd'hui parqués dans des Univers improprement qualifiés d'urbains, sont les plus massives, spectaculaires et violentes depuis Tien An Men 1989. Il y a peut être déjà 800 morts et des milliers de blessés.
Elles ont obligé le premier secrétaire du Parti Communiste Chinois, Hu Jin Tao, à rentrer précipitemment dans son pays alors qu'il assistait à la réunion du G8 en Italie.
La rupture entre Hans et Ouïghours est complète.
Les troupes chinoises jouent, dans la ville de Urimki, le même rôle que les casques bleus Européens à Mostar (Kosovo).Elles constituent un cordon militaro humanitaire empêchant les communautés de s'anéantir mutuellement.
Un commerçant Han se plaignait en ces termes: "Les Ouïghours sont traités comme des pandas. Quand ils volent, violent ou tuent, ils s'en sortent. Si nous, les Hans, faisions la même chose, nous serions exécutés".

L'HOMME, L'EAU, LE TIGRE BLEU IRAKIEN
Les Chinois érigent des barrages gigantesques, pour des raisons économiques et stratégiques (pressions sur l'Inde et les pays de la péninsule d'Asie du Sud). Des fleuves géants comme le Fleuve Jaune, le Fleuve Bleu, le Gange, le Brahmapoutre, le Mékong sont directement concernés par des réalisations ou des projets d'une ampleur jamais vue dans l'Histoire du monde. De fait la totalité du réseau hydrographique de l'Asie du Sud Est est concernée et mise sous pression.
Dans une moindre mesure, la Turquie agit de même au Moyen Orient.
Raisons officiellement énergétiques ("alimentation des "villes") et agricoles (irrigation des monocultures géantes à vocation exportatrice).
En Asie centrale, les neuf "zones de protection et de renforcement de la tugaï" mises en place jusqu'à présent ne l'ont été en grande partie que sur le papier. Dimensions nettement insuffisantes, et impuissance face aux barrages d'irrigation pour la monoculture du coton.
L'eau réservée aux gigantesques, polluantes et nécrosantes cultures d'exportation manque cruellement aux milieux naturels, seuls à même d'apporter une prospérité effective et équilibrée aux communautés humaines.
UN CAS EXEMPLAIRE, DANS SA PROFONDEUR HISTORIQUE
En Irak, les marais du Sud sont menacés de disparition complète par le détournement des eaux du Tigre pour l'irrigation via d'énormes barrages situés en Turquie, Syrie, Iran, et dans une moindre mesure, en Irak même.
Ces marais avaient failli disparaïtre une première fois à partir de 1991, pour des raisons politiques. Saddam Hussein voulait détruire le milieu de vie des rebelles chiites qui avaient mis en péril son pouvoir cette année là, et qui utilisaient les marais comme maquis, les roselières faisant de bonnes cachettes.
90% des marais furent ainsi asséchés, comme solution finale à la rébellion.
A la chute du Dictateur, les habitants des marais abattirent les digues de terre que les ingénieurs de Saddam avaient construites, et l'eau recommença à affluer dans les lacs et les roselières. Les marais revinrent à la vie avec une rapidité surprenante : ils se remplirent de roseaux et de papyrus; les anciens habitants quittèrent leurs taudis de Bassorah pour venir reconstruire leurs villages, pêcher dans les lacs et s'occuper de leurs buffles d'eau. En Décembre 2006, la surface des marais était revenue à 58% de ce qu'elle était entre 1973 et 1976, avant le début du drainage ordonné par Saddam Hussein. Mais depuis, du fait des barrages, tout a à nouveau basculé vers le pire.
Les rois assyriens de l'Antiquité massacraient déjà les habitants des marais, milieu difficile à contrôler pour tout Etat, où prospéraient, côte à côte, des hippopotames et des tigres.
Les pharaons agirent de même, à une époque encore bien antérieure, à l'égard des habitants du delta du Nil, dont ils détruisirent le milieu naturel (gigantesque "fourré" de Papyrus) et exterminèrent l'animal le plus sacré à leurs yeux, l'hippopotame.
Saddam avait partie liée avec les trafiquants de Turquie orientale pour la fourniture dans ses palais, au cours des années 80, des peaux des derniers tigres d'Asie Mineure. Puis il mit donc à sac ce qui aurait pu constituer leur ultime sanctuaire.
Le "tigre bleu de l'Euphrate" montrait la voie à Alexandre le Grand dans la pièce de théâtre de Laurent Gaudé (2004).
Le fauve céruléen d'aujourd'hui nous indique clairement que la solution n'est pas dans l'effacement des frontières officielles des structures politiques, mais dans celui des barrages qui empêchent bêtes et gens de revivre.

