Le Mont Greylock (Massachusetts). Enveloppant et Protecteur. Comme un sentiment océanique de profusion...
Ceci fait suite à "Soleil levant" mis en ligne sur ce blog le 20 mars.
Le chemin des dieux qui enlève le déchant du Monde.
LECTURES AMERICAINE, MAORIE, CETACEENNE.
Lecture américaine : la ligne de fuite. Dans les dernières décennies du XVIIIème siècle, l'industrie baleinière américaine, dont les navires atteignent le Pacifique, cible en priorité les cachalots. Ce choix perdurera jusqu'au début des années 1850, enrichi, à partir de la fin des années 1840, des baleines franches boréales. Sur le plan économique, les USA alimentent une grande partie du Monde en huile de cétacé, qui constitue la première source énergétique mondiale. A ce titre, les baleiniers se considèrent comme seigneurs et maîtres des trois quarts de l'espace planétaire. A leurs yeux, les cétacés sont du minerai brut, qu'ils prélèvent, puis raffinent.
Progressivement, les agresseurs notent une évolution dans le comportement de leurs proies. Des "accidents" commencent à survenir dès les premières années du XIXème siècle. En 1820, le navire Essex est coulé par un cachalot (Nathaniel Philbrick. 2000. La véritable histoire de Moby dick. Jean Claude Lattès). L'évènement provoque un traumatisme gigantesque dans toute l'industrie baleinière. La même année, c'est la découverte du "Japan ground" (importantes populations de cachalots entre Hawaï et les côtes japonaises). Bien après leurs proies, mais sur des bases bien différentes, les prédateurs entrent dans une logique de guerre.
La première guerre du Pacifique 1820 - 1861. Pendant que les cachalots cherchent à sauver la vie de leurs communautés par tous moyens à leur disposition et notamment les ressources de leur esprit ("Epopée salvatrice", mise en ligne sur ce blog le 18 janvier 2015), l'industrie baleinière cherche à préserver ses positions de pouvoir et ses revenus, et donc sa crédibilité vis - à - vis de sa clientèle internationale. Comme dans toute guerre, un des principes fondamentaux repose sur la propagande et le mensonge (Sun Tzu). La réalité des faits n'a donc pas grand chose à voir avec ce qui en a été dit et rapporté.
LES FAITS. Après le séisme social et politique provoqué par le naufrage de l'Essex, Owen Chase, le second mais aussi "l'homme fort" de ce navire (N. Philbrick) va poursuivre le responsable de la catastrophe, entre 1825 et 1830, à la tête du baleinier Winslow. Nul ne sait s'il est parvenu à ses fins. Au cours des années suivantes, des cachalots combattants détruisent les navires amiraux Pusie Hall (1835), Arabella (1836) et Lydia (la même année), Two Generals (1938). Des navires marchands sont également coulés, comme le Desmond, le 5 juillet 1840. L'année suivante, le haut Etat Major baleinier décide une politique coordonnée d'assassinats ciblés contre les officiers de la résistance (une dizaine d'entre eux ont été répertoriés au XIXème siècle (voir le documentaire « La véritable histoire de Moby Dick » de Jurgen Stumpfaus 2014, détail dans « Epopée salvatrice », mis en ligne sur ce blog le 18 janvier 2015).
Octobre 1842. L'industrie baleinière subit la plus grande défaite et la plus grave humiliation de son Histoire. Trois navires baleiniers avec une centaine d'hommes mènent une attaque coordonnée contre un officier - cible. Celui - ci, avec une audace et une intelligence qui dépasse toute imagination, mettra l'ensemble de la flotte en déroute. Celle - ci, après avoir subi des pertes sévères en hommes et en baleinières, battera en retraite pour éviter un complet anéantissement. Le vainqueur était de couleur blanche.
Gary's nautical information, lundi 19 novembre 2007
http://nauticalinformation.blogspot.fr/2007/11/terror-whale-of-pacific-mocha-dick.html
Les baleiniers viennent progressivement à bout de leurs adversaires, mais les pertes continuent, avec celle du Pocahontas (1850), et de l'Ann Alexander (20 août 1851, deux mois avant la publication de "Moby Dick"), dont le responsable sera tué en janvier 1852. La même année, 2750 baleines franches boréales sont massacrées dans le détroit de Béring, où 220 navires baleiniers participent au carnage (Voir "Soleil levant", cité plus haut). Mocha Dick (le vainqueur de la bataille d' octobre 1842) n'est, semble t-il, plus évoqué. Un immense cachalot blanc, plus grand qu'une baleine bleue, meurt en août 1859, dans l'Atlantique, près des côtes brésiliennes, tué par un baleinier suédois, sans combat. Le journal de bord de celui - ci précise l'état d'épuisement du grand animal, qui était en train de mourir, usé jusqu'à la corde. Le nom de Mocha Dick furt alors évoqué à cette occasion.
