LE CORRIDOR HIMALAYEN D'ALAN RABINOWITZ
En Asie du Sud, le projet de sauvegarde du tigre le plus convaincant à ce jour est celui organisé depuis l'an dernier à l'initiative d'Alan Rabinowitz et son équipe pour établir un couloir continu le long de l'arc Teraï (immense région himalayenne indienne avec, au centre, le Népal et le Bhoutan). Des tigres avaient été découverts à très haute altitude dans l'himalaya bhoutanais, celui - ci bénéficiant encore d'un couvert végétal digne de ce nom. Les autorités de ce pays ont fait le meilleur accueil au projet de corridor. Le Bhoutan pourrait donc devenir, comme le conçoit Rabinowitz, un sanctuaire naturel pour les tigres himalayens : ceux ci pourraient trouver là un lieu privilégié de reproduction, avant de se (re)disperser dans d'autres zones.
Alan Rabinowitz ne s'était pas rendu au sommet du tigre de St Petersbourg en Novembre dernier, regrettant une trop grande discrétion officielle sur des projets originaux à vaste échelle comme le sien, seuls susceptibles d'assurer la survie des grands fauves sur le long terme.
Il agit avec une grande détermination, convaincu que "les tigres peuvent être sauvés, et on va les sauver".
Les réalités écologiques et humaines du royaume bhoutanais constituent assurément une formidable opportunité de ce point de vue, qu'il semble percevoir même comme une chance inespérée, l'occasion ultime.
Le naturaliste américain n'imagine pas de possibilité de redéploiement viable en dehors de l'espace sud asiatique, victime en celà d'une approche dominante en Occident, l'indocentration.
Pourtant, la réalité et les perspectives du tigre aujourd'hui s'établissent à partir d'un constat différent, comme je l'ai montré à de nombreuses reprises sur ce blog. On peut rappeler, de façon extrêmement résumée, les réalités suivantes :
INDE ET RUSSIE : EVOLUTIONS CROISEES
TERRITOIRE ET DEMOGRAPHIE : la Russie est un pays gigantesque, relativement sous peuplé, et dont la démographie continuera à baisser au cours des décennies à venir. Qui plus est, la politique officielle d'organisation du territoire tend, pour le présent et l'avenir, à regrouper la population dans les villes . De vastes zones se vident de leurs habitants.
L'Inde est surpeuplée, et le sera de plus en plus.
EVOLUTIONS ANTHROPOLOGIQUES : il y a quelques décennies, la plupart des russes des régions européennes étaient indifférents au fait que leur territoire national hébergeait des grands fauves (tigre, léopard, panthère des neiges). Un grand nombre d'entre eux l'ignorait purement et simplement. Aujourd'hui, ils sont fiers de cette réalité, et sont très sensibles au bien être actuel comme à la sauvegarde future de ces animaux.
En Inde, depuis l'expulsion des populations de certaines zones à tigre lors de la mise en place du "Tiger Project" d'Indira Gandhi, une partie de plus en plus importante du peuple indien considère cet animal comme un symbôle de l'oppression du pouvoir. Tigres et léopards sont détestés, et tués dés que l'occasion se présente. Leur "protection" n'est effective nulle part.
La sauvegarde de la Vie Sauvage et le respect des cultures des peuples sibériens sont désormais présentés en Russie comme des aspects fondamentaux de l'identité nationale.
En Inde, l'Etat fédéral cherche à détruire de nombreuses communautés forestières. Il a recruté des forces paramilitaires pour celà. C'est "le Green Hunt", engagé depuis 2009.
En 2011, la "plus grande démocratie du Monde" a plutôt moins de respect pour ses citoyens que "l'oligarchie bureaucratique" russe. Le niveau de violence sociale en Inde est supérieur à celui de la Russie.
La réintroduction du tigre au Kazakstan est la première étape d'un processus concernant d'autres régions d'Asie centrale et de Russie méridionale.
L'avenir du tigre est dans les steppes arborées d'Eurasie centrale.
Il l'est, aussi, au Bhoutan, mais pas seulement.