LA PEUR ET LA FAIM
Quant à la réintroduction dans des zones naturelles régénérées, de grands prédateurs considérés par la culture sédentaire comme les plus dangereux et magnifiés par la culture nomade, elle constitue la clef de voûte d'un projet global  dont je viens d'éclairer les dimensions écologique, spirituelle et socio -  politique.
C'est particulièrement vrai concernant les grands félins : le "noyau familial" de léopards offert par le Président turkmène à Vladimir Poutine en Mars dernier pour être relâché dans le Caucase est à mettre en rapport avec les capacités d'accueil de cette région pour cette espèce (1200 animaux potentiels selon Cats News Hors Série 2007).
D'autres tentatives, plus anciennes, furent trop timides et n'aboutirent pas. Ainsi, en Inde centrale, trois lions de Gir furent transplantés dans la forêt de Chakia en 1957. Leur nombre monta à 7 dès la fin de l'année, puis à 11 en 1964.
Mais l'expérience fut ensuite abandonnée dans des conditions obscures.
Xavier de Planhol, grand Géographe et militant explicite de la lutte  de l'Homo modernicus contre les populations relictuelles de grands prédateurs réfugiés en zones péri urbaines, explique avec ironie que "nul n'a cependant encore  proposé de réintroduire le lion en Macédoine...Mais il ne faut désespérer de rien !"
Il ne sait pas si bien dire...
Nous ferons en sorte de réintroduire tigres, lions et autres fauves dans une forêt alluviale transcontinentale allant du Danube au Fleuve Jaune, donnant ainsi toute sa puissance sacrale à cette voie serpentine, dont nous espérons que l'impact sur l'Eurasie sera aussi déterminant dans les prochains siècles que le fut la Route de la Soie au Moyen - Âge.



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30 juin 2009 2 30 /06 /juin /2009 07:00
TUGAÏ, LA ROSELIERE ENCHANTEE
Impitoyablement détruite au cours du siècle dernier, la tugaï, forêt alluviale des fleuves d'Asie centrale, qui abritait une faune exceptionnelle, dont des tigres, est aujourd'hui dans un état relictuel. Les lambeaux de la forêt d'antan, qui s'étendait du Fleuve Jaune au Danube, ne représentent plus que des traces éparses,menacées d'assèchement du fait, notamment, des barrages érigés pour l'irrigation de la culture du coton.
Comme le montrait déjà le WWF dans un document remontant à 2001, les réserves créées pour préserver ce qui reste de ce milieu original n'ont pas les dimensions nécessaires pour lui assurer un avenir effectif.

Depuis le mois dernier, je contacte des spécialistes des rivières eurasiennes et de la mer d'Aral pour élaborer un projet de construction d'un véritable corridor végétatif des zones ripuaires du Xinjiang à la Mer Noire, prélude à l'introduction de noyaux familiaux de tigres dans ce milieu reconstitué.
Le choix de cette formule ne vise pas seulement une efficacité écologique (dans le sens technique du terme), mais se veut aussi porteuse d'une implication sociale et politique fondamentale quant à l'avenir de l'humanité, comme nous allons le voir.

DERRIERE LE CARACAL, LE TIGRE
Le Programme pour le Developpement des Nations Unies avait d'ores et déjà engagé un plan de préservation de la Tugaï dans une région ouzbèque du delta de l'Amou Daria, le Karakalpkstan. Les fonds attribués excèdèrent les deux millions de dollars. L'opération fut programmée sur les années 2005 - 2010. Nous nous informons pour en connaître les résultats d'ores et déjà obtenus.
En 1971, déjà, avait été ouverte dans la région la réserve de Badaï Tugaï, d'environ 6500 ha.
Les zones de protection de la Tugaï répertoriées par le WWF en 2001 en Asie centrale étaient au nombre de neuf. Malheureusement, comme nous l'avons  souligné plus haut, elles ne préservent pas plus la forêt alluviale que ne le font pour le tigre les réserves naturelles en Inde.
Sur le blog Karakalpkstan,  a été publiée, le 14 Juin, une page consacrée au tigre de la Caspienne
(taper: Karakalpakstan blog caspian tiger).
L'auteur y indique que jusqu'à l'invasion russe de 1864, les tigres ne constituaient en rien une menace pour les êtres humains, alors qu'ils vivaient à proximité immédiate des habitations, y compris dans la capitale, Tachkent.
Heptner et Sludskii avaient constaté des cas analogues au Tadjikistan.
Il précise également que le dernier tigre officiellement observé en Asie centrale le fut en 1974, dans le cimetière de Kegili, ville natale de sa femme...


LES VRAIES RAISONS DU MASSACRE DE LA TUGAÏ AU SIECLE DERNIER
Comme l'avait magistralement démontré François Terrasson, la peur de la Nature a poussé les hommes, au cours des derniers millénaires en particulier, à détruire les forêts, exterminer ceux des animaux sauvages non domestiquables à leurs yeux, à ériger des murs entre eux et "le milieu hostile".
Au delà, je pense avoir montré, notamment dans mon texte "Europe et grands félins" (document PDF téléchargeable à partir de mon site) que la civilisation reposait sur un tryptique social fondamental : communautés sédentaires, nomades pastorales, chasseurs - cueilleurs.
Aujourd'hui, la "civilisation" sédentaire (qui n'en est donc plus une mais une boursouflure monstrueuse, caricaturale et cancéreuse de ce qu'elle fut jadis), a tout englouti.