La première guerre du Pacifique a révolutionné les représentations mentales dans les deux camps (voir "Guerre et Paix" mis en ligne sur ce blog le 26 juillet 2015). Celui des agresseurs bascule dans une guerre civile qui fera plus de 600 000 morts, et où le navire sudiste Shenandoah, en 1864 et 1865, détruira des dizaines de baleiniers nordistes, pour mettre l'économie de ceux - ci à genoux.
LES INTERVENANTS - CLEFS POUR LA CONSTRUCTION DU MYTHE.
1. Le triplet Mocha Dick / Cachalot de l'Essex / Morquan.
Mocha Dick est né au large du Chili central à l'extrême fin du XVIIIème siècle ou au tout début du XIXème. Fondamentalement pacifique, élusif et prudent, doté d'une très grande sensibilité communautaire, il fut actif face aux navires américains dès 1807. Il fut le cachalot combattant le plus efficace de la première guerre du Pacifique. Ses exploits défient l'imagination, et vont bien au delà de ceux de "Moby Dick" racontés par Herman Melville. Les descendants de ses adversaires lui ont rendu hommage au Virginia Museum of Fine Arts.
http://vmfa.museum/exhibitions/exhibitions/tristin-lowe-mocha-dick/
Le cachalot qui coula le baleinier Essex fusionna, dans l'esprit du public,avec Mocha Dick.
Morquan fut l'officier de la résistance du "Japan Ground" (voir pour le détail "Soleil levant", mis en ligne sur ce blog le 20 mars). "A la mémoire de feu le capitaine Ezechiel Hardy qui à l'avant de son bateau fut tué par un cachalot sur la côte du Japon le 3 août 1833." (H. Melville, "Moby Dick, chapitre 7 : "La chapelle").
2. Le triplet Edmund Gardner / Owen Chase / Nathaniel Hawthorne.
Edmund Gardner perdit le navire marchand "l'Union" (dont il était le capitaine), coulé par un cachalot blanc (probablement Mocha Dick) en 1807. Il eut la jambe broyée par ce même animal en 1815, au large des côtes du Pérou. Il cessa toute activité maritime en 1826, mais n'en joua pas moins un rôle déterminant dans l'élaboration de la politique d'éliminations ciblées décidée en 1841 (voir le documentaire de Jurgen Stumpfhaus cité plus haut).
Owen Chase était le numéro 2 de l'Essex, et chercha ensuite à se venger de l'auteur du naufrage (comme indiqué plus haut). Son récit des évènements de 1820 ont fortement impressionné Herman Melville, qui a eu accès à son journal en 1840. La même année, Chase cessa définitivement toute activité maritime.
Nathaniel Hawthorne était un écrivain d'une grande notoriété. Il fut l'ami d'Herman Melville, sur lequel il eut une emprise intellectuelle et psychologique certaine: comme l'a indiqué Agnès Derail (auteur de "Moby Dick, Allures du corps", éditions Rue d'Ulm, en 2000) le mois dernier dans une émission radiophonique sur France Culture, Melville modifia en profondeur la tonalité générale de sa nouvelle sous son influence, mettant au centre la figure ténébreuse du capitaine Achab... Melville dédicaça "Moby Dick" à Hawthorne en ces termes :"In token of my admiration for his genius, this book is inscribed to Nathaniel Hawthorne." Comme Gardner et Chase, Hawthorne est un représentant de l'idéologie des quakers, lecteurs littéralistes de la Bible qui mènent "une guerre sacrée contre Léviathan". Ce messianisme méphitique, qui mènera le pays à la Guerre civile, constitue un pivot essentiel de la civilisation américaine. Melville évoquait le côté sombre du personnage, « enveloppé dans un linceul de noirceur, noir à la puissance 10 ».
3. Le triplet Ralph Waldo Emerson / Jeremiah N. Reynolds / Herman Melville
Le poète Ralph Waldo Emerson consigna dans son journal, en 1834, un témoignage évoquant un cachalot blanc tué par l'équipage du baleinier Winslow, qui est probablement une version déformée de la vengeance d'Owen Chase, si toutefois celui - ci parvint jamais à ses fins (Philbrick).
