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5 juillet 2010 1 05 /07 /juillet /2010 04:54

RETOUR DES LIONS EURASIENS

Sur les cartes romaines, les représentations de l'Afrique étaient légendées d'un "hic sunt leones" ("ici sont les lions"). La formule conviendra t - elle un jour à l'Eurasie?

Après les échanges russo iraniens de ce printemps (léopards contre tigres), un projet de réimplantation de lions persans éclot.

La souche indienne de la forêt de Gir et de ses environs compte désormais officiellement 411 individus, effectifs en croissance de 13% par rapport au dernier recensement (2005), et ce malgré les réseaux criminels aux commanditaires extrême - orientaux, aussi actifs à leur endroit qu'à celui de leurs grands cousins striés et lancéolés. Leur mortalité due aux activités humaines est en chute (17 en 2009, un seul au cours des 4 premiers mois de 2010). Il y a désormais un lion sauvage indien pour 2 ou 3 tigres.

Un transfert de noyau familial vers l'Iran est à l'étude (voir blog du 22 juin).

La Turquie ne devrait pas rester éternellement à l'écart des projets eurasiens en cours, ayant eu sur son sol des léopards géants (y compris dans certaines de ses régions les plus occidentales au moins jusqu'en 1987), des tigres eurosibériens au moins jusqu'au début des années 1990, et des lions persans jusqu'au 19ème siècle (y compris dans des zones proches des côtes de Méditerranée orientale).

Nous rappelons, à cette occasion, que nous ne donnons crédit, pour notre part, qu'à des projets impliquant une forte restauration des milieux naturels d'accueil, seule à même d'assurer une viabilité à ces réintroductions. Un pseudo réensemencement de l'Eurasie en grands prédateurs, qui ne serait de facto qu'un persillage continental hors - sol, à simple objet d'affichage politique, ne présenterait à nos yeux aucun intérêt, n'ayant aucun impact positif sur l'état des sociétés humaines (voir page "le syndrome du félin géant" du site "4 continents pour les tigres").

En tout état de cause, ce processus de "mondialisation" des grands félins ne doit rien au hasard dans des sociétés profondément perturbées et désemparées.

 

LE PARENT PROTECTEUR

Les sociétés traditionnelles (aussi bien sédentaires que nomades) voyaient dans le grand prédateur une divinité tutélaire et protectrice (voir page "le syndrôme du félin géant" sur le site "4 continents pour les tigres"). S'il est un père ou un ancêtre dans les aires culturelles chinoise, coréenne et même persane, il peut être aussi une compagne dans les sociétés traditionnelles sibériennes (tigre ailé des goldes de l'extrême orient russe, fille prédatrice du dieu cerf bouriate dans la région du lac Baïkal) ou lui être intimement lié (Simargl ailé et ondines rusalki des marais d'Europe orientale). 

Les projets en cours sont une expression de ce besoin fondamental de lien avec les représentants les

plus emblématiques de l'Univers le plus sauvage, ressenti confusément et douloureusement dans la psychologie collective.

 

LE CLIVAGE FONDAMENTAL

Mon pays, la France,à rebours des grands courants de pensée traditionnels dont certains viennent d'être évoqués,  est aussi celui de "l'animal - machine", notion de La Mettrie reprise à son compte par Descartes, et dont le succès fut telle qu'il permit la plus grande entreprise de réification de tous les temps, vécue comme légitime par "l'opinion publique".

C'est aussi en France que s'est cristallisée historiquement une véritable exécration et une terreur panique de l'animal sauvage, impliquant les comportements intellectuels, politiques et institutionnels les plus aberrants. 

 

1.Le grand géographe Xavier de Planhol, auteur d'une somme remarquable sur les relations hommes - animaux à travers l'histoire dans les différentes grandes aires culturelles, avait dénoncé un projet "délirant" de réintroduction du lion persan en Iran en 1971, qui n'avait finalement pas vu le jour en raison de vices structurels. Mais l'opposition du géographe français est plus fondamentale, et pour tout dire plus idéologique. Dans un article publiée dans la revue "L'Histoire" l'an dernier, il explique qu'à ses yeux, hommes et grands carnivores sont en guerre, et que celle - ci se poursuit aujourd'hui. Il conclut ainsi sa réflexion, ce qui se passe de tout commentaire  : "En ce 21ème siècle qui verra s'achever l'urbanisation de la planète, l'homme devra donc, dans ce qui constituera désormais pour lui son habitat largement majoritaire, affronter directement jusqu'aux plus grands fauves. Il lui faudra, sans cesse, les combattre. Jamais l'animal n'acceptera le partage de la Terre. Et l'homme devra, sans défaillance, non seulement monter la garde aux frontières de l'espace qu'il s'est réservé, mais au coeur même de celui - ci, veiller sans relâche, et tuer sans pitié".

 

2.Parmi une foultitude d'autres exemples :

- Dans les Pyrénées, des "manifestants anti ours" évoquent leur décision d'en finir avec l'animal, au début du mois.

- En Côte d'Or, une décision préfectorale de destruction des blaireaux "pour cause de tuberculose bovine" à laquelle les mustélidés sont d'ailleurs, comme par hasard, à peu près étrangers, a d'ores et déjà entraîné la mort de 2075 animaux.


3.Les "bêtes dévoreuses", quelle que soit leur réalité et leur nature,  ont un impact fantasmatique à l'échelle nationale beaucoup plus puissant qu'en aucune autre terre européenne.

Parmi beaucoup d'autres exemples, 28 ans après les faits (un grand félin, lion ou puma, peut être échappé de chez un particulier, avait dévoré du gros bétail aux environs de Noth, dans la Creuse), un article dominical d'une pleine page dans le quotidien régional "La Montagne", intitulé "La Bête qui surgit dans la tempête" se conclut ainsi : "Les rumeurs de bête expriment un désarroi profond. Ce que craignent beaucoup de ruraux, c'est le retour de la sauvagerie : dire que les bêtes sont de retour, c'est aussi porter un jugement sur les rapports sociaux ou plutôt leur absence. Laisser la France aller en friche, c'est s'engager lentement sur le chemin qui mènerait de façon inéluctable à l'état sauvage".

 

Nous allons commencer à disloquer les blocages structurels de la société française.

Au bout du chemin, comme en Iran, puis comme en Turquie :

ICI SERONT LES LIONS.

ET LES LEOPARDS.

ET LES TIGRES.


 


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  • : Le retour du tigre en Europe: le blog d'Alain Sennepin
  • : Les tigres et autres grands félins sauvages ont vécu en Europe pendant la période historique.Leur retour prochain est une nécessité politique et civilisationnelle.
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