Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 08:30
LA MAFIA DE LA "BOUCHERIE FELINE" A L'OFFENSIVE
Comme tant d'autres responsables d'associations ou de sites web interessés à la préservation du tigre sauvage, j'ai reçu un mail hier, premier jour de l'année du Tigre 2010 - 2011, m'invitant à une réflexion pour faire plus et mieux pour le maintien du grand fauve dans son milieu naturel.
L'expéditeur était Barun Mitra, l'un des théoriciens et des agents d'influence parmi les plus importants, depuis 2006, au sein du puissant lobby des fermes à tigres, qui prône une légalisation du commerce des produits dérivés.
Les arguments (toujours les mêmes depuis plusieurs années) cherchent à convaincre que les élevages de tigre seraient une solution pour préserver l'espèce, le commerce libre mettrait fin au braconnage, et des plans de réensauvagement pourraient être initiés à partir de ces établissements.
L'expérience a montré que c'était l'inverse qui se produisait (sans parler de l'idéologie de marchandisation et de réification des êtres dans laquelle s'inscrit ce phénomène).
Les spécialistes indiens Valmik Thapar (à la réunion de la CITES de Juin 2007) et Nirmal Ghosh (dans une lettre ouverte à Barun Mitra, mise en ligne sur son site "Indian Jungles"quelques semaines plus tard) avaient pulvérisé, point par point, un tel argumentaire.
J'étais revenu de façon détaillée sur la question dans deux articles de fond publiés au printemps et à l'automne 2008 dans "La Lettre de la SECAS", revue de l'Association du Jardin des Plantes, liée au Museum National d'Histoire Naturelle ("Au Royaume du tigre...en batterie", pages 19 -21, n°53,  et "La croisée des chemins", pages 16 - 17, n°55).
J'avais d'autre part souligné, lors de la Conférence au Museum du 23 Janvier dernier,  la dimension civilisationnelle du choix entre Dragon Vert et Fermes à Tigres, entre Liberté et Esclavage, entre Bonheur dans la Dignité et Misère sociale dans l'Ignominie.
Ces derniers jours, un rapport de l'IFAW (organisation internationale de lutte contre le commerce des espèces sauvages) a confirmé que les interdictions officielles en Chine ne sont que des paravents inefficaces à l'expansion du marché des produits du tigre, alimenté par quelques élevages intensifs qui font se reproduire leurs animaux pour, portée par portée, commercialiser leurs organes et autres produits dérivés, selon les termes de Grace Gabriel, Directrice de l'IFAW pour l'Asie.
Il est précisé que de récentes enquêtes menées en Chine montrent une augmentation des ventes, en ligne ou en boutique, et ceci sera encore amplifié lors des célébrations de l'Année du Tigre, qui dureront jusqu'à début Mars.
Les responsables des élevages se targuent d'obtenir un taux de reproduction annuel de 800 individus. Ils cultivent une nouvelle demande pour les tigres morts, alimentant ainsi le commerce des animaux sauvages et stimulant leur braconnage (voir aussi la page blog publiée le 27 Décembre dernier).
Lors de la prochaine réunion de la CITES, le mois prochain, l'Union Européenne proposera un renforcement du contrôle du commerce des tigres et l'arrêt de leur élevage à des fins commerciales, ce qui est très bien sur le papier.
Dans les faits, l'influence diplomatique de l'Union européenne ne cesse de se réduire, les poids lourds véritables sont les Etats Unis et la Chine, qui  hébergent sur leurs territoires des milliers de tigres captifs et qui promeuvent la logique de la marchandisation. Le lobby des fermes ne cesse d'étendre ses ramifications au sein des institutions internationales, et la CITES est de plus en plus gangrenée par leur influence.
Ils ont l'argent, et donc le pouvoir. Ils peuvent acheter beaucoup de monde (tout le monde, pensent - ils).
S'ils obtiennent la légalisation du commerce dans quelques semaines (ou des assouplissements significatifs dans les interdictions officielles), ils pourront placer, de fait, le sommet  international pour la Protection du Tigre de Vladivostok en Septembre prochain, sous la pression et le contrôle de la mafia russo - chinoise.

DIVISER POUR REGNER
Barun Mitra et ses complices font une présentation très positive de l'initiative de réensauvagement des tigres chinois par Li Quan, de Save China's tigers, initiative dont j'ai depuis des années vanté les mérites (voir par exemple page blog du 24 Décembre 2009, ou ce que j'en ai dit lors de la Conférence du 23 Janvier).
De fait, le lobby des tigres de boucherie propose quasi explicitement un Pacte Faustien aux responsables de projets où le réensauvagement de félins captifs a une part substantielle : il s'agirait que ceux ci reconnaissent le bien fondé des fermes dans la protection de l'espèce, et que celles ci sponsorisent  leurs projets, financièrement d'une part, dans la mise à disposition d'animaux d'autre part.
Soumis ainsi au bon vouloir de la mafia du trafic, ils en deviendraient des auxiliaires et des alibis, à travers des réalisations à effet d'affichage qui se réduiraient vite à des gadgets sans intérêt pour la protection effective de la Nature.
Même si le Pacte est refusé, ce qui est probable pour la plupart d'entre nous, nos projets de réensauvagement risquent d'être regardés, hélas, d'un oeil plus spontanément soupçonneux par des associations aux stratégies différentes des nôtres.
Il ne faut pas dîner avec le Diable, même avec une grande cuiller, car celle - ci est empoisonnée, comme la lame du couteau des assassins.
Il faut les combattre.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le retour du tigre en Europe: le blog d'Alain Sennepin
  • : Les tigres et autres grands félins sauvages ont vécu en Europe pendant la période historique.Leur retour prochain est une nécessité politique et civilisationnelle.
  • Contact

Recherche

Liens