Jeremiah Reynolds, écrivain, explorateur, officier dans l'armée chilienne, avocat (Christian Garcin. 06 – 01 – 2016. Les vies multiples de Jeremiah Reynolds. Collection La Bleue, Editions Stock. 160 pages) écrivit un long article fictionnel sur Mocha Dick dans le magazine "The Knikerbocker" en 1839 : Mocha Dick: Or The White Whale of the Pacific: A Leaf from a Manuscript Journal, auquel Herman Melville eut accès.
J.N. Reynolds: "Mocha Dick: Or The White Whale of the Pacific"
Voir aussi : Jeremiah Reynolds. Mocha Dick. Editions du Sonneur, Préface et traduction de Thierry Gillyboeuf. Octobre 2013.
Herman Melville, écrivain à l'esprit fondamentalement léger et panthéiste, s'orientait, dans la deuxième moitié des années 1840, vers un récit "baïkovien" avant la lettre. Ce qui aurait pu être "Moby Dick, histoire d'un cachalot du Pacifique Sud" se métamorphosa progressivement, à partir de 1848, date de sa rencontre avec Hawthorne. La sensibilité de Melville est bien illustrée dans une de ses premières lettres à son ami où il décrit son quotidien dans sa résidence d'Arrowhead (Berkshire) : "Je souhaite le bonjour au cheval et lui sers son petit déjeuner. (Cela me fend le cœur de lui en donner un froid, mais on n'y peut rien). Je rends visite à ma vache, je découpe une citrouille ou deux pour elle et reste à ses côtés pour la regarder manger, car c'est une vision plaisante que de voir une vache bouger ses mâchoires : elle le fait avec tant de douceur et de sainteté." (voir aussi, à ce sujet, "Le protocole de Kyoto", paragraphe de fin de "Soleil levant" mis en ligne le 20 mars). Melville a mis la dernière main à "Moby Dick" dans cette maison, devant une fenêtre encadrant le mont Greylock, qui domine les crêtes au nord. La masse du Greylock, le plus haut sommet du Massachusetts, avec 1063 mètres, et sa double bosse suggèrent en été une baleine verte émergeant du brouillard.
La formule finale de l'ouvrage témoignage, derrière le masque lugubre d'Achab / Hawthorne, de l'échappement discret mais radical de l'auteur, qui fait de ce nouveau "Livre de l'Apocalypse" une œuvre pleinement dostoïevskienne ( voir "Resubstantiation : littérature, la vrai foi", dans "Russie : enlumineurs réinclus", mis en ligne sur ce blog le 5 avril 2015) jusqu'au surnaturel et au prophétique, parce qu'elle rétablit une vérité présente, et anticipe plusieurs vérités futures successives :1851, La Révélation : la politique engagée 10 ans auparavant est l'expression d'une folie meurtrière et aveugle, qui échoue lamentablement ; 10 ans après, la Nation américaine dans son ensemble fait naufrage. (Voir aussi « Soleil couchant » mis en ligne sur ce blog le 11 décembre 2015).
Voici le quatrième de couverture du libre d'Agnès Derail, très éclairant de mon point de vue :
http://www.presses.ens.fr/collections_21_offshore_moby-dick-_2-7288-0248-3.html
Le Moby Dick de Melville est plus qu'un livre pour l'Amérique, c'est Le Livre. Ce récit, tout en digressions, d'une longue traque à travers les océans du globe, est hanté par la perspective d'un corps à corps final avec la baleine blanche. Le corps du monstre fabuleux y est plus que pourchassé, il est exhibé, et décliné dans ses diverses versions – anatomique, christique (car « ceci est mon corps »), obstétrique, érotique, politique.
Par delà l'aventure maritime, se profile le blason d'un corps. La tête et la queue. Le parchemin de la peau et ses pigments. Le monumental squelette. Les entrailles et leurs borborygmes. Le sang, rouge ou noir. Sans oublier les humeurs et les liqueurs, dont ce fameux « sperme », l'huile dont on oint les rois.
Ce roman encyclopédique veut « faire » corps, le décrire, l'englober. Et sa lecture aussi est un acte clinique. Disséquer, extraire, greffer. Fouiller dans les replis les plus intimes d'un « corpus » d'inscriptions » desquamé.
Et pourtant, le grandiose final, vers lequel ce livre semblait s'orchestrer, s'esquive à peine esquissé. Au lieu de la capture vient le naufrage. Une écriture, une voix s'élève parmi les débris. Le livre s'est écrit à corps perdu.
Lire, alors, signifie repérer les empreintes qu'a laissées au passage le corps dans sa fuite. Des traces, des sillages, des bifurcations, des « allures ». Qu'on écoute, à la lisière du silence, ce « déchant » : on y touche à la littérature américaine dans ce qu'elle a de plus profond, de plus secret.
