Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 août 2017 1 14 /08 /août /2017 05:09

UN GRAND POISSON COURAGEUX, LUMIERE INCANDESCENTE DANS LES MERS TENEBREUSES. Tourner la page de la guerre pluriséculaire du Pacifique.

La voie des dieux. Jean Herbert : « Le shinto est le culte de la nature, le respect de celle – ci et l'admiration de sa beauté sont la foi des japonais. »

http://pocombelles.over-blog.com/2017/08/la-voie-des-dieux.html

Aujourd'hui, commence dans le village japonais de Taiji (Sud Est du pays, région du Kansaï), le festival d'été de la baleine : Taiji Isana* (Isana est un terme japonais très ancien pour désigner la baleine, et qui signifie littéralement "grand poisson" ou "poisson courageux"). C'est d'ailleurs en s'inspirant de cette dénomination que lors du Whaling History Symposium de New Bedford (été 2014), Hayato Sakuraï  présenta le Japon de la première moitié du XIXème siècle comme "The Great Forbidden Fish" aux yeux des américains...

http://www.simetani.com/event08.htm

Ce village se veut le gardien d'une culture traditionnelle de chasse au globicéphale et au dauphin, menacée de toutes parts. Expression d'un syndrome obsidional, il s'associe avec celui de Klaksvik (îles Feroe danoises), célèbre pour son "Grindadrap" tout aussi controversé...

http://www.japantimes.co.jp/news/2017/08/10/national/whale-drive-hunting-towns-taiji-klaksvik-faroe-islands-forge-sister-city-ties/#.WY1wOFVJbIU

De fait, les activités baleinières actuelles dans cette localité n'ont plus rien à voir avec ce qu'elles furent entre 1606 et 1878. Elles relèvent clairement du sacrilège, les plus anciennes se rapportant au sacrifice. Ce qui ne manque pas de susciter de nombreuses réactions d'opposition, sur la base de l'effroi et de l'écoeurement.

 Ceci étant, il ne s'agit pas ici de condamner mais d'essayer de comprendre et de trouver les chemins de guérison de l'âme collective d'une communauté.

* Le festival annuel d'automne "taiji kujira matsuri" se tient pour sa part le premier dimanche du mois de Novembre (soit le 5 Novembre cette année). 

Voir aussi, un festival comparable, le même jour, à Yokkaichi. Asahi Shimbun, ce jour. Shoichi Otsu. 

http://www.asahi.com/ajw/articles/AJ201708150034.html

REALITES ACTUELLES. La pêche côtière à Taiji permet chaque année la mise à mort de milliers, voire de dizaines de milliers de petits cétacés. Un dauphin mort rapporte 6000 dollars, et un dauphin capturé vivant en vaut 150 000... La viande des animaux tués est toxique, avec des taux particulièrement élevés en mercure et un dérivé de celui - ci. Pour la première fois, le 1er août dernier, les autorités de Taiji en ont officiellement convenu et appelé à ne pas consommer cette viande.

http://www.japantimes.co.jp/life/2007/08/01/environment/taiji-officials-dolphin-meat-toxic-waste/#.WZCixlVJbIU

En parallèle, l'industrie baleinière japonaise, qui intervient aussi bien dans l'océan austral que sur ses propres côtes, s'autorise une chasse"à objectif scientifique" de plusieurs centaines de rorquals de Minke chaque année, l'essentiel des victimes étant des femelles enceintes (les Norvégiens et islandais, au reste, agissent de même). Le navire le plus célèbre de cette flotte est le Nisshin Maru.

Taiji érige à nouveau des monuments en l'honneur des cétacés, comme le faisait le Japon ancien dans son ensemble ("La résurrection des lucioles géantes", mis en ligne le 21 juin 2017).

http://www.japantimes.co.jp/news/2017/04/29/national/taiji-holds-annual-memorial-service-whales/#.WY1vkFVJbIU

REALITES ANCIENNES. 