LES DIABOLISATEURS CREENT L'ENFER
On ne peut pas comprendre ce qui est le moteur réel des écocides et des "holocaustes" (génocides de tout poil si l'on ignore un "invariant anthropologique" fondamental de l'humanité : la peur de l'autre, et la résolution de cette peur dans une "désactivation symbolique".
C'est pourquoi une légère digression est ici nécessaire.
Pour des impératifs fondamentaux de sécurité mentale collective, "l'ennemi" doit être désacralisé pour être plus efficacement annihilé. De divinité crainte, il passe  au statut de rebut, déchet ou scorie.
Pour illustration, je choisirai l'exemple de la pyramide meso américaine (maya ou aztèque). Le fonctionnement est fondamentalement le même, d'ailleurs, pour les fétiches d'Afrique de l'Ouest.
Sacraliser un lieu n'a aucun sens jusqu'à l'époque protohistorique.. Pour la plupart des hommes (jusqu'aux années 1960 en dépit des injonctions idéologiques des "milieux autorisés"), tout est sacré, comme l'a montré Philippe Descolas en 2005 dans son ouvrage "Par delà Nature et culture". Chacun d'entre nous est à la fois un temple, une sentinelle et un soldat, que nous soyons animal, végétal ou minéral.
Les sociétés étatiques qui apparaissent partout dans le monde lors de la phase d'appauvrissement écologique de l'aride post neolithique tuent la poule aux oeufs d'or divine au fur et à mesure qu'ils croient se l'accaparer ("qui trop embrasse mal étreint"). Elles constituent donc, dans un monde spirituel dévasté par leurs soins, des "réserves naturelles de sacralité": les temples.
Plus le pouvoir est imbu de lui même, plus le temple est ostentatoire. C'est notamment le cas de la pyramide.
Mais, au départ, le lieu "à activer" est avant tout un trou à offrandes. En meso Amerique, on offre à la Terre d'énormes plaques de jade, qui sont des moteurs, des catalyseurs de sacralité. (En Egypte, c'est le corps du roi sacré, Horus végétant, donc fertilisant naturel, donc beaucoup plus proche, paradoxalement, de la pratique préhistorique de ce que ce qui fut pratiqué en meso - amérique ; ce n'est en rien ici l'objet, mais il y aurait beaucoup à dire de  l'apparentement du Pharaon au taureau, lui même lié, beaucoup plus fondamentalement, à l'hippopotame albinos...)
Quand les populations opprimées par les aztèques ou les mayas de l'époque classique se rebellent, elles"désactivent symbôliquement", en premier lieu, les pyramides, en creusant dans leurs fondations et en retirant les plaques de jade, c'est - à - dire leurs facteurs de sacralité. Sans elles, la pyramide n'est plus rien. Elle est morte.
Les Goldes (ethnie de Dersou Ouzala) et les Udeghe disent: "Sans le tigre, la forêt n'est rien".
Les Nations cristallisent leurs saints, comme la Montagne ses diamants (Métropolite de Los Angeles, cité par Vladimir Volkov en tête de son ouvrage "Vladimir, le Soleil Rouge").
La Montagne cristallise sa Merveille et sa Gloire (Martial, poète latin, à propos du tigre "La Merveille et La Gloire des Montagnes d'Hyrcanie").

Les sédentaires virent leur existence même mise en péril par les Nomades Pasteurs.
En Europe, occidentale, le personnage le plus connu 15 siècles après sa mort  est Attila.
En Europe Orientale (Russie incluse), c'est Gengis Khan.
En Crimée, à l'époque médiévale, les sédentaires étaient razziés par les nomades, dans un environnement naturel où les herbes étaient si hautes que les tatars sur leurs petits chevaux n'étaient pas visuellement discernables.
Les Russes voulaient détruire la civilation pastorale.
Lors du Blietzkrieg de 1864 et années suivantes (voir les raisons évoquée dans Svetlana Gorshenina. 2003. Explorateurs en Asie centrale. Olizane eds.) ils ont transformé, au début du 20ème siècle, le tigre des roselières en rebut (vermine, peste agricole).
En le détruisant, ils ont désactivé symbôliquement la Tugaï, ils ont détruit son catalyseur de sacralité, prélude à sa propre annihilation. "Sans le tigre, la Tugaï ne vaut plus rien ".
Or, qui était visée en premier lieu, sinon la civilisation pastorale elle même, qui avait historiquement menacé le cancer sédentaire, et qui vivait en bonne intelligence avec les grands prédateurs sauvages, en Ouzbekistan, au Tadjijkistan et aussi plus à l'Ouest?
Le grand incendie de la forêt alluviale dans la décennie 1930 - 1940 a eu comme prélude (1929 - 1931) la destruction physique de plus d'un tiers de la population kazakhe.


