Cet article qui fait suite à "Clarification officielle" mis en ligne le 26 juin dernier, a été actualisé les 2 et 3 juillet.
Aujourd'hui, 5 navires baleiniers ont quitté le port de Kushiro (Hokkaido) et 3 autres celui de Shimonoseki (sud-ouest du Japon) pour une campagne de chasse commerciale aux grands cétacés, avec comme objectif officiel la prise, dans la Zone économique exclusive du pays, de 227 rorquals de 3 espèces distinctes : 150 rorquals de Bryde, 52 rorquals de Minke et 25 rorquals sei, d'ici fin décembre 2019. Les protagonistes principaux au sein des équipages sont des chasseurs de villes où la chasse à la baleine est traditionnelle (notamment Abashiri, Taiji, Ishinomaki et Minamiboso). L'industrie dans son ensemble emploie 300 personnes, dont 200 pêcheurs. La décision des autorités est purement conjoncturelle, ce que tout le monde sait fort bien dans l'archipel. Il s'agit de permettre à la pêche baleinière locale une mort douce et non pas brutale. En effet, le caractère commercial de la chasse réside dans la vente de la viande aux restaurants du pays : pour viabiliser celle-ci, il faudrait séduire les jeunes dans leurs choix de consommation, ce qui sera vraisemblablement impossible car la question a aussi, les concernant, une dimension de refus idéologique, enchassée dans un conflit de générations...
Un restaurant à Minamiboso
The Guardian, ce jour. Justin McCurry.
Patrick Ramage, le Directeur pour la Conservation Marine au sein de l'IFAW (International Fund for Animal Welfare) constatait, lors d'une conférence à Tokyo la semaine dernière, que "This is a face-saving way out of whaling, the beginning of the end of Japanese whaling ... Rather than breathing new life into the whaling industry, Abe has instead found a very "Japanese-elegant way" of allowing the industry to die out on its own."
Ulrike Putz, pour Aljazeera, ce jour.
Voir aussi George Martin pour MailOnline (actualisé au 2 juillet). Nombreuses photos et 2 videos.
L'antagonisme nippo-coréen, depuis la fin du XVIème siècle. Après le tigre, la baleine (scène filmée à Seoul devant l'ambassade du Japon, juin 2019).
... le Asahi Shimbun du 2 juillet (à partir d'une dépêche de l'Associated Press)...
http://www.asahi.com/ajw/articles/AJ201907020021.html
... et CNN du 3 juillet (article détaillé avec graphiques clairs et fort instructifs). Ivan Watson, Yoko Wakatsuki, Mark Phillips (Graphiques réalisés par Jason Kwok et Jordan Ashmor.
Menu du restaurant Taruichi, à Tokyo. Cet établissement s'est spécialisé dans la cuisine de viande de baleine depuis 50 ans. En 1962, les japonais ont consommé 233000 tonnes de cette viande. En 2017, soit 55 ans plus tard, ils en ont mangé 3000 tonnes, mais l'effondrement de la consommation s'est produite il y a plusieurs décennies, dans la deuxième moitié des années 1980. Le moratoire de 1986 coïncide avec un changement culturel fondamental au sein de la société japonaise.
https://edition.cnn.com/2019/07/02/asia/japan-resumes-whaling-hnk-intl/index.html
Hier soir (30 juin), dans le journal d'informations de la chaîne ARTE, la présentatrice Meline Freda avait souligné le fait que le retrait du Japon des zones de pêche antarctique d'une part, Pacifique Nord (hors ZEE) d'autre part, constituait, de fait, un progrès substantiel par rapport à la situation antérieure.
Et dans un livre qui sera publié l'an prochain, je montre que la reprise de la chasse commerciale sous ces modalités là constitue en réalité, pour le Japon, la première étape vers la guérison du pays d'une maladie consécutive à l'ouverture forcée de ses ports aux baleiniers américains en 1853, dont le post traumatisme a porté son effet focal sur la baleine franche à partir de la Noël 1878, et s'est finalement concrétisé dans le biocide des cachalots du Pacifique et de l'Antarctique à partir de la fin des années 40, à la fois pour complaire au maître américain humilié par ces mêmes cachalots un siècle plus tôt, et à titre de "rituel d'éxècration" tel que le pratiquaient les anciens pharaons à l'endroit des hippopotames, considérés comme des dangers pour l'ordre politique, à une échelle panocéanique...
Toutefois, le contexte géopolitique et socioculturel interdit de fait à la communauté nippone d'avancer significativement sur le chemin du rééquilibrage dans un avenir prévisible, contrairement à la Russie pour laquelle la protection du tigre de l'Amour était lié au recouvrement de la souveraineté du pays, et qui a eu les moyens et la volonté de sa politique.