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31 août 2018 5 31 /08 /août /2018 07:00

L'Université fédérale du Nord-Est (à Yakutsk) va déposer un projet de restauration, par clonage, du mammouth laineux, du rhinocéros laineux, du lion des cavernes et d'une espèce de cheval préhistorique, pour une somme de 5,9 millions de dollars, qui prévoit notamment la mise en place de laboratoires immergés dans le permafrost.Ce projet sera officiellement discuté lors du 4ème forum économique de l'extrême - orient, qui se tiendra du 11 au 13 septembre prochain à Vladivostok.  Voir le détail dans "The Siberian Times", hier.

https://siberiantimes.com/science/others/news/investment-sought-for-59-million-cloning-centre-to-bring-back-mammoths-and-other-extinct-species/

POULAINS ET CHATONS. comme nous en avons rendu compte régulièrement au cours des dernières années sur ce blog, l'Université, en plus des nombreux restes bien conservés de mammouth à fourrure, est également en possession de deux poulains (un jeune cheval mort il y a 44000 ans et le jeune rhinocéros "Sacha" mort il y a 34000 ans) et deux chatons (deux lionceaux des cavernes de la même portée).

Le 27 février 2016, j'écrivais le paragraphe suivant (dans "Un rocher sur la lande").

LE PARADOXE YAKOUTE. L'épopée yakoute Olonkho évoque un « taureau de l'hiver » énorme, doté d'une gigantesque corne frontale, et d'une fourrure bleutée. Ce peuple est originaire de la région du Baïkal (Zhegallo et collaborateurs 2005), de culture mongole, dans laquelle la couleur bleue a une grande importance. Région la plus continentale de la planète, elle connaît un régime atmosphérique particulier, où les jours de ciel d'azur dans l'année sont les plus nombreux au monde. Par ailleurs, le bleu et le blanc sont perçus comme symboliquement homologues (la horde gengiskhanide basée dans le sud du Kazakhstan actuel était indifféremment qualifiée de « bleue » ou « blanche »). Les vicissitudes de l'Histoire ont poussé ce peuple à migrer dans une région beaucoup plus septentrionale, aux conditions de vie beaucoup plus dures mais qui les mettait à l'abri de leurs ennemis. Ils y ont vraisemblablement importé leur mythologie originelle (Zhegallo et collaborateurs 2005). Gavril Ksenofontof, au XIXème siècle, collecta en Yakoutie de nombreuses légendes sur des taureaux unicornes, à la fourrure de couleurs variées. Et en 1866, Vasily Radlov recueillit la légende d'un « immense taureau noir » tué à la lance, qui possédait une corne unique si grande qu'elle devait être transportée sur un traîneau.En1878, A.F. Brandt suggéra qu'il s'agissait d'un Elasmotherium (Kurten 1971, Zhegallo et collaborateurs 2005). Or, si cette hypothèse est compatible avec l'espace mongol, elle l'est beaucoup moins pour la Sibérie du Nord - Est, le grand rhinocéros unicorne ayant une distribution plus méridionale. Et pourtant, l'image de l'Elasmotherium dans la culture yakoute est, aujourd'hui encore, plus vivace que partout ailleurs dans le monde. Dans ce même espace, les cornes de Coelodonta antiquitatis, extrêmement abondantes, sont à la base, depuis des millénaires, de l'industrie traditionnelle locale (lances, arcs...). Au même titre que les défenses de mammouths laineux, le « stock » paraît inépuisable... De plus, la corne nasale de Coelodonta atteint parfois des proportions gigantesques, comparables à celle de l'immense corne frontale d'Elasmotherium. Il est donc plausible que des communautés yakoutes aient intégré ces cornes à leur mythologie originelle, en sus de leur économie factuelle. Et peut être même ont -ils été confrontés à l'animal lui - même. En effet, particulièrement répulsif pour Elasmotherium et tant d'autres espèces, le nord du territoire, et particulièrement le bassin de la rivière Yana, endroit le plus froid de l'Hémisphère Nord, a manifestement constitué un refuge pour C. antiquitatis, où ses restes sont les plus abondants (Shidlovskyi et collaborateurs 2011). Une pointe de lance de 90cm taillée dans sa corne a été découverte sur une île arctique, 380km plus au Nord (Siberian Times, 30 septembre 2014). Celle - ci servait probablement à combattre les rhinocéros eux mêmes (légende recueillie par V. Radlov déjà citée) et des félins géants (tigres ou lions des cavernes, Prynn 2004). On ne peut donc exclure que cet animal se soit maintenu jusqu'à une époque relativement récente dans ce sanctuaire où l'âge glaciaire a perduré jusqu'à nos jours. Dans ces conditions, pour des communautés où l'image d'Elasmotherium est importante, il est facile d'imaginer l'impression (et les conséquences culturelles de celle - ci) que peut produire l'apparition, dans le blizzard, d'un géant cornu recouvert de neige et accompagné du tintement des glaçons attachés à son pelage... Sans parler du cas individuel du rhinocéros à fourrure blanche (comme il y a des bisons blancs, objets d'un culte particulier en Amérique du Nord). Aujourd'hui, comme les russes vis - à - vis du tigre (Sennepin 2016) les yakoutes sont plus que jamais passionnés par leur patrimoine archéologique et paléontologique, et même l'espoir de voir revivre, un jour, celui - ci . Ces dernières années, d'impressionnantes découvertes d'animaux dans un état de préservation remarquable, ont eu un vaste écho : le mammouth laineux, dont on envisage désormais sérieusement la reconstruction génétique et la renaissance, à l'aide d'une mère porteuse éléphante d'Asie (Lambie 2015), mais aussi un très jeune rhinocéros laineux (Liesowska 2015), et deux lionceaux des cavernes (Koryakina 2015). Ceci coïncide avec la naissance de la Fondation Pleistocene Park. Solidement appuyée sur ses fondations anthropologiques, la culture yakoute se redéploie sous nos yeux.