LE MALHEUR DES TEMPS
Le vingtième siècle fut un siècle de malheurs majuscules, générés par des sourds et aveugles (mais pas muets) qui ne furent que les héritiers de deux courants historiques.
Le catholicisme, quand il fut enchassé dans le pouvoir royal, devint en Occident l'équivalent du légisme en Chine ancienne (voir Alain Lévy, Les fonctionnaires divins, 1989): le "Ciel" et la Terre ont, (c'est ce qu'ils disent) des intérêts divergents et ceux du "Ciel" priment sur ceux de la Terre.
Cette idéologie, fortement perturbée par le changement paradigmatique qui déboucha sur l'ère moderne,
c'est - à - dire la Renaissance,(voir les conflits et les durcissements identitaires aux conséquences particulièrement atroces qui s'étendirent sur 250 ans), fut en fait renforcée par cet épisode, l'ère moderne ayant comme principale idéologie la REIFICATION (la transformation du sujet en objet, la chosification des êtres). Ce fut l'équivalent de la bombe atomique idéologique pour la culture judeo - catholique dans laquelle baignait l'Europe depuis près d'un millénaire. Le bras armé, la réification froide, efficace, mortelle,  fut utilisée massivement par le commanditaire diabolisateur depuis les siècles des siècles.
Ainsi, depuis 5 siècles, sont systématiquement diabolisés, péjorés, amoindris, infantilisés, celles et ceux destinés à la réification, quel que soit leur âge, sexe, race, nombre de pattes ou de pseudopodes, organisation interne fermentaire ou chlorophylienne....

La Tugaï, c'est la pyramide.
Détruire le tigre, c'est désactiver symboliquement la Tugaï.
Sans lui, elle n'est plus rien.
Elle peut être annihilée, après avoir été réifiée.


Nicolas Baïkov ( voir page publiée le même jour) a évité celà. La taïga n'était pas liée au monde de la civilisation pastorale. Sa spiritualité intrinsèque n'était pas porteuse de danger insupportable. Il a su la sublimer, ce qui restera à son honneur, pour toujours.


DANS QUELLE "SOCIETE" VIVONS NOUS?
Nous vivons dans une société où la réification est Reine, et où l'anonymat, l'indifférence, est la régle.
C'est un monde qui n'en est pas un, puisqu'il est, étymologiquement, imMONDE.
C'est une société où le Pouvoir encourage les gens à se comporter de façon ingNOBLE.
Dans ce chaos barbare, fait de bruit et de fureur, les formes reliques et dégradées des civilisations alternatives, agissent pour survivre, et sont vécues en tant que telles, comme des parasites. C'est le cas des animaux sauvages (les habitants des lotissements sont dans le lamento téléphonique chronique auprès du "piégeur agréé" parce qu'une "fouine" a dégradé leur laine de verre).
C'est aussi celle des "Roms" disons plutôt manouches, chasseurs cueilleurs horticulteurs venus du Rajastan il y a 13 siècles, dans un Univers européen labyrinthique qui n'est plus le leur, où certains cherchent à "s'intégrer" à l'immonde sédentaire, perdant ainsi toute dignité et déperissant de chagrin, et d'autres agissant en parasites, comme les renards et les fouines, n'ayant plus de lieu "à eux", absorbés par les metastases de la sédentarité.
Ces Roms sont au moins 10 millions en Europe, perçus comme des moins que rien, des déchets, des scories, au même titre que le furent les aborigènes en Australie ou en Asie du Sud, les pygmées et les pygmoïdes en Afrique centrale, orientale et australe, et les amérindiens dans les deux Amériques.
Il y a quelques siècles, un voïévode roumain, après les avoir fait travailler dur sur son domaine en tant que journaliers manouvriers, les faisaient grimper dans les arbres et abattre par ses archers. Il appelait ceci "la chasse aux corneilles".
Ils sont depuis plusieurs mois, en Hongrie, abattus par dizaines par des "escadrons de la mort".
En république Tchéque, un groupuscule politique ayant pignon sur rue prône "la solution finale du problème tzigane"...
Dans le même temps, Xavier De Planhol, géographe reconnu de l'école française, publie, dans un numéro spécial du magazine "L'histoire" de Janvier de cette année, un article consacré aux relations hommes - animaux où il conclut:
 "Jamais l'animal sauvage n'acceptera le partage (!!!!?) de la Terre.
Et l'Homme devra, sans défaillance, non seulement monter la garde aux frontières de l'espace QU'IL S'EST RESERVE, mais au coeur même de celui - ci, veiller sans relâche, et tuer sans pitié."
Christian Gerondeau, dans le magazine Valeurs Actuelles du 25 Juin, explique pour sa part dans la chronique "Parlons vrai", défendant l'énergie nucléaire, la productivité en général et notre mode de vie dans son ensemble, que  "la crise actuelle est là pour nous rappeler quelles sont les véritables priorités : préserver de la pauvreté et de la maladie les quatres cinquièmes de l'humanité, améliorer le niveau de vie du cinquième restant (c'est très exactement ce que fut l'optique colonialiste des positivistes du 19ème siècle), et cesser de dépenser en vain nos ressources dans l'illusion de sauver la planète".
Ces " véritables priorités" sont, malheureusement, celles là même qui aboutissent à l'extermination des animaux sauvages, à l'exclusion sinon au massacre des tziganes, au suicide des employés et à la misère sociale et morale généralisée.
Une société où, le 14 Juin, une passante découvre le cadavre d'un ours dans un état de décomposition avancée (probablement échappé d'un cirque), dans un sentier de la commune de Cormeil - en - Parisis, dans le Val d'Oise, à une quinzaine de kilomètres de Paris, n'est pas une société.
Une société où, le 29 Juin, à Bellerive, dans l'Allier, un petit poulet vraisemblablement tombè d'un  "poulailler ambulant" en route pour l'abattoir, se trouve seul au milieu des voitures passant en tous sens, qui ne doit la vie sauve et un peu de sérénité recouvrée (ou nouvellement acquise, devrai - je dire)  qu'au miracle improbable du surgissement du néant de grosses mains secourables (merci pour lui, mon cher frangin!) n'est pas une société.


