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5 avril 2009 7 05 /04 /avril /2009 07:59
AU COEUR DES TENEBRES
A partir de la deuxième moitié du 19ème siècle , l'Eurasie est entrée dans un cercle maudit. Saisi d'une folie suicidaire, le continent s'est infligé continûment d'affreuses blessures qui ont failli lui coûter la vie.
 Les outrages infligés à la Nature Sauvage ont coïncidé  avec l'asservissement des êtres humains à des "impératifs" antinomiques de leurs nécessités sociales vitales, puis leur avilissement et leur dégénerescence en une plèbe consumériste, incarnation la plus ostentatoire de la barbarie.

DETRUIRE LA BEAUTE
Une destruction  efficace et durable de "l'adversaire" passe toujours, dans les pratiques politico religieuses  des hommes, aussi loin que l'on remonte dans l'Histoire, par la profanation de ce qu'il est le plus sacré à ses yeux. Détruire la Nature revient à stériliser la matrice la plus apte à secréter de l'Humain dans le sens qualitatif du terme et s'interdire toute possibilité de rédemption ultérieure.
En détruisant les tigres, les hommes profanaient la BEAUTE elle - même, comme entité idéelle indispensable à leur survie spirituelle et morale. Ils se sont condamnés eux - mêmes au désespoir.

LA MORT INDUSTRIELLE
De 1875 à 1945, le massacre programmé et systématique des tigres sur la totalité de leur aire de distribution est conduit en lien avec la destruction des cultures traditionnelles asiatiques et le suicide de la civilisation européenne.
En Corée, on détruit les tigres à la dynamite. En Asie centrale, on les éventre à la baïonnette.
En extrême orient russe, l'avancée du transsibérien sonne le glas des grands félins. Le naturaliste Nicolas Baïkov est convaincu d'assister à leur extinction définitive.
En Inde, les anglais présentent l'extermination des grands fauves comme une opération militaro humanitaire: il s'agit de libérer un peuple de la tyrannie d'un prédateur assoiffé de sang. Si nous n'étions pas là, disent -ils, les tigres seraient les maîtres de la Terre.
A l'inverse, en Asie centrale, l'objectif proclamé est uniquement économique : détruire le "tigre des roselières" (voir le paragraphe qui lui est consacré sur la page publiée le 28 mars) n'est qu'un préalable à l'incendie des roselières elles - mêmes (à partir des années 30, coïncidant avec la mort d'1,5 million de kazaks détruits par une famine artificielle) puis leur transformation en champs de coton, processus qui débouchera sur la fin de la civilisation pastorale, la mort de la Mer d'Aral et la chute des populations riveraines dans la misère et le désespoir. On s'attaque à un animal discret, élusif, qui n'a en aucune façon la dimension sacrale de ses congénères d'Asie orientale ou méridionale: il n'attaque ni l'homme ni son bétail, ne feule pas, son pelage est terne et les contrastes y sont peu ou pas marqués. Dès le début du XXème siècle, certains chasseurs mandatés par l'armée du Tsar peuvent s'enorgueillir de posséder des dizaines de dépouilles chacun. Pour les mêmes motifs, les léopards de la région subissent un sort semblable,  ainsi que les loups en Chine occidentale. Comme en Sibérie, le chemin de fer est la voie royale assurant la mort misérable des uns et le malheur des autres : transcaspien (arrivée à Tachkent en 1898), transaralien (1906), ligne Türkab, qui relie l'Asie centrale à la Sibérie (1930). On arase ainsi, notamment, une mosaïque de grands prédateurs unique au monde : 7 félins (tigre, léopard, guépard, once, lynx, caracal et même lion), 5 canidés (loup gris, loup rouge (dhole), chacal, renard roux, renard corsac), 3 mustélidés (blaireau, glouton, ratel), 2 ours (ours brun et ours à collier) et 1 hyène (hyène rayée).
Qui plus est, on plaçait sous le vocable "tigre de la Caspienne" des animaux à l'apparence et au comportement fort différents, vivant aussi bien dans les montagnes du Caucase, que dans les steppes, roselières et montagnes d'Asie centrale, les plateaux de Sibérie occidentale et les forêts subtropicales de Chine centrale. En 2003, cet animal est officiellement classé dans la liste des espèces "éteintes" par l'UICN.


