Le retour du tigre en Europe: le blog d'Alain Sennepin

La population de tigres dans la réserve d'Amanghar (Uttar Pradesh, contrefort himalayen) a au moins doublé en moins de 10 ans, passant de 13 en 2012 à 27 l'an dernier. Pour cette année, les caméras pièges à elles seules ont photographié une vingtaine de grands félins, ce qui signifie qu'une fois regroupées les données de recensement par les autres outils et méthodes utilisés , les effectifs pourraient dépasser la trentaine... La grande faune est plus généralement en expansion (léopards, ours, éléphants, et de nombreux ongulés...). Le Maître des lieux est un grand tigre mâle, âgé de 14 ans, qui a déjà tué 2 congénères en combat singulier... Voir le détail dans l'article de Harveer Dabas (TNN) mis en ligne ce jour sur le site du Times of India.

 https://timesofindia.indiatimes.com/city/meerut/with-spotting-of-over-20-tigers-amangarh-to-open-next-yr-dm/articleshow/93828483.cms

Hier 25 août, s'est tenue à Vladivostok une réunion des professeurs de biologie des écoles de la ville. L'un des sujets de discussion était la méthode de conduite des cours pour les élèves des classes primaires des écoles urbaines sur le thème "Introduction aux études sur le tigre". Les professeurs pourront s'appuyer sur un guide pratique de tigrologie corédigé par Sergei Aramilev, Directeur du Centre du Tigre de l'Amour, et la journaliste Olga Levashova. Les leçons de tigrologie donneront aux élèves du primaire les clefs concrètes du pourquoi il est d'une telle valeur pour le pays comme pour l'humanité dans son ensemble. Sergei Aramilev considère d'ailleurs que la sensibilisation doit commencer dès la classe maternelle. Voir le détail dans l'article mis en ligne hier sur le site du Centre Alekseevka de Réhabilitation et de Réintroduction du Tigre de l'Amour.

http://amur-tiger.ru/ru/press_center/news/1742/

УРОК «ТИГРОВЕДЕНИЕ» ВВЕДУТ В ШКОЛАХ ВЛАДИВОСТОКА

L'Hydropote (cerf d'eau de Corée, cerf vampire) est désormais officiellement reconnu comme appartenant à la faune russe.

L'espèce, cantonnée au Nord Est de la Chine et de la Corée jusqu'à la première moitié de la décennie 2010, a migré naturellement en Russie et avait été observée à plusieurs reprises dans le krai de Primorjé par des gardes de réserve naturelle en 2015. En 2019, une photo prise par une caméra piège avait mis en évidence sa présence dans la réserve "Terre du Léopard". Il devenait ainsi, officiellement, la 327ème espèce de mammifères présents sur le territoire russe, ainsi que la 8ème espèce de cervidés*. Un individu fut capturé à Ussuryisk l'an dernier. Depuis avant-hier, il a été intégré au Livre Rouge des espèces rares du pays**. Voir le détail dans l'article mis en ligne hier sur le site du Centre Alekseevska (Primorjé) de Réhabilitation et de Réintroduction du Tigre de l'Amour.

http://amur-tiger.ru/ru/press_center/news/1738/

* Cette espèce nouvelle pour la Russie doit être clairement distinguée d'un autre animal proche des cervidés, le chevrotain porte-musc de Sibérie, dont le mâle possède lui aussi des "dents de sabre", présent en Russie depuis des siècles à tout le moins, où il se différencie en 4 sous-espèces selon les régions qu'il habite. Son musc étant réputé dans la pharmacopée chinoise, il est victime du braconnage lié à ce commerce. Il en resterait environ 100 000, voire moins, sur le territoire russe. L'animal est aussi élevé en captivité dans de vastes fermes, en Chine d'une part, en Russie d'autre part, en particulier dans l'Altaï et dans la région de Moscou.

Les 2 espèces, qui appartiennent, sur le plan taxonomique, non seulement à des genres différents mais même à des familles distinctes (le porte musc n'est pas classé dans celle des cervidés, et, à ce titre, ne possède pas de larmier), ont en commun de ne pas posséder de bois. Les canines supérieures de l'hydropote peuvent atteindre 8cm. Celles des très vieux porte-musc peuvent atteindre 10cm. Elles peuvent être travaillées et, comme ici, utilisées comme pendentifs :

** L'hydropote est vraisemblablement présent en France, au sud de Limoges, sous la forme d'une petite population issue d'un parc privé, dont les individus captifs ont repris une vie libre suite à l'abandon de celui-ci. Il ne s'agit en l'occurence pas de féralisation, les individus captifs n'étant pas des animaux domestiques -merci à Moreau pour cette précision-. [Groupe mammalogique et herpétologique du Limousin, Mammifères, reptiles et amphibiens du Limousin, Limoges, Groupe mammalogique et herpétologique du Limousin, 2000, 215 p.]