REMETTRE TIGRE ET HOMME SUR LEURS PATTES
En Inde, deux réalités se confrontent:
Celle du pays traditionnel, où les tigres, comme à Tachkent où dans certaines zones du Tadjikistan et de l'Afghanistan jadis, saluaient bergères, bergers et troupeaux au crépuscule, quand ceux - ci  rentraient au village, au crépuscule, dans la vallée de Sariska.
"GRRRROOUUUUUFFFF" (communication personnelle du 20 Janvier 2008 du Professeur Pedro Joao Galhano Alves, auteur d'une thèse, en l'an 2000, sur le sujet, à partir d'une étude de terrain réalisée sans les années 1994 - 1997).
Celle du tsunami modernisateur et destructeur des solidarités sociales (mais aussi le pouvoir "céleste" des périodes antiques) : il est judicieusement illustré, dans une version de l'Adhyatma Ramayana, par VIRADHA, le démon mangeur d'hommes.
Celui - ci est un géant, tenant dans une de ses mains un buffle d'eau domestique décapité, dans l'autre un trident avec une brochette de 6 têtes humaines, et munies de défenses acérées, chacune supportant un grand animal sauvage embroché, l'une un éléphant, l'autre un tigre.
Le "mangeur d'hommes" (et c'est parfaitement logique pour ces populations) est, de fait, un destructeur universel.
Ses porte - voix, chez nous, sont messieurs de Planhol, Gérondeaux, Allègre, parmi beaucoup, beaucoup d'autres. Ces gens ne doivent en aucun cas être haïs.
C'est simplement leur idéologie mortifère qui doit, elle, être vaincue.

Hayao Miyazaki, le merveilleux réalisateur de "Princesse Mononoke" (1997) fait dire au narrateur, au début du dessin animé :
"La forêt fut  alors défendue par des animaux immenses, comme il en existait à l'aube des temps"... Et plus tard : "Nous sommes revenus du pays des morts pour sauver la Forêt (la sylve originelle)".

Aujourd'hui, nous prenons un chemin symétrique, pour aboutir au même résultat.
Nous allons bâtir la pyramide d'abord, puis l'activer ensute, comme le faisaient les anciens égyptiens, et à l'inverse de ce que faisaient les anciens méso - américains.
A la différence des deux, nous allons construire avec des végétaux, et activer le tout avec des animaux ; ainsi,
"l'animal sacré sera protégé par des végétaux immenses, tels qu'ils existaient à l'aube des temps".

Mais pour celà, nous devons impérativement
désactiver symbôliquement
le VERADHA qui est au coeur de nos sociétés modernes.
Nous allons nous y employer.
Sans haine.
Avec lucidité. Et détermination.

Lueur? Signe des temps?
Le cerf de Boukhara était, avec le sanglier, la proie favorite du tigre des roselières.
Le dernier cerf du Syr Daria fut abattu en 1962.
Quarante sept ans après, le 26 Mai 2009, le WWF Russie a relâché 10 individus dans la tugaï, au Turkmenistan.
La maison se reconstruit.





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30 juin 2009 2 30 /06 /juin /2009 05:05
MORT D'UN HOMME DESESPERE
Il y aurait eu un demi - siècle l'an dernier, le naturaliste Nicolas Baïkov mourait  à l'âge de 86 ans en Australie, où il s'était retiré 2 ans plus tôt, en 1956. Peu connu du grand public, c'est pourtant lui qui a introduit le tigre russe dans l'imaginaire européen moderne. Ethnographe et officier de l'armée impériale, il explora la Mandchourie orientale entre 1902 et 1916, et participa à la première guerre mondiale en Europe.
Puis, depuis son lieu d'exil, Harbin, où il s'était installé en 1922, il publia de nombreux ouvrages sur ses voyages et découvertes, dans lesquels le sentiment de liberté, de force et de grandeur exprimée par la Nature et ses habitants dans les régions qu'il explora est déterminant (la forêt y est appelée "Chou - Hai" qui signifie "l'Océan sylvestre").
Ses ouvrages les plus célèbres, après une première publication en France en 1938, ont été réédités chez Payot à l'initiative de Michel Jan en 2002 et 2004.
Dans le cadre de sa mission au sein d'une unité de protection du chemin de fer extrême oriental, Baïkov a chassé et tué de nombreux tigres. Mais ces animaux le fascinaient par ailleurs, et il donna la parole à l'un d'entre eux dont il fit le personnage principal de sa nouvelle "Le Grand Van".
Dans cette histoire, l'auteur y exprime la nostalgie d'un monde détruit ou en voie de l'être, et où transparaît le remords d'un agent de cette destruction.