The Māori people are most likely descended from people who emigrated from TAIWAN to Melanesia and then travelled east through to the ref="https://en.wikipedia.org/wiki/Society_Islands">Society Islands. After a pause of 70 to 265 years, a new wave of exploration led to the discovery and settlement of New Zealand. Les migrations des maoris depuis Taï Wan déterminent l'influence de leur culture de la Baleine, pour le passé et l'Avenir, du Japon au Chili, culture étatsunienne incluse.
UNE LECTURE MAORIE : INFLUENCE TRANSPACIFIQUE, ARMATURE RESOLUTRICE.
Mocha Dick, les Lafkenches et l'influence Maorie.
Les Lafkenches ( "Mapuche maritimes"), considèrent que l'île Mocha accueille les âmes de leurs morts transportés sur le dos de quatre baleines (Amucha = La résurrection des âmes). Déplacés à partir de 1685 pour s'être opposés à l'autorité espagnole, ils n'ont donc sans doute pas eu connaissance de Mocha Dick, en tout cas pas directement. L'île est restée inhabitée pendant 160 ans. Des Chiliens viendront la repeupler à partir de 1845.
Les Lafkenches ont - ils subi l'influence culturelle des polynésiens maoris, qui, des îles Cook, auraient atteint Mocha grâce aux vents d'Ouest? Et notamment les Ngati Poru de l'extrême - Est de l'île du Nord de l'archipel néo - zélandais)
Voir : Païka, la légende de l'ancêtre et des baleines à bosse. Et Whale Rider, film de Niki Caro, 2002 .
Autres éléments prouvant la colonisation polynésienne de la région mapuche (Chili) 6 crânes se trouvent sur l'île Mocha : forme pentagonale typique du crâne et de la forme de la mâchoire. Résultats d' une recherche publiée en Juin 2007 dans les Actes de l'Académie nationale des sciences et publié par le New York Times.
« Les courants marins et les vents d'ouest pendant El Niño pointent directement vers le territoire mapuche. Pour les Polynésiens eux-mêmes, ces longs voyages étaient non seulement possibles, mais ils sont inscrits dans la tradition orale. » Archéologue Jose Miguel Ramirez, directeur de Rapa Nui études Centre de l'Université de Valparaiso
Et voir ici le lien entre les navigateurs polynésiens et l'île Mocha...
https://www.bbc.com/travel/article/20190407-chiles-wild-pirate-island
...En 2005, des cachalots albinos auraient été observés au large du Chili...
https://www.guioteca.com/patagonia/mocha-dick-la-verdadera-ballena-blanca-que-habito-al-sur-de-chile/
L’océan a toujours été la force dominante pour le peuple maori qui voyagea sur de très grandes distances dans leurs grandes pirogues et qui vécurent des ressources des eaux tropicales. Ils ont toujours eut un grand respect pour les créatures de la mer, en particulier les dauphins et les baleines. Les Maoris ont un lien très fort depuis toujours avec ces communautés animales. Les cétacés fournissent vivres et ustensiles, et sont considérés dans les traditions tribales maories comme les gardiens du voyage des ancêtres jusqu’à Aotearoa (ce qui évoque la mythologie Lafkenche du Chili ).
Les baleines sont distinguées suivant les espèces, mais il existe aussi des noms honorifiques de baleines et de familles de baleines.
Il existe de nombreuses versions de l’origine tribale des baleines. Certains disent que « Tangaroa » (dieu de la mer) est l’ancêtre des créatures de la mer, tandis que d’autres comme « Te Pūwhakahara », « Takaaho » et « Tinirau » sont des ancêtres des baleines. Une autre tradition cite « Te Hapuku » comme l’ancêtre principal des baleines, dauphins et des phoques, ainsi que des fougères arborescentes, qui sont souvent appelés «nga ika Ngahere o te » – le poisson de la forêt (Une "Méthode Miyawaki" inversée, voir "Soleil levant", mis en ligne sur ce blog le 20 mars).
Les baleines échouées sur les plages ont été conservées et considérées comme un cadeau des dieux (comme au Japon).
Les Baleines sont souvent représentées, dans la culture maorie, comme un exemple de l’amour dans une famille avec la mère et ses enfants toujours l’un contre l’autre à se toucher à la moindre occasion, qui évoque le KHOOSLOH mongol (le chemin), musique produite par le Morin Khuur (vielle à tête de cheval) pour que la chamelle qui a rejeté son chamelon blanc le reprenne auprès d'elle (voir le film "L'histoire du chameau qui pleure", 2004, de Byambasuren Davaa et Luigi Falorni). Le chant des Baleines : chemin des dieux qui enlève le déchant du Monde.