Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 octobre 2010 7 10 /10 /octobre /2010 08:25

KHANKA, RELIQUE ET MATRICE

 Le Dragon Vert, géant chlorophyllien qui fertilisait l'Eurasie, a connu un sort parallèle à son habitant le plus emblématique, le tigre eurosibérien. Celui - ci "s'était retiré" d'Europe au Moyen Âge (12ème siècle? 14ème en région balto - finnoise? Ou plus récemment encore?) et d'Asie centrale au début du siècle dernier. Il n'est plus présent aujourd'hui que dans l'extrême orient russo - chinois (zones côtières de la mer du Japon).

La formidable richesse floro - faunistique passée du "Dragon" existe encore dans cette région. Dans le Primorye, le lac Khanka rappelle l'Europe orientale et l'Asie centrale d'antan.

C'est le plus grand lac d'Asie du Nord Est (4190 km2, les trois quarts côté russe), alimenté par un réseau de 23 rivières (15 côté russe, 8 côté chinois) représentant un bassin hydrographique de près de 17 000km2, la plus grande partie constituée de marais.

On y trouve des animaux comme la tortue molle, et le grand poisson rampant (80cm) Channa argus (warpachowskii), qui franchit le rivage pour aller cueillir ses proies grouillantes dans les grandes flaques ou les bras morts.

Il est probablement le dernier endroit au monde où cohabitent (comme en Asie centrale et Europe orientale il y a des siècles), le dhole (loup rouge), le tigre eurosiberien, et l'esturgeon géant Huso dauricus "kaluga", dont des individus de 600kgs hantent les lieux.

La scène du film d'Akira Kurosawa "Dersou Ouzala" (1984),  où Dersou et Arseniev construisent à toute vitesse un abri à l'aide de graminées géantes pour ne pas mourir pendant la nuit, avait été tournée sur les rives de ce lac.

Plus récemment, lors d'une tempête estivale, en 2001, le lac avait rejeté un tigre mort sur son rivage.

Relique du "Dragon vert" du passé, Khanka est aussi la possible matrice de celui de l'avenir, écaille scintillante et noyau indestructible protecteur du principe actif.

 

UNE LONGUE RECONQUÊTE

La restauration des milieux naturels liés aux cours d'eau eurasiens est la condition sine qua non d'un rééquilibrage écologique, socio économique, et politique, du Continent, et même bien au delà.

Si l'on prend pour exemple la pêche, activité potentiellement capitale pour de nombreuses communautés, le pillage des mers est originellement dû à un épuisement précoce des rivières. L'Angleterre, pays où la grande faune sauvage fut détruite très tôt, hébergeait des brochets de 80cm jusqu'en 975, après quoi leur nombre et leur taille s'effondrèrent. D'une façon générale, jusqu'à cette période, les rivières européennes abritaient des poissons infiniment plus nombreux mais aussi deux fois plus gros qu'aujourd'hui.

Le kaluga géant du lac Khanka peut atteindre 1 tonne dans l'Amour voisin (huitième Fleuve du Monde). Et les Huso huso (beluga) du delta de l'Amou Daria vers la mer d'Aral, des 70 estuaires de celui de la Volga vers la mer Caspienne, et de l'estuaire du Dniepr vers la mer Noire,  pouvaient même être deux fois plus lourds encore, au 17ème siècle (et peut être plus récemment).

Ressusciter les lacs, rivières et marais, c'est aussi rééquilibrer les sociétés humaines riveraines et soulager les océans.

Un long, difficile et exaltant voyage, commence. Il doit mener Channa argus de son scintillant repère extrême oriental jusqu'aux marais austro-hongrois du lac Fertö, puis vers le bassin Allier-Loire.

Comme l'anguille argentée quitte son lac de montagne pour la mer des sargasses.

Pour que se referme cette parenthèse historique pendant laquelle, comme dit le proverbe chinois "quand le tigre n'est plus là, les singes sont les rois de la montagne".

 


Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le retour du tigre en Europe: le blog d'Alain Sennepin
  • : Les tigres et autres grands félins sauvages ont vécu en Europe pendant la période historique.Leur retour prochain est une nécessité politique et civilisationnelle.
  • Contact

Recherche

Liens