COMPREHENSION DE LA SACRALITE DE L'ANIMAL
Baïkov montre aussi ce que fut la dimension réelle du drame écologique et social qui s'est joué en Mandchourie entre 1880 et 1930 : les bouleversements provoqués par l'avancée du chemin de fer modifièrent le comportement des grands animaux : attitude résolument offensive et augmentation considérable des conflits directs et sanglants à l'encontre des envahisseurs, fuite dans des zones refuge en Corée.
Dans cette pénisule, la densité de ces animaux devint très importante. Le contraste entre la dévastation écologique de la Mandchourie et la grande richesse faunistique de la Corée est souligné aussi bien par des voyageurs occidentaux en extrême - orient que par le célèbre guide autochtone Dersou Ouzala.
Les "nuits des fauves" décrites par Baïkov en Mandchourie, pendant lesquelles les tigres pouvaient parfois entrer dans les maisons et dévorer leurs habitants s'intensifièrent alors considérablement dans la péninsule coréenne.
De nombreux voyageurs témoignent de la présence à la fois régulière et ostentatoire de tigres et de léopards à Seoul. Ces animaux n'éprouvaient pas la moindre crainte de l'homme.

L'ethnologue Baïkov rend également compte des croyances des populations locales concernant le tigre, et de leur attitude à son égard.
Cette "culture du Tigre" concerne la Mandchourie russe et chinoise, et, plus encore, la Corée.
Fondamentalement, l'animal est perçu comme l'incarnation de l'Esprit de la Montagne.
Les indigènes de la taïga érigent en l'honneur du fauve de petits temples, avec des inscriptions pour implorer sa grâce et son indulgence, des images du tigre sur du papier fin, des cierges aromatiques...
De véritables sacrifices humains sont offerts à l'animal (la victime, un voleur par exemple, est ennivrée, attachée à un arbre à un point de passage régulier du grand félin, puis dévorée vivante).
L'âme d'un grand homme vient un jour habiter le corps du Grand Van, puis, à la mort de ce dernier au sommet d'un mont sacré, passe dans une fleur de lotus.
En Corée, les voyageurs ont souvent décrit avec admiration ces "montagnes de diamant" où "le tigre règne en maître", "les grands tigres à fourrure, l'honneur de la faune coréenne".
Dans "le Grand Van", le dépositaire de cette culture est un trappeur chinois, Toun - Lin.
De plus en plus inquiet devant les bouleversements imposés par la modernité déferlante, le vieil homme constate la mort, inexpliquée, du  grand serpent qui vivait depuis toujours dans sa cabane, à ses côtés.
Dans un pays bouleversé, recru de chagrin, il décide alors de s'offrir en sacrifice au Grand Van, remède radical face à l'ampleur du mal.
Mais l'animal, qui s'était déchaîné contre les chasseurs russes depuis des mois, a finalement été abattu avant l'arrivée du vieil homme sur les lieux. Celui - ci lui consacre alors une veillée funèbre, pendant laquelle il le supplie de revenir à la Vie...
Comme toute divinité, l'animal sacré "entre en dormition" : "Son corps se serait pétrifié, formant un tout avec la saillie d'un rocher de granit et dominant les ondes figées de toutes ces crêtes montagneuses".
Cette description évoque irrésistiblement un mont situé beaucoup plus à l'Ouest, près du village d'Ivolga, en Bouriatie. Celui - ci ressemble à la gueule ouverte d'un tigre. Il était autrefois un haut lieu de rites et de sacrifices chamaniques (des centaines d'animaux étaient parfois offerts à l'Esprit de la Montagne). Centre officiel du bouddhisme en Russie, le temple d'Ivolguinsky Datsan a été bâti en 1946 dans ses environs immédiats. D'imposantes statues colorées de "tigres gardiens" trônent à l'entrée de la pagode.

La vie et l'oeuvre de Nicolas Baïkov comme celle de Vlasimir Arseniev, auteur de Dersou Ouzala, résument de fait les malheurs et les déchirures des premières décennies du XXème siècle en Russie, où l'apocalypse écologique alla de pair (et il en est toujours ainsi) avec l'apocalypse politique et sociale.

Comme nous l'avons montré et décrit à maintes reprises sur ce blog, les conséquences dramatiques sur la Nature de l'arrivée de la "Civilisation" via la réalisation d'une ligne de chemin de fer transcontinentale ne concerna pas que la Sibérie, mais aussi l'Asie centrale, où les conséquences furent plus funestes encore, puisque la forêt alluviale fut détruite, contrairement à la taîga, et où les tigres ne purent survivre.

RECONSTRUIRE L'AVENIR
Nous savons aujourd'hui que tigre d'Asie centrale et tigre de Sibérie constituent une seule lignée génétique, dont le second ne représentait d'ailleurs, jusqu'au siècle dernier, qu'une fraction minoritaire, et dont la distribution s'étendit à plusieurs reprises jusqu'à l'Europe orientale au cours de la période historique.
Une politique résolue créant les conditions d'un redéploiement de la distribution de ces animaux contribuera de façon déterminante à réouvrir un avenir stable et solide pour les grands félins comme pour les communautés humaines vivant dans leur immédiate proximité (et bien plus encore, comme nous l'indiquons dans l'autre page publiée ce jour).
Elle sera, aussi, un hommage rendu à Nicolas Apollonovitch Baïkov, naturaliste européen qui a su ouvrir les yeux, mort désespéré à des milliers de kilomètres de son pays, que le siècle a broyé.
Sans doute lui devons nous celà. Et nous allons faire ce qu'il faut pour que N. Baïkov, comme Toun - Lin, comme le Grand Van, n'aient pas lutté ni souffert en vain.
Citons, en conclusion, les derniers mots de la Nouvelle:
"Mais il viendra un temps où le Grand Van se réveillera et fera retentir, à travers monts et forêts, sa voix puissante que vont répéter des échos sans fin. Le ciel et le terre en frémiront et commencera à éclore, en beauté imcomparable, la fleur sacrée du lotus".