Actualisation au 5 mai 2017. Voir aussi, sur LE PARADOXE YAKOUTE. Publié au printemps 2017 chez Odile Jacob. Crubézy (E), Nikolaeva (D). Vainqueurs ou vaincus? L'énigme de la Iakoutie. L'ouvrage établit le caractère historiquement insubmersible de la culture yakoute, et que toute société a le pouvoir d'écrire son avenir.

 

Zhegallo (V), Kalandadze (N), Shapovalov (A), rong>Bessudnova (Z), Noskova (N), Tesakova (E). 2005. On the fossil rhinoceros Elasmorherium (including the collections of the Russian Acadely of Sciences ». Cranium 22 (1), 17 – 40.

 

Kurten (B). 1971.  The Age of Mammals. London: Weidenfield and Nocolson. 

 

Shidlovskiy (F.K), Kirillova (I.V), Wood (J). 2011. Horns of the woolly rhinoceros Coelodonta antiquitatis(Blumenbach, 1799) in the Ice Age Museum collection (Moscow, Russia). Quaternary International 255, 125 – 129.

 

Siberian Times. 30 septembre 2014. 13 300 year old spear made of woolly rhinoceros horn found on Arctic island.

 

Prynn (D). 2004. Amur Tiger. Russian Nature Press.

 

Sennepin (A). 2016. 2015 : Le Tigre du Nord, fer de lance de l'Avenir. La Lettre de la SECAS 83, février 2016, 4 – 8.

 

Lambie (D). 2015. Mammoth could be brought back to life in siberian reserve. Siberian Times, 5 mai 2015.

http://siberiantimes.com/science/casestudy/news/n0207-mammoth-could-be-brought-back-to-life-in-siberian-reserve/

Koryakina (A). 2015. WORLD EXCLUSIVE. Meet this extinct cave lion, at least 10 000 YEARS OLD. Siberian Times, 26 octobre 2015.

https://siberiantimes.com/science/others/news/n0464-meet-this-extinct-cave-lion-at-least-10000-years-old/

Liesowska (A). 2015. Sacha, the world's only baby woolly rhino, is 34000 years old, say scientists. Siberian Times, 8 septembre 2015.

http://siberiantimes.com/science/casestudy/news/n0393-sasha-the-worlds-only-baby-woolly-rhino-is-34000-years-old-say-scientists/

 

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