REMONTER VERS LA LUMIERE
En 1988, 18 intellectuels ouzbeks créent le mouvement nationaliste Birlik: "Préservation des richesses naturelles, matérielles et spirituelles".
En 2004 (4 Août), le journal turc Turkish Daily News présente comme possible la survie de tigres en  Turquie orientale, dans les  zones de combat avec le PKK. Ces rumeurs courent toujours à l'heure actuelle (Arash Ghoddousi, communication personnelle).
La même année, le géographe Xavier de Planhol, dans son ouvrage encyclopédique "Le paysage animal", précise (page 826) que "L'Asie centrale, y compris dans les secteurs de domination chinoise, est pour la grande faune un espace potentiellement très prometteur".
En Août 2007, j'ai publié mon site "4 continents pour les tigres", avec une page consacrée à la nécessaire "résurrection des tigres occidentaux".
En 2008, Janvier : publication dans la Lettre de la SECAS (association du Jardin des plantes liée au Museum d'Histoire Naturelle) de mon article : "Un tigre européen oublié".
Novembre : Publication dans la même revue, de mon article : "Europe, Russie, Etats - Unis et leurs grands félins captifs: la croisée des chemins".
Décembre: publication sur mon site d'un important document PDF "Europe et grands félins".
En 2009, 11 Janvier : ouverture du présent blog.
14 Janvier : publication sur le site PlosOne d'un travail essentiel d'une équipe de l'université d'Oxford, montrant que tigre de Sibérie et de la Caspienne appartiennent à la même lignée génétique. Les tigres de Sibérie actuels sont en fait des tigres de la Caspienne qui ont essaimé vers l'Est au cours de la période historique. Certains des membres de l'équipe expriment dans la presse leur enthousiasme sur les perspectives ouvertes par une telle découverte deux semaines plus tard (Daily Science du 2 Février, détail sur ce blog, page du 18 mars).
20 mars : René Cagnat, Ambassadeur de France au Kyrgyzstan, m'apprend que le Président Turkmène, Gourbangouly Berdimouhammedov, a promis à Vladimir Poutine le cadeau de 2 paires de léopards, en vue de la réintroduction de l'espèce dans le Caucase (information confirmée par les russes) .
Hier 4 Avril, une amie russe m'a informé que lors d'une émission sur Radio Rossya du 28 février dernier, un chasseur Udeghe s'était spontanément exprimé sur les tigres, la protection et le culte qui leur était rendu par son peuple. La situation générale des tigres dans la région - qui est devenue de facto une terre de colonisation chinoise - est catastrophique (celle des léopards de l'Amour est encore pire malgré des efforts locaux méritoires de sensibilisation) . Mais en zone Udeghe, et bien que le chasseur préfère dire à ses interlocuteurs que les tigres sont en voie d'extinction, il indiqua incidemment à son interlocutrice que leur nombre était en forte augmentation, en lien avec la prolifération des sangliers en ce début d'année...

Nicolas Baïkov est mort desespéré, et pourtant le tigre de Sibérie est toujours vivant, ce qui signifie que le tigre de la Caspienne l'est également.
L'Eurasie peut guérir de son vide intérieur. Nous allons, très bientôt, lui proposer une thérapie qui a fait ses preuves.
une thérapie par LA BEAUTE.
 


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  • : Le retour du tigre en Europe: le blog d'Alain Sennepin
  • : Les tigres et autres grands félins sauvages ont vécu en Europe pendant la période historique.Leur retour prochain est une nécessité politique et civilisationnelle.
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