A LIRE:
Arseniev (V). 2007. Dersou Ouzala. Petite Bibliothèque Payot.
Baïkov (N). 1938. Le Grand Van. La vie d'un tigre de Mandchourie. Payot.
Baïkov (N). 1938. Mes chasses dans la taïga de Mandchourie. Payot.
Baïkov (N). 2002. des tigres et des hommes. Payot.
Baïkov (N). 2004. Dans les collines de Mandchourie. Payot.
Berg (L). 1941. Les régions naturelles de l'URSS. Payot.
Colossimo (J.F). 2008. L'apocalypse russe. Fayard.
Heptner (V.G), & Sludskii (A.A). 1992. Mammals of the Soviet Union. Vol. II, part 2. Carnivora (hyaenas and cats). Brill eds.
Madec (L) et St Guilhern (C.E). 2006. Voyageurs au pays du matin calme. Omnibus eds.
Sennepin (A). 2008a. Un tigre européen oublié. Lettre de la SECAS 52, Janvier, 20 - 22.
Sennepin (A). 2008b. Etats - Unis, Europe, Russie et leurs grands félins captifs : la croisée des chemins. Lettre de la SECAS 55, octobre, 16 - 17.
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30 mai 2009 6 30 /05 /mai /2009 05:05

UN LEVAIN POUR L'OPINION PUBLIQUE
En janvier dernier, dans l'Altaï russe, s"écrasait un hélicoptère affrété par de hauts fonctionnaires qui s'étaient organisé une partie de chasse. Sur le lieu de l'accident, les sauveteurs retrouvèrent les cadavres de bouquetins au milieu des chasseurs morts ou blessés, animaux figurant dans le Livre Rouge des espèces menacées. Le parquet se contenta d'ouvrir une enquête sur les causes de l'accident. Il fut cependant impossible d'étouffer l'affaire. Manifestations, meetings, réunions et publications, tout d'abord dans le Haut Altaï, puis à Moscou, se succédèrent. L'un des acteurs de cette tragique partie de chasse, vice - premier ministre de la République de l'Altaï, fut contraint de démissionner. Cependant, il n'était toujours pas question d'une mise en accusation pour braconnage, et la presse de l'Altaï, contrôlée par les autorités locales, répliquait aux manifestations par des articles infamants contre leurs organisateurs, écologistes et personnalités publiques, qu'ils s'obstinaient à présenter comme voulant fomenter une "révolution orange" régionale, les associant aux mouvements politiques de l'opposition libérale. Celà n'aboutit à rien. En effet, ce lien n'existait pas. Et, au contraire, la plupart des gens révoltés par ce massacre d'animaux protégés n'éprouvait aucune sympathie pour les libéraux. Les protestations n'ont pas cessé, et elles ont finalement abouti. Le 4 Mai, le service fédéral de protection de la nature a demandé au parquet d'ouvrir une enquête. Celui - ci a immédiatement donné son accord et le soir même, les journaux annonçaient la nouvelle. Tiré d'un article de Boris Kagarlitski, dans VZGLIAD, Moscou. Extraits en langue française dans "Courrier International" 968 (20 / 27 mai 2009), page 22.
Lire aussi le roman de Tchingiz Aïtmatov. Le léopard des neiges. 2008. Editions Le temps des cerises, où se trouvent inextricablement liés les destins de 3 personnages, deux êtres humains  fous d'amour l'un pour l'autre et un grand félin sauvage.

UNE CONQUETE DE LA DIGNITE
Varlam Chalamov, dans ses "récits de la Kolyma", témoignage de ses années de captivité dans le pire camp de concentration de la période stalinienne, montre, dans une histoire aussi courte que bouleversante, comment des détenus trouvent la force de se révolter contre un chef de groupe oérationnel  et de provoquer la mort de celui - ci, à travers l'exemple d'une chienne "souriante" au comportement exemplaire sur tous les plans.
Varlam Chalamov. L'homme transi. Kolyma III. 1982. Editions François Maspéro. Collection Actes et mémoires du peuple. "La chienne Tamara" pages 32 - 38.

Au Japon, la consommation de viande de baleine a commencé à se répandre à partir de 1900, après l'introduction de la méthode de chasse norvégienne consistant à tirer des harpons avec un canon. Mais ce système ne faisait pas l'unanimité. En 1911, à Hachinohe, dans le Nord, où les cétacés étaient vénérés comme des dieux, près d'un millier de pêcheurs se sont révoltés contre une compagnie baleinière, un incident qui a fait plusieurs morts et de nombreux blessés. des mouvements de protestation ont également  observés dans d'autres lieux. Article de Yasukazu Akada et Seiichiro Utano dans Asahi Shimbun. Traduction en langue française publiée par "Courrier International  912 (24 / 29 Avril 2008), page 24.