Il y a des millénaires, la baleine constituait une source de nourriture essentielle pour les populations des Philippines, du Japon, de Corée, de Tai Wan, du Hainan (et probablement du Nord est du Vietnam). Et tout au long de la période historique, les habitants de l'archipel nippon ont consommé les cétacés à des degrés divers, leur viande n'a jamais été taboue, y compris dans les prescriptions bouddhistes les plus rigoureuses, alors que celle de très nombreux animaux l'était.

http://luna.pos.to/whale/jwa_trad.html

C'est à la période EDO (à partir du XVIIème siècle) que la consommation se démocratise considérablement, et que la chasse prend un nouvel essor, avec de nouvelles techniques, notamment à Taiji qui fut la matrice et le laboratoire de cette révolution baleinière. Dans le même mouvement, sont rédigés de véritables traités de baleinologie (celui de Matazaemon Masutomi "Isana Toriekotoba" constitue un véritable dictionnaire concernant les baleines elles mêmes, leur chasse, leur préparation...). Et les monuments mortuaires en hommage aux victimes poussent comme des champignons sur l'archipel. 

http://www.greenshinto.com/wp/2013/04/10/whaling/

Voici ce que dit Franz von Siebold ("Le Steller du Japon indépendant" mis en ligne le 28 juin 2017) à propos du rapport des japonais à la viande de baleine : 

"...the right whale's meat is very delicious and it is a major part of the diet. Whalers sell whales to fish wholesalers. People eat the whale's meat, blubber and internal organs and take oil from the inedible parts. All over Japan, people eat whale meat. The taste of the right whale is similar to the bull or the buffalo, and is hard a little. Although they eat both row and salted whale meat, salted meat tastes better. Salted blubber is eaten sliced. Fins can be eaten. The salted blubber can be used as a medicine for chronic diarrhea, and it is effective for stomach ailments and general stomach health. Powdered fin relieves constipation and oil is a medicine for scabies..." He clearly recorded that whale could be used not only as a source of food but also for medicine. I would say good bye after having whale soup." This is one of 'Edo-senryu' (humorous verse of the Edo period) explaining the lives of the Edo people. On New Year's Eve, it was the custom for apprentices to clean their master's houses thoroughly. After they had finished their work, they were offered whale skin soup. They would not go home before they had this soup. It seems that whale skin soup was really delicious and loved by all in Edo."

 

 

LA GUERRE DU PACIFIQUE. L'exploitation massive des immenses bancs de cachalots au large du Japon par les baleiniers américains à partir de 1820 va conduire le Japon, en quelques décennies, à la privation de la principale source de subsistance de ses habitants, la  perte de son indépendance, la destruction de son système social, et la mise à mal de sa culture ("Une révolution bleue", mis en ligne le 13 février 2017).

http://luna.pos.to/whale/jwa_taiji.html

By 1822, thirty ships were whaling off Japan. By 1846, together with Russian, British, Dutch and French ships, as well as the big American whaling fleet, there were seven hundred or more vessels hunting off Japan, killing right whales, humpback whales, grey whales and sperm whales in great numbers. However, unlike the shore-based Japanese, the foreign ships had no use for meat or bones, and certainly not for entrails. They killed for oil, baleen, and what little ivory came from the sperm whales. To the Japanese, the wastage of those years is a horror story.

En octobre 1842, le grand cachalot blanc Mocha Dick met en déroute une armada internationale au large du Japon. Cet évènement constitue l'axe véritable du roman d'Herman Melville "MOBY DICK" ("La résurrection des lucioles géantes" mis en ligne le 21 juin 2017).

Le 24 décembre 1878, Taiji connaît la plus grande catastrophe humaine de l'histoire mondiale de la chasse à la baleine ("Guerre et Paix" mis en ligne le 26 juillet 2015). En proie à la disette, et après de douloureuses controverses, les pêcheurs choisissent d'enfreindre le tabou absolu en se lançant à la poursuite d'une femelle accompagnée de son petit. Celle - ci les entraîne au large, alors qu'une tempête se déclenche. Il y aura entre 110 et 130 morts. Le village se videra et ne s'en remettra jamais.

As the year of 1878 dragged into winter the beach-master or 'ami-moto' was getting desperate. At that time there were two hereditary leaders in Taiji. One was Taiji Kakuemon, who ran the business operations, and the other was his relative, Wada Kinemon, the advisory head. On December 24, 1878, after a bleak, poverty-ridden period of poor catches, a big female right whale and her calf were spotted by the lookouts. The triple black and white pennant was raised and the whalers momentarily relaxed, for the whalers knew that a female and her calf were not to be hunted. It was late afternoon, and for a successful hunt, a whale would have to be killed and secured before nightfall. 

At the beach in front of the shrine of Asuka, the two leaders argued. Kakuemon insisted that the village needed a whale, and needed one before the New Year. Kinemon said no, it was not their custom to hunt a female with calf, and that it drew late, that bad things would befall them if they broke this rule.