Un Tigre des Cavernes oublié. Les restes fossilisés d'un tigre de Da'an*, vieux de plus de 43500 ans, ont été récemment découverts par une équipe de paléontologistes de l'Université de Géosciences de Wuhan (province de Hubei, Chine du centre-est). Ce tigre n'appartient apparemment pas à la lignée des tigres "modernes". On considère aujourd'hui que ces derniers  descendent tous d'un ancêtre commun vieux de 125 000 ans. Or, le tigre de Da'an avait ses propres caractéristiques distinctes il y a plus de 268 000 ans. Voir le détail dans l'article de Liu Kun et Zheng Caixiong mis en ligne le 1er août dernier sur le site du China Daily, et celui de "english news.cn" du 7 août.

https://www.chinadaily.com.cn/a/202208/01/WS62e79985a310fd2b29e6f91f.html

https://english.news.cn/20220807/ace530ee76444cc9a591ba6e9aef2179/c.html

* Les restes fossilisés dont a pu être extrait un génome mitochondrial ont été découverts dans une caverne karstique à Da'an, province de Jilin (Chine du Nord-Est où vivent aujourd'hui des tigres de l'Amour). Il y avait aussi des ossements fossiles de hyène dans la caverne. Dans des régions avoisinantes, des restes de lions des cavernes avaient été précédemment répertoriés. Ces animaux ont donc peut-être été en contact les uns avec les autres... Nicolas Baikov, dans son mémoire de 1925 sur le Tigre de Mandchourie (version française incluse dans "Les bêtes sauvages de Mandchourie", éditions Payot, 1939, chapitre II, 47-86) "n'avait peut-être pas si tort" de considérer l'extrême ancienneté du tigre des neiges, bien plus importante que celle de tous les autres, et ce à l'opposé de la Chine du Sud comme foyer originel, seule thèse reconnue comme valide à l'heure actuelle par les paléontologues... L'ÂGE DE PIERRE. Pages 50-51 : "Le tigre d'extrême-orient doit être considéré non pas comme une variété de l'espèce sud-asiatique, mais comme une espèce particulière. Comme son ancêtre, le tigre des cavernes, le tigre extrême-oriental ou mandchourien habite exclusivement les parties pierreuses ou rocheuses des montagnes, et installe presque toujours sa tanière dans des niches de rochers, des crevasses ou des grottes. tandis que ses congénères de l'Inde, de la Chine, du Turkestan et de la Perse préfèrent les plaines couvertes de roseaux et les bords marécageux des cours d'eau. Il ne manque pas en Mandchourie de régions analogues, mais on n'y trouve pas le tigre ; on ne le trouve que dans les montagnes rocheuses... la tigresse... choisit l'abri d'un rocher, sur les pentes inaccessibles des montagnes perdues. Anatomiquement, le tigre de Mandchourie diffère beaucoup de celui du Bengale. Son aspect massif et sa puissante ossature ont je ne sais quoi d'antique, de périmé... son extraordinaire musculature et son poids énorme le rapprochent des types de mammifères disparus..."

https://europe-tigre.over-blog.com/2018/05/l-ocean-des-2500.html

Conclusion provisoire. Les descendants du tigre de Da'an ont probablement survécu dans la taïga de Mandchourie au moins jusqu'à la période historique, avant d'être remplacés progressivement par des tigres euro-caspiens après la migration de ces derniers vers l'Est (voir à ce sujet l'étude de Carlos Driscoll et son équipe, 2009) :

https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0004125

Au cours de ce processus, des phénomènes d'hybridation se sont d'ailleurs vraisemblablement produits, comme c'est le cas, par exemple, dans les plaines d'Amérique du Nord entre coyotes et loups (le "coyloup")...

Il paraît envisageable qu'au début du XXème siècle, Nicolas Baikov ait cohabité à la fois avec des tigres de l'Amour d'origine euro-caspienne (qui, d'une part, appréciaient beaucoup les roselières en Mandchourie comme dans leur habitat occidental originel - Baikov dit ne pas les y avoir trouvés alors que c'est le cas pour Arseniev et Dersou Ouzala , et on en répertorie aujourd'hui dans les forêts alluviales de la rivière Bikin par exemple -, et d'autre part qui s'étaient adaptés aussi au milieu montagneux), et des représentants tardifs de paléotigres relictuels (plus strictement inféodés aux grottes des montagnes), ainsi que, peut-être aussi, quelques individus hybrides... Dans quatre de ses publications, toutes de l'année 1927, Baikov évoque au moins 6 félins tués pesant entre 300 et 400kgs (dont 4 de 350kgs et plus -350, 360, 390, 400- ; il évoque même un animal approchant la demi-tonne -460kgs- [références dans Heptner & Sludskii 1972, pages 135-136 pour le texte, page 737 pour la bibliographie]... Ces géants pouvaient aussi bien appartenir à la lignée ancienne qu'au groupe plus récent qui aurait, dans le second cas, atteint son niveau optimal d'adaptation et de plein épanouissement... 

Après la mort d'un villageois avant-hier après-midi près de la réserve de Bandipur, près de Mysore (Karnataka, Inde du Sud-Ouest), les autorités essaient d'identifier le grand félin lancéolé responsable des faits en étudiant la conformation de ses empreintes... Voir pour le détail la dépêche d'agence TNN mise en ligne ce jour sur le site du "Times of India".

https://timesofindia.indiatimes.com/city/mysuru/op-launched-to-capture-tiger/articleshow/93286431.cms