LA SEPARATION : UNE CATASTROPHE HUMANITAIRE
Les exemples qui précèdent illustrent à quel point l'animal est indispensable à des hommes qui aspirent à rester vraiment humains. Or, la mise en place des grandes organisations politico - religieuses axées sur un durcissement vertigineux de la sédentarisation, lors de la période proto - historique, bien loin de marquer la "Victoire de l'Homme sur la Nature" a combiné, de fait, l'anéantissement de celle là et l'asservissement de celui - ci.
Claude Lévy Strauss a pu ainsi écrire, à bon droit: "Quand l'homme occidental a séparé radicalement l'Humanité de l'Animalité, il a fait entrer le Monde dans un cycle maudit".
Nous savons aujourd'hui, de plus, que le développement de l'agriculture et des cités a été synonyme de maladies et de vie plus courte. Des archéologues ont constaté un déclin général de la santé de l'homme sur tout le continent européen et autour du bassin méditerranéen au cours des trois mille dernières années. Alors que les civilisations grecque et romaine étaient en pleine expansion, il y eut diminution de la taille des individus et une augmentation de la lèpre et de la tuberculose (ainsi que des caries dentaires) . Au Moyen - Âge, la situation s'était encore dégradée (rachitisme, scorbut, infections osseuses), et la baisse de la taille s'était poursuivie par rapport à l'Antiquité. Article de Ann Gibbons dans Science. Extraits en version française publiés dans "Courrier International 969 (28 mai / 3 Juin 2009), page 56.

RETABLIR UN CERCLE VERTUEUX
Il est plus que temps de briser le "cycle maudit" décrit par Levy - Strauss, et d'entrer dans un nouveau cercle, vertueux, enchanté et rédempteur, où Dionysos l'emporte sur Prométhée, et Orphée sur Héraklès.
Lire : Maria Daraki. Dionysos et la Déesse Terre. 1994. Champs Flammarion.
Jean - Claude Génot. La Nature malade de la gestion. 2008. Sang de la terre.
François Flahaut. Le crépuscule de Prométhée. 2008. Mille et une Nuits.
Comme le chevalier transsylvain Dragos à la poursuite de l'aurochs qui l'emmena jusqu'en Moldavie où il fonda son Royaume en 1361, je recherche le tigre d'Europe depuis maintenant deux ans.
Je sais aujourd'hui que les forêts européennes post glaciaires étaient plus accueillantes pour des tigres que pour des lions, que la reconstruction de l'ensemble de la mosaïque écologique est un préalable indispensable  au retour de tels animaux qui ne résisteraient pas à la compétition des loups dans tout autre cas de figure.
Je sais (grâce à Vladimir Heptner) qui était la "bête féroce" qui attaqua le prince de Kiev Vladimir Monomaque pendant l'une de ses chasses entre Turov et Chernigov vers la fin du XIème siècle, et bien sûr, qui furent les "bêtes inconnues de l'Irtych" observées dans les années 1850, dont les populations de Sibérie occidentale ignoraient même le nom.
Mais il existe un lien plus fort à recréer  entre une Humanité libérée et une Nature ressuscitée, la résurrection de l'une et la libération de l'autre se renforçant réciproquement.

"Il avançait à travers l'Alba, soucieux, assombri...Il s'arrêta ensuite, quand il constata son incertitude et son embarras. Comme il était là, il aperçut une bête terrible, énorme, pareille à un lion, qui venait dans sa direction. Elle le contempla mais ne lui fit aucun mal. Prenait-il un chemin, la bête filait devant lui et lui offrait son flanc. Il s'élança, finalememt, et se retrouva sur son cou. Il ne chercha pas à la guider mais suivit la direction qu'il lui plut d'emprunter. Ils cheminèrent quatre jours de cette façon, jusqu'à ce qu'ils découvrent une contrée habitée... Cûchulainn alors sauta à terre et la bête s'éloigna tandis qu'il la bénissait..."
Epopée de Cûchulainn, héros irlandais, dans Alain Deniel "Le chien du forgeron" 1991, éditions Jean Picollec.
Lire aussi: Laurent Gaudé. Le tigre bleu de l'Euphrate. 2002. Editions Actes Sud.

Et voici le témoignage du Professeur Pedro Joao Galhano - Alves, auteur de la thèse "Vivre en biodiversité totale" (publiée en 2000), et qui travailla sur les relations entre communautés humaines et grands prédateurs sauvages: loups au Portugal, tigres en Inde, et, plus récemment, lions au Niger.
Concernant son expérience dans la vallée de Sariska, au Rajasthan, entre 1994 et 1997,il m'envoya cette communication personnelle le 7 Avril 2008 :
"Les tigres ont différentes cultures... Ceux qui habitaient Sariska nous connaissaient bien, et saluaient lorsque les bergers passaient (ils disaient Ghroufff)".



 
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  • : Le retour du tigre en Europe: le blog d'Alain Sennepin
  • : Les tigres et autres grands félins sauvages ont vécu en Europe pendant la période historique.Leur retour prochain est une nécessité politique et civilisationnelle.
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