Nevertheless, Kakuemon gave the order to hunt, and as the red signals went up and the conches blew from the lookouts, the surprised whalers jumped to their long sculling oars and the gaudy, sleek boats darted forward. The whale was enmeshed and harpooned, but she fought with great fury, and dragged the boats out to sea. Cold winds were blowing from the shore and the men became cold and exhausted. It got dark. By morning the fleet was scattered, and no matter how hard the men in the boats attempting to tow the whale struggled at their oars, the winds, current, cold and the sheer size of the whale was too much for them. Finally, in tears, they cut the whale loose. The storm grew worse.

Within a few days, the cream of the Taiji whalers, and the best of their boats, had been swept far out to sea and had died from exposure or drowning. Some drifted as far as the seven islands of Izu. Estimates of the death roll vary from 111 to 130 men killed. Only a handful survived.

Taiji Kakuemon, in his grief, gave his entire family estate to the bereaved families, and eventually left Taiji for good. The village was plunged into an awful depression, and many young men left for foreign shores, for Hawaii, California, Canada, Mexico. Many of the dances, skills and sea lore of the whalers died with those men who chased the taboo female...

 

LA GUERRE DU PACIFIQUE EST TOUJOURS A L'ORDRE DU JOUR. La tension actuelle entre Etats - Unis et Corée du Nord n'est ni plus ni moins qu'une conséquence directe de la perturbation des équilibres du Pacifique du Nord - Ouest provoquée par les baleiniers américains à partir d'avril 1820, à l'origine d'une grave maladie civilisationnelle dans l'archipel nippon, la guerre du Pacifique entre communautés humaines (1931 - 1953) puis l'extermination des cachalots par les Japonais (1946 - 1979) ("Guerre et Paix", 26 juillet 2015, "Une révolution bleue", 13 février 2017). Certaines cibles officiellement visées par la Corée du Nord, sont particulièrement emblématiques. La base aérienne américaine d'Okinawa est la plus importante au Monde en dehors du territoire américain. L'armée US occupe près du quart du territoire okinawais, au grand dam de ses habitants. L'île de Guam a constitué la base logistique de départ des bombardiers qui ont détruit les villes d'Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945... 

Qui plus est, un conflit américano - coréen mettrait directement en cause le foyer - souche des tigres de l'Amour ("L'Amour est éternel" mis en ligne le 17 février 2017).

EN FINIR AVEC LA GUERRE DE 200 ANS. Aux Etats - Unis, beaucoup s'opposent frontalement aux activités baleinières actuelles des japonais ("Incantations et jérémiades", mis en ligne le 18 mai 2017). Et il est certain que celles ci reposent sur des bases profondément malsaines et pathologiques. Mais les Japonais ne seront en position de le conscientiser véritablement puis de le reconnaître explicitement que si, au préalable, les américains adressent des excuses officielles au peuple japonais pour leurs activités agressives déclenchées le 5 avril 1820, et revisitent en coopération avec ceux - ci l'ensemble des évènements significatifs survenus depuis lors, en y incluant, au premier chef, le rôle des cachalots. L'erreur communément admise (par de nombreux japonais, notamment) selon laquelle Herman Melville place la scène finale de MOBY DICK au large du Japon (elle se situe en réalité près des îles Gilbert, plus à l'Est) est significative à cet égard. 

 

Peut être, un jour, Taiji érigera un nouveau monument commémoratif, dans un esprit différent des précédents. Il rendra hommage à un héros protecteur, héritier du Vent Divin du XIIIème siècle ("Une révolution bleue" mis en ligne le 13 février 2017) et des baleines blanches jumelles  ("Une arche, un sillage" mis en ligne le 2 avril 2017) et qui aurait pu être un personnage d'Hayao Miyazaki. 

MOCHA DICK. LE GRAND POISSON COURAGEUX. ISANA.

 

Voir aussi le formidable hommage artistique rendu à Isana, sur

http://twinavi.jp/topics/culture/56b5edda-adbc-459f-bc17-675d5546ec81

Le titre de la composition est SAMSARA, expression bouddhiste du "Cycle de l'Existence". Six cachalots nagent dans un cercle. Ils symbolisent les six étapes du cycle. Dans chacun des cachalots, sont encapsulés des objets ou phénomènes variés, comme un navire, un volcan sous - marin, une mer de nuages...

 

Voir les détails des sculptures sur :

http://isanayamadasamsara.strikingly.com/

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le retour du tigre en Europe: le blog d'Alain Sennepin
  • : Les tigres et autres grands félins sauvages ont vécu en Europe pendant la période historique.Leur retour prochain est une nécessité politique et civilisationnelle.
  • Contact

Recherche

Liens